Crise de l'euro

De l'incompétence

Crise de l'euro



Cela fait dix-huit mois, ou six trimestres économiques, que les chefs d'État de la zone euro campent dans l'antichambre de la maison grecque. Dix-huit mois qu'ils dissertent en vain malgré l'urgence que réclame la situation financière de la Grèce. Dix-huit mois qu'ils font la preuve par A plus B qu'ils forment désormais le cercle des politiciens disparus.
Tout ce que le monde compte d'économistes reconnus s'entend pour affirmer que la somme des difficultés grecques totalisait en mars 2010, soit le mois au cours duquel Merkel et consorts avaient amorcé des discussions, 3 % du PIB combiné des 17 pays qui partagent la monnaie commune. De fait, soulignent ces économistes, dont deux Prix Nobel, si Sarkozy et compagnie avaient accordé leurs actes à la nature quantifiée, publique du problème, ce dernier aurait été résolu il y a belle lurette. Faute d'avoir agi avec diligence, le problème en question a grossi, à l'image de la boule de neige qui descend l'Everest. Aujourd'hui, tenez-vous bien, l'inventaire des ennuis grecs égale 18 % du PIB de la zone euro. Dix-huit!
L'ampleur du défi est telle que ces économistes qui ne sont pas des Cassandre avancent que l'inertie, l'impuissance de Berlusconi et ses collègues menacent maintenant l'économie du monde. Dans ses dernières livraisons, l'hebdomadaire The Economist, qu'on sait peu enclin aux effets de manche stylistiques, est allé jusqu'à qualifier «d'abject» l'échec des dirigeants du Vieux Continent après avoir souligné que leur «incompétence» se conjuguait avec «absolue» parce qu'ils ont conduit le système bancaire mondial au bord du «gouffre».
Nous en sommes là parce que des élus plus enclins à protéger leurs fonds de commerce électoral, on pense surtout à la chancelière allemande, ont cultivé le déni jusqu'à l'obsession. Depuis le début de cette affaire, ils ont considéré toute évocation par des économistes de la restructuration de la dette grecque comme un acte diabolique. Devant l'inévitable, ils se sont bandé les yeux, bouché les oreilles. Jusqu'à ce que...
Jusqu'à ce que Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe, finisse par lâcher cette semaine devant les caméras de la télévision autrichienne que les détenteurs de la dette grecque sont condamnés à radier 50 % de celle-ci. Plus tôt dans la journée, devant les députés de l'Assemblée nationale, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères et non des Finances, indiquait que la recapitalisation des banques européennes était inévitable. Et que, pour ce faire, les gouvernements étaient en train d'élaborer des mécanismes d'aide. Bref, en moins d'une journée, deux tabous ont été gommés.
Ils ont été gommés, mais le brouillard plombe en partie l'horizon. En effet, si le gouvernement français a fait écho aujourd'hui à la sommation lancée par Christine Lagarde il y a quelques semaines, si le président de la zone euro a martelé que la restructuration était à l'ordre du jour, à Berlin c'est silence radio. Ni Merkel ni son ministre des Finances n'ont émis un avis sur des propos qui tranchent pourtant avec l'orthodoxie défendue jusque-là. Comme c'est souvent le cas avec les défis lorsqu'ils présentent les caractéristiques de l'énormité, Merkel a le choix entre maintenir la position qui a été la sienne jusqu'à présent ou la renverser. Il en va de la survie de l'euro. Rien de moins.


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