De l'argent canadien contre la Loi 101

20. Actualités : archives jusqu'à 2005


François Cardinal - Pour financer sa dernière croisade contre la loi 101, l'avocat Brent
Tyler, identifié au lobby anglophone, n'a pas manqué de bailleurs
de fonds au Québec comme au Canada. Sans que les familles
concernées par la poursuite soient mises au courant, Me Tyler a
notamment fait financer sa cause par la très conservatrice National
Citizens' Coalition basée à Calgary et présidée par l'ancien député
réformiste Stephen J. Harper, le comité d'action de l'activiste Howard Galganov, l'hebdomadaire anglophone The Suburban
ainsi que la très controversée columnist du Diane
Francis, a appris Le Devoir.
Cette situation n'a pas manqué de faire réagir la ministre responsable de la Charte de la langue française, Louise Beaudoin,
qui a affirmé par l'intermédiaire de son attaché de presse qu'elle
trouvait «pour le moins curieux» que l'on finance de l'extérieur du
Québec des causes contre «l'une des institutions québécoises les
plus fondamentales».
Dix familles francophones sont actuellement en Cour supérieure
pour contester les dispositions de la loi 101 qui les empêchent
d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Les parents sont représentés devant le tribunal par Me Brent Tyler, qui ne leur a
demandé qu'une maigre contribution de 10 $ pour assurer leur
défense. À ce jour, les familles avaient été tenues dans l'ignorance
quant au financement de cette cause.
Jointe hier, Rachel Guay, une des rares plaignantes à s'adresser
aux médias, s'est dite «écoeurée» lorsque Le Devoir lui a énuméré
la liste des donateurs. «Je ne peux pas croire que Howard Galganov, un homme qui martyrise les francophones, nous soutienne. Je peux vous dire que, si on l'avait su avant, on aurait
peut-être reconsidéré notre poursuite», a-t-elle affirmé avec
colère, ajoutant qu'«il était maintenant un peu tard» pour faire quoi que ce soit.
Précisant qu'elle ne s'exprime qu'au nom de sa famille et non des
neuf autres, Mme Guay a reçu la nouvelle «comme une claque sur
la gueule». «Jamais est-ce qu'on a été en contact avec Galganov!
Pour ce qui est de la NCC [National Citizens' Coalition], je ne les
connais pas.» Elle se disait toutefois surprise d'avoir «des amis
dans l'Ouest».
La NCC est un lobby pancanadien qui se dit non partisan et dont
le président est basé à Calgary. Il est le principal bailleur de fonds
de la poursuite des dix familles. Il prétend rejoindre 40 000 sympathisants, dont seulement 2,5 % proviennent du Québec, soit
1000 d'entre eux. Présidé par l'ancien député réformiste Stephen
J. Harper, ce groupe se fait l'ardent défenseur «des libertés et
responsabilités individuelles sous un gouvernement limité et d'une
défense forte», tout en faisant la promotion de la libéralisation des
marchés. Le vice-président de la NCC, Jerry Nicholls, n'a pas voulu dire combien son lobby avait fourni à Me Tyler.
Alliance Québec a contribué en donnant «plus ou moins 10 000$» par le truchement de deux collectes de fonds, selon son président, Anthony Housefather. «Nous n'avons pas donné beaucoup d'argent», a -t-il ajouté, tout en insistant sur le fait que le montant pouvait être «plus élevé ou moins élevé que 10 000 $».
La columnist du Post, Diane Francis, a pour sa part versé personnellement 1000 $ à la caisse de Me Tyler. Jointe par téléphone hier, elle se disait «fière d'appuyer une cause qui touche
les droits civiques des francophones».
L'hebdomadaire de l'ouest de l'île, The Suburban, a participé
financièrement au travail de Me Tyler. Par des publicités occupant
de pleines pages et publiées pendant quatre semaines, le journal
invitait ses lecteurs à lui envoyer des dons qu'il faisait parvenir par
la suite à l'avocat.
Howard Galganov, président du Quebec Political Action Committee (QPAC), a aussi été un des donateurs pour cette cause. Il a insisté sur le fait que cet argent - dont il a été impossible de connaître le montant - provenait en totalité de particuliers, «rien de public». Fort de ses 2000 membres et des soirées de collectes de fonds qu'il organise, M. Galganov détient plusieurs comptes conjoints avec Me Tyler. Il y en a par exemple pour la cause contre Les Pages jaunes ou pour celle de l'antiquaire The Lyon & The Walrus. «Il y en a également un pour des causes diverses où Brent Tyler peut prendre ce qu'il veut.»
Cit-Can et le Parti Égalité sont également sur la liste des bailleurs
de fonds, mais il a été impossible de les joindre hier.
Cette participation de donateurs provenant de l'extérieur du
Québec a fait sursauter la ministre Louise Beaudoin. Son attaché
de presse, Martin Roy, a déclaré qu'«il est certainement discutable
que l'on finance de l'extérieur du Québec des causes qui mettent
en question la Charte de la langue française, l'une des institutions
québécoises les plus fondamentales».
Pour sa part, Danièle Leduc, une autre plaignante, a pris avec un
grain de sel l'implication de M. Galganov ou de la NCC. «Je vais
plus loin que mon nez et je pense à mes enfants dans toute cette
histoire. Je ne suis peut-être pas consciente des conséquences, je
pense seulement à ce que ça va apporter à mes enfants. Quand on
a peur, souvent, on est perdant.»




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