« Que devrait être le Plan Nord ? »
UQAM - Coeur des sciences - Agora Hydro-Québec
175, avenue du Président-Kennedy
Mercredi, 18 h
Gratuit, réservation obligatoire
Exit le Plan Nord de Jean Charest. Dans son discours inaugural, la première ministre Pauline Marois a lancé son propre slogan pour le développement au nord du 49e parallèle : « le Nord pour tous ». Pendant que l’industrie minière s’inquiète des positions défendues par le nouveau gouvernement, d’autres estiment qu’il est essentiel de revoir en profondeur le « chantier d’une génération ». Des experts auront l’occasion de discuter de l’avenir de ce projet dans le cadre d’un débat mercredi soir à l’UQAM.
Les divers regroupements qui représentent l’industrie minière n’ont pas manqué de manifester leurs craintes au lendemain des élections du 4 septembre. Il est vrai qu’au cours des mois précédents, les péquistes ont maintes fois affirmé leur intention de revoir en profondeur le Plan Nord des libéraux, mais aussi l’ensemble de la réglementation minière.
Deux mois plus tard, les incertitudes demeurent très vives chez les minières, alors que le gouvernement n’a toujours pas annoncé clairement ce qu’il entend faire. « La position politique semblait assez marquée pendant la campagne électorale. Mais depuis les élections, ce n’est pas clair où on s’en va, par exemple sur la question des redevances minières. Il semble que la position puisse bouger, mais on ne sait pas vers quoi », a résumé Jean-Marc Lulin, président de l’Association de l’exploration minière du Québec. En entrevue au Devoir, un porte-parole de l’Association minière du Québec a lui aussi dénoncé récemment l’absence de « plan de match » clair.
Les zones grises sont effectivement nombreuses. Sur la question des redevances d’abord. En campagne, le Parti québécois (PQ) avait promis de bonifier substantiellement le régime actuel en imposant une redevance sur la valeur brute des ressources extraites et une autre sur le « surprofit » des minières. Mais depuis, la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, semble avoir mis passablement d’eau dans son vin. « La formule [sur les redevances] n’est pas finale, a-t-elle déclaré au journal Les Affaires. C’est une position de départ. Nous sommes très ouverts à des discussions sur le sujet. »
Même flou en ce qui a trait au financement d’infrastructures comme des routes ou des ports. La ministre s’est dite ouverte à l’idée d’y consacrer des fonds publics. En contrepartie, le gouvernement pourrait exiger une « plus grande participation de l’entreprise, ou le partage des bénéfices de l’entreprise », a-t-elle dit au Devoir récemment. Mais elle n’a pas précisé comment Québec s’y prendra. Mme Ouellet n’a pas non plus expliqué ce que le gouvernement entend faire pour inciter les minières à transformer ici certaines ressources minérales tirées du sous-sol québécois. Actuellement, les plus gros projets en développement sont des mines de fer. Ceux-ci sont planifiés pour l’exportation à l’état brut de la ressource.
En commission parlementaire l’hiver dernier, le PQ avait aussi pressé les libéraux d’imposer une forme de contribution aux minières afin de payer la facture pour la restauration des sites miniers abandonnés au Québec. Selon la plus récente évaluation, l’ardoise payée entièrement par des fonds publics pourrait dépasser 1,25 milliard de dollars. Au Devoir à la fin septembre, la ministre n’a pas voulu dire si son parti, maintenant au pouvoir, forcerait les minières à contribuer. Et pas question, pour le moment, d’offrir davantage de protection au territoire agricole ni de modifier le régime d’attribution des titres miniers. N’importe qui peut, sur le Web, acquérir de tels titres pour quelques dizaines de dollars.
Refaire le plan
Jacques Fortin, professeur titulaire en sciences comptables à HEC Montréal, presse Québec de revoir en profondeur le plan annoncé en mai 2011. « Le Parti québécois devrait prendre le temps d’étudier les choses avant de s’avancer, projet par projet. Le gouvernement semble vouloir délaisser la formule “Plan Nord”, ce qui est une bonne idée, parce que ça veut dire qu’on met de côté le discours publicitaire. On va travailler en fonction des activités. Parce que le gouvernement précédent avait une approche très risquée. Comme on prétendait avoir un plan, on disait aux contribuables : “payez pour les infrastructures et faites-nous confiance”. »
Jean-Marc Lulin a toutefois insisté sur la nécessité pour l’État de participer au développement des infrastructures vers le Nord. « Les infrastructures ont toujours servi au développement économique à très long terme en favorisant le développement multisectoriel, pas seulement de l’industrie. » Déjà, un projet de chemin de fer de plus de deux milliards de dollars est à l’étude, mais aussi trois ports en régions éloignées et, éventuellement, des projets hydroélectriques au nord du 49e parallèle. Quant au prolongement de la route 167, sa construction pourrait coûter plus de 400 millions de dollars aux contribuables, en raison de dépassements de coûts.
M. Fortin suggère par ailleurs de revoir la vitesse de développement des projets miniers. « En accélérant la vitesse d’exploitation des ressources, on concentre la richesse entre les mains d’un très petit nombre d’individus et sur un très court horizon temporel. Un père de famille ne gérerait jamais une telle richesse de cette façon. Il ferait plutôt en sorte qu’il y en ait pour tout le monde, mais aussi pour ceux qui vont suivre. »
Il juge qu’avant d’engager le Québec plus avant, le gouvernement doit évaluer les possibilités de transformation du minerai, mais aussi changer le système de redevances actuellement basé sur les profits. Mais il estime que le modèle proposé par le PQ devrait aussi être revu. Bref, le plan reste à faire, selon Jacques Fortin. « J’ai de la difficulté à voir ce qui est le fil conducteur du Plan Nord dans la documentation du gouvernement, à part être un slogan pour faire du démarchage. »
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