Le Parti québécois (PQ) militera maintenant pour l’application de la loi 101 aux cégeps. La proposition de son aile jeunesse a été adoptée à 94 % sans débat par les 237 délégués réunis virtuellement en conseil national dimanche.
Le chef Paul St-Pierre Plamondon a souligné leur audace dans son discours de clôture. « Ça nous donne un mandat très, très clair, a-t-il souligné. Un vote comme celui-là nous permet désormais, à l’aile parlementaire, de porter cette proposition-là. »
Elle s’ajoute aux autres mesures incluses dans le projet de loi que le PQ compte déposer prochainement « pour renforcer la loi 101 et redonner un élan à la langue française » et ainsi couper l’herbe sous le pied du ministre Simon Jolin-Barrette, qui tarde à présenter sa réforme.
La proposition d’appliquer la Charte de la langue française au réseau collégial pourrait aussi faire son chemin jusque dans le programme électoral du parti en vue du scrutin de 2022, qui sera adopté en congrès l’automne prochain.
« Je sais que ç’a été un débat fréquent au sein du Parti québécois, mais avoir un résultat aussi fort, ça envoie aussi le message que c’est vraiment le bon moment pour parler de la question », s’est réjouie la présidente du Comité national des jeunes du Parti québécois (CNJPQ), Marie-Laurence Desgagné.
L’application de la 101 aux cégeps ne sera pas la seule demande des péquistes pour la réforme de Simon Jolin-Barrette. Ils veulent aussi soumettre les étudiants anglophones à un examen de français « pour qu’ils puissent s’intégrer dans un milieu de travail francophone », appliquer la loi 101 aux entreprises de 25 à 49 employés et à celles à charte fédérale, favoriser l’immigration francophone et faire du français la seule langue de communication du gouvernement québécois.
« Si on n’a pas de véritables mesures pour ces piliers-là de la relance de la langue française, on est dans de la superficialité qui n’aura pas l’impact souhaité et qui ne sera pas à la hauteur du défi qui nous attend par rapport au déclin de la langue française », a affirmé M. St-Pierre Plamondon en point de presse.
Le sociologue Guy Rocher, qui avait rédigé la Charte de la langue française avec Camille Laurin, a récemment invité le ministre Simon Jolin-Barrette à l’étendre aux cégeps pour éviter que les francophones et les allophones ne poursuivent leurs études en anglais. Le premier ministre François Legault avait déjà fermé la porte à cette politique l’automne dernier. M. Jolin-Barrette entendrait plutôt contingenter le nombre d’étudiants admis dans les collèges anglophones.
Un seul élu contre
Sylvain Roy a été le seul député du caucus à s’opposer à cette proposition. Selon lui, l’application de la loi 101 aux cégeps n’aurait pas « un impact significatif pour freiner le déclin de la langue française ». Il prône « une approche plus globale », qui viserait à mettre davantage en valeur la culture québécoise.
« Une culture qui inspire l’émancipation, l’innovation, l’adaptation et la prospérité va toujours être plus attractive qu’une culture qui utilise des mesures coercitives et législatives pour exister », a indiqué au Devoir l’ancien professeur de sociologie au Centre d’études collégiales de Carleton, en Gaspésie.
Il a également dénoncé l’offre accrue de programmes en anglais dans les universités québécoises pour « aller chercher des clientèles riches », qui contribue à l’anglicisation des études postsecondaires.
Les jeunes péquistes ont fait valoir que l’application de la loi 101 aux cégeps ferait partie d’un bouquet de mesures destinées à promouvoir la langue française. Mme Desgagné avait mis en garde l’assemblée la veille contre un retour à l’époque où « les patrons parlaient anglais et les travailleurs devaient parler anglais pour les comprendre ».
La loi 101, adoptée par l’Assemblée nationale en 1977, restreint l’enseignement en anglais au primaire et au secondaire aux enfants dont l’un des deux parents a lui-même fréquenté l’école anglaise. Elle empêcherait ainsi les étudiants francophones de fréquenter un établissement collégial anglophone si elle était étendue.
Paul St-Pierre Plamondon, d’abord opposé à l’application de la loi 101 aux cégeps, a fait volte-face au cours des derniers jours. ll n’a pas exigé toutefois de vote unanime du caucus. Les sept autres députés ont appuyé la proposition de l’aile jeunesse. Il s’agit de Pascal Bérubé, Véronique Hivon, Sylvain Gaudreault, Martin Ouellet, Méganne Perry Melançon, Joël Arseneau et Lorraine Richard.
L’application de la loi 101 aux cégeps a suscité des débats au sein du PQ à maintes reprises. Jean-François Lisée, ex-chef du parti, avait écarté l’idée de l’étendre au réseau collégial, craignant entre autres que cette mesure ne divise la population québécoise. Il s’est ravisé samedi, bien qu’il estime que la politique la plus efficace pour freiner le déclin du français serait de faire en sorte que tous les cégeps soient francophones.
Son successeur est en désaccord. « Les anglophones ont un droit à continuer leur cursus dans leur langue maternelle. Donc, ce qu’on propose ne remet pas en question ce droit-là, a réagi M. St-Pierre Plamondon. Au contraire, ça assure aux anglophones des places au cégep. »
Le Conseil national du PQ a permis aux délégués de mettre la table pour la préparation de la prochaine campagne électorale. Le chef a invité chacun des 30 000 membres à en recruter un nouveau. Il leur a également enjoint de contribuer à la campagne de financement pour que le parti ait les moyens de ses ambitions à l’élection de 2022.
PSPP S’EN PREND AUX WOKES
L’idéologie woke va trop loin, selon Paul St-Pierre Plamondon, qui a dénoncé le rejet de la Ville de Montréal d’une initiative citoyenne pour donner le nom de Camille Laurin à une promenade piétonne. « Je pense qu’il faut fixer des limites à l’idéologie woke », a déclaré dimanche le chef péquiste devant les délégués réunis virtuellement en conseil national. « Je ne pense pas que la couleur de peau de Camille Laurin soit une bonne raison de ne pas honorer sa contribution à la société québécoise dans le cadre de la ville d’Outremont, par exemple », a-t-il ajouté. Il estime que « le racialisme est en train de déraper ». La nouvelle avait été rapportée vendredi par le Journal de Montréal. Le quotidien a écrit qu’une rue de Rivière-des-Prairies — Pointe-aux-Trembles porte déjà le nom du père de la loi 101 et que la Ville cherche à corriger la sous-représentation des noms de femmes, d’Autochtones et de gens issus des communautés culturelles dans sa toponymie.