Les Québécois sont gens de patience. Ils subissent des insultes, se font semoncer par des esprits supérieurs, qui les considèrent comme des sous-développés de la démocratie et des ennemis des droits de la personne.
Mon confrère Richard Martineau faisait état hier d’un éditorial du Globe and Mail, qui tire à boulets rouges sur la loi 21, laquelle loi serait indigne de la grandeur d’esprit des Canadiens, des citoyens modèles et assez tolérants pour nous permettre d’exister dans les enclos de nos terres ancestrales.
Le ministre de l’Immigration Simon Jolin-Barrette n’a pas pavoisé en annonçant mardi son code des valeurs québécoises. Car cette version allégée n’est certes pas ce qu’il aurait souhaité. À quoi bon, alors, imposer un questionnaire si enfantin à de futurs immigrants qui auront tous la possibilité de reprendre l’exercice trois fois plutôt qu’une ?
Bêtise
Le test des valeurs est conçu pour des têtes heureuses, qui doivent deviner, par exemple, si trois personnes (un homme et deux femmes, c’est-à-dire un mariage polygame) ont le droit de se marier au Canada. La naïveté ici s’amalgame à la bêtise.
Dans sa tentative de concrétiser sa différence, le Québec ne rencontre donc que des réactions hostiles à travers le Canada.
La conception de l’immigration du gouvernement Legault se heurte à un mur malgré les paroles hypocrites tenues par les partis politiques pendant la dernière campagne électorale.
Justin Trudeau, à n’en point douter, utilisera sa force de frappe pour mettre à mal la loi sur la laïcité. Avec l’appui du NPD, dont le chef Jagmeet Singh oubliera vite qu’il est « tombé en amour » avec le français et le Québec, comme il l’a répété ad nauseam en campagne électorale. Les conservateurs dirigés par Andrew Scheer, dont l’avenir personnel n’est pas assuré, ne peuvent être des alliés ni sur la laïcité ni sur la conception que se fait le gouvernement Legault de la façon d’intégrer les immigrants.
Méfiance
La CAQ est un parti dont on se méfie au Canada anglais. Plusieurs le perçoivent comme un cheval de Troie du séparatisme. Ne serait-ce qu’à cause du passé politique de son chef, François Legault. Avec le PQ au pouvoir, les enjeux étaient plus clairs. Les duels Lévesque-Trudeau et Parizeau-Chrétien avaient, en plus du panache, le mérite d’être tranchés.
Le gouvernement Legault, fort de ses appuis populaires incomparables à ceux de tous les premiers ministres provinciaux et du premier ministre du Canada, désormais minoritaire, ne parvient pas à être craint comme les ténors passés de la souveraineté.
Car un premier ministre québécois n’a plus le pouvoir de menacer le Canada depuis l’échec référendaire de 1995. Il faut donc serrer les rangs devant les humiliations actuelles et celles à venir. Toute velléité de présenter le Québec comme une société distincte et laïque déclenche des envies peu réfrénées d’humilier la majorité francophone. De l’accabler de toutes les épithètes derrière lesquelles se cache un mépris, voire une haine partagée aussi par des immigrants débarqués au Québec, se croyant au Canada, terre de tous les aïeux.