Le comédien français Édouard Baer

Condamné par contumace

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Tribune libre

     J’ai vu récemment à la télé le film franco-italien Le Bel Antonio (Il bell’Antonio) [1], sorti en 1961, avec notamment l’acteur français Pierre Brasseur. On y voit ce dernier frôler clairement les seins de deux actrices italiennes et ces dernières s’en montrer quelque peu indisposées. Le vieux cochon a dû se marrer. Le réalisateur a probablement apprécié lui aussi puisqu’il n’a pas refilmé les scènes (ce qu’il aurait dû faire, par égard pour les comédiennes abusées).


     Aujourd’hui, la carrière d’un acteur qui ferait cela volontairement serait compromise, avec raison. Gérard Depardieu a tenu des propos odieux sur les femmes devant une caméra en Corée du Nord et sa carrière est depuis finie. Cette personne infréquentable a fait son seppuku en public. Il n’est plus nécessaire d’attendre le verdict d’un jury ou la sentence d’un juge le concernant. Pour nous, l’affaire est entendue. Car en humiliant des Nord-Coréennes, des femmes, il a humilié en quelque sorte nos mères, nos sœurs, nos nièces, nos tantes, nos cousines, nos femmes, nos filles, nos amies, nos collègues…


     Mais il en va tout autrement du comédien français Édouard Baer, accusé par six femmes d’inconduite sexuelle, dont pas une n’a encore porté plainte à la police [2]. Ne connaissant rien de ces affaires, j’attends qu’un éventuel procès tenu en bonne et due forme m’éclaire sur elles. D’ici là, l’acteur garde ma confiance.


     Mais pour l’actrice québécoise Julie Le Breton, qui joue dans le film Tous toqués! [3], en salle au Québec le 13 septembre et dans lequel Baer tient le rôle important d’un grand chef français, celui-ci est déjà coupable : « Il est temps que des cas comme celui-ci renversent la vapeur en France, un pays encore en plein mouvement #metoo. C’est très grave. Et je suis fière de travailler au Québec, où mon producteur m’a conseillé de ne pas cacher ma déception et d’aborder ce sujet, tout en espérant que cette histoire n’occulte pas le film. » [4]


     Quant à la réalisatrice Manon Briand, elle a tenu ces propos aberrants : « On n’a pas assez d’information pour continuer de travailler avec lui. » [5] Alors qu’elle aurait plutôt dû confier : « On n’a pas assez d’information pour arrêter de travailler avec lui. »


     Si ce film avait été produit en France, il n’est pas certain qu’il aurait été bienvenu au Québec (le précédent avec Baer, Daaaaaalí !, a été distribué au Québec juste avant la révélation de Mediapart [6]). Car les films étrangers affectés par la médecine de #moiaussi ne sont pas distribués au Québec (ceux de Woody Allen et Roman Polanski, notamment). Mais comme Tous toqués! est québécois, les wokes d’ici ont fait une exception.


     Si le producteur Pierre Even [7] avait eu assez d’argent, il aurait probablement fait comme Ridley Scott dans Tout l’argent du monde (All the Money in the World), qui a remplacé le pestiféré Kevin Spacey par Christopher Plummer en retournant 22 scènes en 8 jours [8]. Il s’est quand même permis de modifier le titre initial (Le chef et la douanière), de refaire la bande-annonce et de tenir à distance l’acteur français [9]. Ah ! Ah ! Oui, la petite faune du cinéma québécois me fait bien rire.


Sylvio Le Blanc
















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1 commentaire

  • Sylvio Le Blanc Répondre

    15 septembre 2024

         Cet extrait d'une critique du film écrite par le journaliste du Devoir Olivier Du Ruisseau en dit long sur son auteur : « Saluons également la décision de la réalisatrice d’éviter d’alourdir le récit avec une romance trop appuyée entre le chef et la douanière. Ce sont les femmes (fortes) du film qui retiennent l’attention. Et l’avant-dernière scène, où le personnage d’Édouard Baer (accusé en mai de harcèlement et d’agression sexuelle par six femmes) doit leur demander pardon pour une raison qu’on évitera de divulgâcher, revêt aujourd’hui une douce ironie que l’on se plaît à savourer. »


    https://www.ledevoir.com/culture/cinema/819759/tous-toques-savoureuse-comedie



    Je préfère l'avis de Mediafilm :


    « Douze ans après LIVERPOOL, fable sociale ambitieuse, Manon Briand revient avec TOUS TOQUÉS, un film familial beaucoup plus accessible. Peut-être aussi moins personnel. Car on ne reconnaît pas vraiment l'ambition formelle de la réalisatrice de LA TURBULENCE DES FLUIDES dans la mise en scène compétente mais sage de ce récit de rédemption gentil et consensuel. Celui-ci célèbre avec insistance la richesse du terroir québécois et le sens de la solidarité des ruraux, tandis que ses thèmes plus graves, tels que l'intimidation scolaire et la peur du rejet, sont effleurés et servent uniquement de leviers narratifs commodes. Du reste, le conflit père-fille générique vécu par le chef (Édouard Baer, très investi) alourdit le film et provoque au dernier droit un suspense plutôt fabriqué. Le jeu de Julie Le Breton, dans le rôle de la douanière, manque pour sa part de tonus, tandis qu'au second plan, des acteurs de qualité font de la quasi-figuration. » Louis-Paul Rioux


    https://mediafilm.ca/films/2024/le-chef-et-la-douaniere