par Suzanne Dansereau et François Normand, Journal Les Affaires
Lucien Bouchard a déclenché de vives réactions voilà quelques semaines lorsqu'il a suggéré aux Québécois qu'ils devraient travailler davantage.
Justes ou non, ses propos nous donnent l'occasion d'amorcer une réflexion profonde et urgente sur les façons de maintenir la prospérité au Québec et au Canada. Jusqu'à tout récemment, il était encore facile de croire que notre pays était le " meilleur au monde ". Cela est moins vrai aujourd'hui. La mondialisation de l'économie, qui a amené les délocalisations vers les pays émergents, se conjugue au grave déclin démographique pour affaiblir la compétitivité de la province. Les économistes sont formels : il faut réagir.
Comment s'y prendre ? Les réponses sont connues : il faut innover et avoir des institutions et des infrastructures solides, un environnement d'affaires favorisant la concurrence et une main-d'oeuvre suffisante et hautement qualifiée.
Mais comment y parvenir ? Les gouvernements, même si le sujet de la productivité est difficile à vendre politiquement, y travaillent. Québec dévoilera sous peu sa nouvelle politique de l'innovation. Le gouvernement fédéral, pour sa part, publiera dans quelques jours un énoncé économique qui tentera de s'attaquer au problème.
LES AFFAIRES a voulu apporter sa contribution au débat. Nous avons consulté une douzaine d'éminences grises, réputées dans leur domaine, qui réfléchissent sérieusement à la question. Des dirigeants d'entreprises, des experts en management, des économistes et des gens du milieu universitaire et de la recherche. Nous leur avons demandé de nous présenter au moins une solution concrète pour améliorer la compétitivité.
De ces entretiens se sont dégagées 12 solutions, que nous vous présentons dans les pages suivantes. Espérons qu'elles puissent vous faire réfléchir vous aussi sur les façons de devenir plus productif et compétitif !
Le Canada sur la mauvaise pente
Selon la plus récente enquête du Forum économique mondial (FEM), la compétitivité du Canada est en baisse relative en 2006. Sur 125 pays répertoriés, le Canada a glissé au 16e rang, alors qu'en 2005, il était 13e.
Cette étude s'ajoute à d'autres rapports qui témoignent d'une perte de terrain et d'un écart accru avec le voisin américain.
En termes de productivité, le Canada est passé de la 5e à la 17e position entre 1973 et 2004 parmi les 23 membres de l'OCDE. Si la productivité a augmenté depuis cinq ans, la hausse a été plus lente qu'aux États-Unis, souligne Jean-Pierre Maynard, chef de la productivité chez Statistique Canada. En 2002, elle représentait 94 % de la productivité américaine, alors qu'en 2005, selon des données préliminaires, ce pourcentage chutera à 84 %.
Baisse de la qualité de l'éducation supérieure
Selon lui, " la question est préoccupante à cause du vieillissement de la population. Nous n'aurons plus à l'avenir le bassin de main-d'oeuvre pour créer de la richesse. Il faudra être encore plus productifs pour être compétitifs ".
L'enquête nous apprend que le Canada est 2e du groupe pour la santé et l'éducation primaire et 7e pour l'efficacité de ses marchés. Donc, pour les conditions de base, " le Canada fait excellente figure ", analyse l'économiste Laura Altinger, du FEM.
Par contre, le pays est passé du 11e au 17e rang pour la qualité de son éducation supérieure et la formation de sa main-d'oeuvre. Pour l'accès au capital, la chute a été encore plus brutale, soit un passage du 24e au 36e rang. En matière d'infrastructures (transport, communications), le pays est passé du 10e au 17e rang. Pour le poids de la réglementation gouvernementale, nous sommes passés de 29e à 38e. Et pour la flexibilité dans la détermination des salaires, de 37e à 50e.
Et l'impact de nos impôts ? À cet égard, le Canada est en 66e position, une baisse par rapport à la 63e position de l'an dernier. " L'effet des impôts n'est qu'une variable parmi d'autres, explique Laura Altinger. Il ne pèse pas autant que les facteurs d'innovation ". Elle précise que la Suède, la Finlande et le Danemark ont des impôts élevés mais des entreprises innovantes.
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