LES ÉTATS GÉNÉRAUX SUR LES COMMÉMORATIONS

Comment statuer sur la mémoire?

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De la nécessite de faire corps avec notre histoire pour persévérer dans notre être national

Pour quoi et pour qui se souvenir ? La question des commémorations ne se pose pas de la même façon pour un individu et pour une société, pense le sociologue Jacques Beauchemin à l’occasion de la première journée des travaux des états généraux sur les commémorations organisés par le Mouvement national des Québécoises et des Québécois.

Le sociologue cite Kundera : « Tout sera oublié et rien ne sera réparé. » Si tel est le cas, à quoi bon se souvenir ? C’est sans compter, plaide Beauchemin, que les sociétés, à la différence des individus, « tendent à se situer toujours, dans un fil de continuité, dans l’horizon d’une histoire. Une société n’a pour seul moyen pour se ressentir que le discours, la commémoration, le fil conducteur. » La commémoration sert ainsi « de moyen de construire, de moyens de représentation pour s’apercevoir comme réalité autoportante ».

Joseph-Yvon Thériault, lui aussi professeur à l’UQAM, considère pour sa part que l’existence d’un sujet, qu’il soit personnel ou collectif, tient forcément à l’inscription dans une mémoire. « Pas de “nous” sans un récit. » Et cela suppose des frontières, précise Thériault, comme d’autres intervenants. « Il y a toujours un nous et un eux. On peut élargir l’histoire, la rendre plus inclusive, mais quand il n’y aura plus de frontières, il n’y aura plus de sujet. »

Le rêve cosmopolite

Il faut se méfier d’un rêve cosmopolite où l’histoire deviendrait un jeu à somme nulle, disent une large partie des invités de cette première journée. John Porter, ancien directeur du Musée national des beaux-arts du Québec, donne l’exemple des célébrations de Champlain. « L’année 1908 devait être une fête pour l’Empire. […] Mais la population française voulait une célébration des origines. » Cette concurrence des mémoires fit en sorte qu’il fallut tenir compte de perspectives différentes.

La publicité de ces états généraux montre l’effacement symbolique de statues. Antoine Robitaille, éditorialiste au Devoir, explique aux 75 personnes réunies à la salle du Gèsu sa critique à l’égard des récentes sculptures de bronze érigées à Québec en l’honneur de politiciens. Cette statuaire du nouveau millénaire a perdu, regrette-t-il, le côté allégorique présent au XIXe siècle. « Il est devenu malsain de se dire en dette envers les personnages du passé. »

Signe de tout cela, selon lui : la domination de l’art contemporain, qui serait à cet égard « nihiliste », parce que « sans sens immédiatement perceptible ». « Notre art public relève souvent de cet esprit-là, regrette-t-il. Ça ne fait que rarement référence à un passé, à une histoire. » À tout prendre, il préfère encore les récentes maladresses des récentes statues de bronze, dit-il.

Pour le professeur Marc Chevrier, il faut « réenchanter les villes et les villages » plutôt que de dépenser des fortunes en allant se réjouir de ce qui a été préservé ailleurs. En attendant, croit-il, « nous refoulons la mémoire aux égouts ».

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