Comment pourrait-on renouveler la social-démocratie ?

le renouvellement de la social-démocratie, pour moi, doit passer par une sérieuse remise en question de la place surfaite des échanges économiques et monétaires dans nos sociétés

Tribune libre

par Jacques Fournier
organisateur communautaire retraité
La social-démocratie a parfois été présentée comme le compromis presque idéal entre le capitalisme sans cœur et le communisme sans âme. Rappelons-nous : pendant des décennies, la Suède, pour prendre cet exemple connu, a joui des bienfaits de la social-démocratie, ce qui impliquait de généreux programmes sociaux dans un système où la liberté m’était pas un vain mot.
Puis, le modèle a perdu de son lustre. Certains gouvernements qui se prétendaient sociaux-démocrates ont commencé à mener des politiques davantage néo-libérales, par exemple le gouvernement travailliste de Tony Blair où les sociaux-démocrates authentiques ne se reconnaissaient plus.
Au Québec, le gouvernement Lévesque, durant ses premières années, de 1976 à 1981, a adopté plusieurs politiques nettement sociales-démocrates. Comment pourrait-on renouveler la social-démocatie pour la rendre à nouveau attrayante et adaptée aux temps nouveaux que nous vivons?
[->www.chantiersocialdemocratie.org] Un passionnant colloque international sur le renouvellement de la social-démocratie s’est tenu à l’UQAM les 26 et 27 novembre dernier (www.chantiersocialdemocratie.org).
A mon avis, une démocratie-démocratie renouvelée doit, entre autres, intégrer davantage la question de l’environnement et de l’utilisation plus judicieuse qui devrait être faite des ressources non renouvelables de la terre. Elle ne doit pas se contenter de revêtir une petite couche de peinture verte mais être teinte en vert dans la masse de son renouvellement. Devrait-on appeler cela de l’éco-social-démocratie ? Je me méfie un peu des étiquettes.
Je relie cette question de l’écologie avec celle de la lutte à la surconsommation qui ne pourra être victorieuse, dans les pays du Nord, que par un recours massif à des formules inspirées par la simplicité volontaire. Nous devrons changer notre mode de vie, individuellement et collectivement, et cela implique de se recentrer sur des valeurs autres que les valeurs dominantes du paraître, de l’avoir, de la compétition et de la surconsommation.
C’est une révolution majeure qui pourrait être proposée là. Il faudra changer le paradigme qui dit que « l’argent est la mesure de tout ». C’est un paradigme fort car il nous fait valoriser des mots comme prospérité, richesse, ces mots-fétiches, qui teintent la social-démocratie du « toujours plus » que nous avons tant recherché, en particulier comme responsables ou militants syndicaux. J’en profite pour faire ici mon mea culpa en tant qu’ancien responsable syndical local durant plusieurs années ! Ce qu’il faut maintenant rechercher, ce n’est plus le « toujours plus d’argent » mais le « toujours plus de temps de vivre », une meilleure qualité de vie, en bref.
Par quoi remplacer la maxime « l’argent est la mesure de tout » ? Par exemple, par le don, qui, pour plusieurs anthropologues et sociologues (je pense à Marcel Mauss et à Jacques T. Godbout), est une valeur aussi, sinon plus, fondamentale dans nos sociétés que l’échange. Concrètement, ce choix entraîne le développement d’une société de bénévolat, de militantisme, d’engagement citoyen et de partage.

Bref, le renouvellement de la social-démocratie, pour moi, doit passer par une sérieuse remise en question de la place surfaite des échanges économiques et monétaires dans nos sociétés, avec tout le stress que cela entraîne autant dans nos vie de travail que dans la vie hors-travail.
Je crois qu’il est possible de concilier les nouvelles valeurs inspirées par la protection de l’environnement et la lutte contre la surconsommation, avec les valeurs traditionnellement attribuées à la social-démocratie qui sont la réduction des inégalités, la justice sociale, la lutte contre la pauvreté et le respect de la dignité de la personne.

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Organisateur communautaire dans le réseau de la santé et des services sociaux





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1 commentaire

  • Nicole Hébert Répondre

    30 novembre 2010

    J'aime votre propos, M. Fournier. Au fond, n'étaient-ce pas là les vraies valeurs chrétiennes, prônées, sinon vécues? Nous avons jeté le bébé avec l'eau du bain. Reste à re-découvrir ces idéaux de vie à travers nos déblaiements de projets politiques. Je crois que nous avons, comme pays, un héritage dans lequel puiser tout ce qu'il faut pour cela.
    Merci de nous proposer d'élever ainsi nos débats.