Ce texte est cosigné par Evelyne Abitbol, consultante en développement international, Djemila Benhabib, auteure et conférencière, Leila Lesbet, militante des droits des femmes et Michèle Sirois, présidente de Pour les Droits des femmes du Québec.
Jamais nous ne pensions être obligées au Québec de solliciter la presse ou la police pour protéger et défendre des femmes québécoises originaires du Maghreb et du Moyen-Orient, qui sont des démocrates et qui se prononcent en faveur de la laïcité.
Jeudi 23 janvier, nous tenions une conférence de presse organisée en moins de 24 heures afin de stopper l'intimidation et la tendance qui commence à se dessiner au Québec, soit de salir, dénigrer, menacer, ridiculiser, etc. les femmes qui osent se prononcer pour la laïcité de l'État. Ce phénomène n'est que plus féroce depuis le début des audiences sur le projet de loi 60.
Spontanément, les organismes suivants ont donné leur appui et étaient présents lors de la conférence de presse: Pour les droits des femmes du Québec (PDF - Québec), Coalition Laicité Québec (CLQ), le Mouvement laïque québécois (MLQ), l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité (AQNAL), quelques Janette, l'Association des Humanistes du Québec, des membres de l'Association féminine d'Éducation et d'action sociale (AFEAS), etc.
Étaient également présentes des personnes interpelées par la démarche: Martine Desjardins, porte-parole du mémoire déposé à l'Assemblée nationale au nom du Rassemblement pour la laïcité, l'auteure Yolande Geadah ainsi que de nombreux hommes tel que Karim Akouche, auteur et dramaturge, qui présentera son mémoire sous peu, etc.
Nous, Evelyne Abitbol, Djemila Benhabib, Leila Lesbet et Michèle Sirois, nous nous sommes organisées aussi rapidement que possible pour protéger certaines femmes québécoises en faveur de la laïcité. Ces femmes qui sont originaires du Maghreb et du Moyen Orient ont été dénigrées et menacées autour de nous. Notre objectif était qu'elles se sentent entourées et qu'elles sachent que nous sommes solidaires. Ces femmes subissent en ce moment une pression qu'elles ont de la difficulté à vivre, que ce soit dans le cyberespace ou dans leurs vies familiales et sociales.
Lorsque Evelyne Abitbol a initié la déclaration que vous trouvez sur le site etreensemble.ca, toutes étaient fières d'apposer leur signature et de s'affirmer comme Québécoises laïques en participant à la vie citoyenne de notre pays d'adoption. Mais aussi parce que nous étions fières de réunir des femmes juives, musulmanes, berbères, chrétiennes, athées. Nous exerçons la religion et parfois plusieurs traditions, qui nous plaisent, dans nos espaces privés. Nous sommes démocrates et défendons la neutralité de l'État, la laïcité de ses institutions publiques.
Nous savions lorsque nous avons signé la déclaration sur le site que ce n'était pas sans risque. De nombreuses femmes qui avaient été interpelées pour la signature avaient déjà manifesté leur crainte de signer la déclaration. Par ailleurs, plusieurs ne l'ont pas fait par crainte de représailles et de menaces.
Ces femmes, qui se disent laïques, nous ont encouragées dans notre démarche, parce que, nous ont-elles dit, nous les soulagerions d'un grand poids, soit celui de la pression de leur communauté, des hommes de leur famille, etc.
Nous pouvons affirmer à nos intimidateurs qu'ils ne nous font pas peur et que personne ne nous fera taire.
Tahar Djaout, poète, écrivain et journaliste, assassiné en 1993 a écrit: «Le silence, c'est la mort, et toi, si tu te tais, tu meurs et si tu parles, tu meurs. Alors dis et meurs.»
La tactique est la même
Depuis que les audiences publiques sur le projet de loi 60 ont débuté, les intimidations notamment auprès de témoins, se sont multipliées sur les réseaux sociaux, par téléphone et dans un site qui semble dédier son contenu aux nouvelles des musulmans du Canada. La tactique employée est la même. Mais cela peut aller jusqu'à interpeler le mari en le ridiculisant de ne pas être capable de retenir sa femme, en téléphonant à des membres de la famille qui sont plus religieux, qu'ils résident ici ou dans leur pays d'origine afin d'exercer une pression indue.
Le Québec n'était pas sensibilisé à cette problématique, jusqu'à ce que des femmes musulmanes comme entre autres Fatima Houda Pepin, aient eu le courage d'aller au front et de dénoncer les forces souterraines, les lobbies à l'œuvre dans le tissu social québécois.
Ces groupes sont organisés, passent sur les lignes ouvertes, interpellent les médias en les ralliant à leur cause, et surtout en séduisant en maniant la terminologie propre au développement démocratique et aux droits de la personne.
Nous connaissons malheureusement la suite. Ce sont des groupes qui se servent des plus naïfs chez qui on sollicite la compassion pour arriver à leurs fins et ensuite imposer leurs diktats religieux.
Ce qui s'est passé ailleurs dans le monde n'a plus besoin d'être relaté et devrait refroidir les ardeurs de ceux qui, ici, sont motivés par de nobles intentions mais, sans s'en rendre compte, protègent les intégristes religieux. Ailleurs, des hommes et des femmes ont été assassinés, pour avoir osé être en faveur de la laïcité de l'État.
Ces groupes sont présents sur les réseaux sociaux qu'ils scrutent, où ils passent leurs journées à intimider, bloquer leurs serveurs informatiques, et à publier des textes pour dénigrer celles qui osent se prononcer en faveur de la neutralité de l'État et de la laïcité.
Nous ne nous retirerons pas du débat ni ne nous tairons. Et surtout pas sous les coups de la menace d'ostracisme ou d'excommunication.
Trois points sur lesquels nous insistons
Le premier point: nous demandons que soient retirées du site TheMuslimNews.ca Québec les pages qui ciblent des femmes, remettent en question l'intégrité de leurs témoignages et dénigrent ouvertement leurs propos.
Après notre intervention publique du jeudi 23 janvier, bien que certains tweets ridiculisant des femmes aient été retirés, certains noms continuent d'y circuler et le site en question se dit victime d'intimidation. Il est à noter qu'il est difficile d'intimider un site sur lequel des textes sont publiés sans signature et surtout sans que les personnes qui alimentent le site soient identifiées.
Nous agissons non seulement à visage découvert, mais également sous nos identités réelles, contrairement à ces personnes, qui se cachent derrière leur écran.
Les cosignataires du manifeste Femmes québécoises laïques originaire du Maghreb et du Moyen-Orient sont toujours directement ciblées par ces groupes. Après avoir été dénoncés sur Twitter en publiant la capture d'écran de la page où nous étions nommées «informatrices indigènes» - nous vous passons ici la définition du mot indigène, un tant soit peu méprisant qui fait référence à la colonisation - aussitôt le titre a changé pour «Qui représentent-elles?». Nous faisons assurément face à des gens qui savent utiliser les réseaux sociaux et le web pour intimider.
Le deuxième point sur lequel nous insistons: nous considérons que l'action entreprise par le Collectif québécois contre l'Islamophobie est des plus inquiétantes et vise ni plus ni moins à réduire le champ de la liberté d'expression et à soustraire les religions, en particulier l'islam, de toute critique.
D'autant plus que cet organisme a rendu public un soi disant sondage de ses membres qui les invitait à répondre à la question: «Qui sont les plus grands islamophobes de l'année 2013 au Québec?» Fatima Houda Pépin et Djemila Benhabib ont été nommément citées en plus des animateurs Richard Martineau et Benoit Dutrizac ainsi que le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville.
Nous nous interrogeons sur les motifs réels de ce palmarès et exprimons nos plus vives inquiétudes face à l'impact que peut créer une telle démarche sur la participation citoyenne, entre autres, des femmes démocrates québécoises, y compris celles issues des communautés immigrantes.
Le troisième point: nous demandons également que soient protégés les témoins, surtout les femmes qui se présentent à la commission parlementaire sur le projet de loi 60, afin que ces dernières ne subissent pas des pressions indues. Un des moyens de les protéger est de leur assurer, entre autres, qu'elles peuvent se présenter auprès des autorités policières sans être dénigrées ou ridiculisées par leur démarche et sans que la violence psychologique dont elles sont victimes ne soit pas banalisée.
Ce type d'intimidation ne fait que commencer au Québec. Nous insistons pour dénoncer cette intimidation avant que ces agissements ne deviennent monnaie courante dans notre société. Il en va de la sécurité de plusieurs d'entre nous et du maintien de la paix sociale entre les diverses communautés du Québec.
Quant au site TheMuslimNews.ca Québec, qui sont ces individus qui ne signent pas leurs textes et qui ne se présentent pas sur leur site? Par qui ces individus sont-ils payés? Qui les pilote? De quel pays sont-ils téléguidés?
Ce sont des questions que nous nous posons mais nous ne sommes ni journalistes d'enquête ni policières.
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