Charest poursuivi par le financement libéral

La firme d'ingénieurs du directeur de campagne du premier ministre a versé 171 795 $ à la caisse du PLQ en 2008

JJC - chronique d'une chute annoncée


Robert Dutrisac - Québec — L'unique député de Québec solidaire, Amir Khadir, a associé hier Jean Charest et le directeur de campagne du premier ministre dans sa circonscription de Sherbrooke, André Couturier, à une utilisation présumée de prête-noms pour le financement du Parti libéral du Québec.
Soixante-quatre dirigeants et employés de CIMA +, une firme d'ingénieurs dont André Couturier est l'un des hauts dirigeants, ont versé un total 171 795 $ à la caisse du Parti libéral du Québec en 2008 et 46 d'entre eux ont contribué pour le maximum prévu par la loi, soit 3000 $, a relevé Québec solidaire. L'ingénieur André Couturier, vice-président à la direction de CIMA +, a dirigé deux campagnes électorales de Jean Charest dans sa circonscription de Sherbrooke, en 2007 et 2008. Il est un ami de Jean Charest depuis 25 ans, a confirmé hier le cabinet du premier ministre.
«Il y a une grave apparence de trafic d'influence», a accusé Amir Khadir. «André Couturier occupe un haut poste à CIMA + pour — je cite sa biographie — "pour son habilité à développer de bonnes relations avec les clients". Or le principal client de CIMA +, c'est le gouvernement. Les liens étroits qu'il a avec M. Couturier placent le premier ministre du Québec dans une situation d'apparence de conflit d'intérêts», juge le député de Mercier, une situation assez sérieuse pour mériter une enquête. «Le premier ministre doit déclencher une commission ou donner sa démission», a-t-il lancé à l'Assemblée nationale.
Dans son point de presse, Amir Khadir a présenté la firme CIMA + comme étant «un champion toutes catégories aujourd'hui des prête-noms, en tout cas, selon toute vraisemblance».
Ce n'est ni Jean Charest ni le leader parlementaire, Jacques Dupuis, qui lui a donné la réplique, mais plutôt le ministre par intérim responsable de la réforme des Institutions démocratiques, Robert Dutil. «Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui est venu me dire que, parce qu'il avait donné au parti politique, il devait obtenir des contrats, jamais», a soutenu le ministre. «Les gens qui financent notre parti politique le font par conviction, a-t-il poursuivi. Quand ils viennent à des événements, c'est pour nous donner leurs recommandations sur la façon dont on doit diriger le gouvernement et non pas pour obtenir des contrats.»
Avec un effectif de 1600 personnes, CIMA + est une des plus importantes firmes de génie civil au Québec. Elle a obtenu d'importants contrats du ministère des Transports (MTQ), souvent en partenariat avec l'entrepreneur général Simard-Beaudry, une entreprise de Tony Accurso, et elle a fait de la surveillance de chantier pour le compte du MTQ.
En mars dernier, QS avait livré les résultats d'une recherche indiquant que 111 dirigeants et employés de quatre firmes de génie-conseil, SNC-Lavalin, BPR, Axor et CIMA +, avaient versé près de 300 000 $ dans les coffres du PLQ en 2008. QS avait dénombré 37 donateurs chez CIMA + qui avaient contribué en tout pour 102 650 $ au PLQ. Une recherche plus poussée, dont les résultats ont été dévoilés hier, a permis d'ajouter à ces nombres.
Les dirigeants et employés de CIMA + contribuent aussi au Parti québécois, mais ils sont moins nombreux et moins généreux. En 2008, ils étaient 23 à verser en tout 65 400 $ au PQ, soit presque trois fois moins qu'au PLQ.
Le Directeur général des élections (DGE) enquête sur les dons consentis par ces firmes de génie-conseil. Selon les informations obtenues par Le Devoir, une vingtaine de prête-noms chez Axor n'auraient pas signé la confirmation expresse, exigée par le DGE, qu'ils ont respecté la Loi électorale en effectuant personnellement leurs contributions sans être par ailleurs remboursés.
Climat délétère
Lors de la période de questions à l'Assemblée nationale, le climat était empoisonné. Rarement a-t-on vu les couteaux voler si bas. Jean Charest a accusé Pauline Marois de se moquer des Québécois «en faisant la morale». Il lui a reproché de s'être posée en «pure» en arborant un foulard blanc alors qu'elle est «championne toutes catégories du Québec dans le domaine des prête-noms».
Jean Charest s'appuyait sur un article de La Presse qui notait que les trois fils de Mme Marois, qui étaient alors aux études, avaient contribué pour 3000 $ à sa campagne à la direction du PQ en 2005, le maximum autorisé, alors que sa fille y allait d'un don de 2600 $. La porte-parole du DGE, Cynthia Gagnon, a indiqué hier que dans la mesure où ce sont des personnes qui avaient la qualité d'électeur qui avaient fait ces dons, et ce, par chèque, et que le parti avait délivré un reçu, il n'y avait rien là de répréhensible.
«Vous pouvez être sûr d'une chose: ni ma mère ni mes enfants n'auront de contrats d'asphalte, ni de permis de garderie», a répondu Pauline Marois, qui a mis au défi Jean Charest de fournir la liste de ses donateurs qui l'ont convaincu en 1998 «de traverser à son corps défendant la rivière des Outaouais».
Dans son point de presse, Amir Khadir, qui s'est associé à la chef péquiste dans cette campagne du foulard blanc pour obtenir la tenue d'une enquête publique sur la construction et le financement des partis politiques, s'est porté à la défense de Mme Marois. «Dans une famille rapprochée, souvent on se prête de l'argent, on donne de l'argent. Je ne vois pas là véritablement de problème.» De son côté, le chef de l'Action démocratique du Québec, Gérard Deltell, qui lui refuse de s'associer à la campagne du foulard blanc, a préféré s'aligner sur les libéraux en exigeant des explications de la part de Mme Marois.


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