Charest acharné à rendre la Caisse suspecte

Chronique d'André Savard

L’Art de mettre le feu
La Caisse de dépôt a acheté du papier commercial dont la nature même est de regrouper des mauvaises créances. Elle en a acheté si massivement qu’en cas de coup dur, sa revente était impossible. L’écoulement d’une telle quantité de papier commercial aurait inondé le marché. Le risque d’un tel investissement était manifeste.
L’achat eut lieu en toute indépendance assure le gouvernement. On ne sait plus trop ce que signifie « indépendance » de la Caisse. Qui consulte qui. On imagine qu’avant de se mettre au lit, un employé en a parlé à son oreiller. Et l’oreiller lui a répondu que la firme de Toronto responsable de la vente avait accordé à son papier commercial la cote triple A.
Nous sommes en un temps où même un récipiendaire du Prix Nobel d’économie affirme qu’être mené par l’argent organisé ne vaut guère mieux que d’être mené par le crime organisé. Les multiples affaires qui ont secoué le monde financier ont fini par faire apparaitre celui-ci comme une brute géante qui dispose pour ses larcins de collaborateurs habitués à être moins voyants.
[->15954]C’est dans ce contexte que Jean Charest a voulu proposer une commission sans marge de manœuvre, sans temps alloué, sans pouvoir d’enquête. Dans sa belle candeur, Liza du Club des Ex a commenté favorablement dès le premier jour cette tentative d’organisation de la part du gouvernement. Une commission élargie et autonome risquait d’engendrer trop de mémoires, trop de dépositions. Il était même possible que le père de la Caisse de dépôts vienne y donner son opinion, un point, disait-elle, à éviter.
Le résultat fut exactement ce que Charest redoutait. Les gens se sont sentis organisés. Ils voient un plan de commission organisée avec des équipes recrutées par le gouvernement lui-même. Le laps de deux jours maximum sent la hâte de conclure, les manœuvres pleines d’ombre.
Charest disait vouloir éviter la désignation d’un bouc-émissaire. Loin d’éviter les accusations, le scénario d’évitement de Charest ne fait que déplacer le procès. La population se répète que des argentiers vivent de sa timidité et de son impuissance depuis trop longtemps. L’un pense au scandale d’Enron, l’autre pense à ces fonds mutuels qui n’étaient que des systèmes pyramidaux; la confusion entre les scandales financiers est totale.
Il aurait fallu que sur ce dossier précis, Charest laisse le volant à quelqu’un d’autre, un commissaire sans accointances avec le régime, quelqu’un libre de sonder la question. Bourassa savait le faire parfois. Il désigna Cliche, proche d’une autre famille politique pour jeter de la lumière sur les activités syndicales.
Charest dit que ce n’est pas tant de la cachoterie qu’il veut faire que de la précaution. Trop de publicité autour d’un mauvais rendement ternirait la réputation de la Caisse. Ce n’est qu’une mauvaise année. Il ne faut pas s’arrêter aux épisodes, aux accidents. Inutile de chercher le problème à sa racine.
La base sur laquelle opère la Caisse serait saine, assure le gouvernement. Il n’y a pas lieu de reprendre à la racine, d’analyser les concepts. On serait en mode solution. La Caisse serait un domaine autonome, détourné de la politique. Un nouveau président en garantirait les activités proprement… Proprement quoi? Théoriques? Spéculatives? Tout ce que l’on sait c’est que c’est enchevêtré, complexe. Attendons juste le prochain chiffre qui nous sera fourni.
L’attitude politiquement correcte consisterait à laisser des compétences scientifiquement rigoureuses assurer la gestion de la Caisse. On ne sait trop ce qu’impliquait la loi de Charest encadrant la Caisse, sa corrélation possible avec les mauvais rendements de la Caisse. Et ce serait normal de ne pas savoir car il s’agit d’un savoir des experts. La bonne attitude, ce serait de laisser le gouvernement tranquille, en mode solution. C’est que, voyez-vous, notre ignorance sacrée serait le meilleur allié de la Caisse, le gage de ses bons résultats futurs...
André Savard


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    17 mars 2009

    Depuis la rédaction de cette chronique, les nominations à la sauvette semblent sur le point de confirmer les pires appréhensions. Il est hallucinant de voir que le nouveau directeur brille plus par son passé comme activiste au Conseil de l'unité canadienne que comme gestionnaire de placements. Cette nomination semble avoir relevé directement du premier ministre. Peu familier avec le monde des affaires, Jean Charest a probablement pensé que guidé par le COnseil Privé, le nouveau dirigeant saurait faire dans un bel esprit de concorde avec le gouvernement supérieur.

  • Archives de Vigile Répondre

    16 mars 2009

    C'est tout simplement une arnaque du gouvernement et de ses complices fédéraux. Depuis que Charest est au pouvoir le puzzle se met en place, il se dessine une ombre occulte qui une fois matérialisée nous projeteras par terre. Je paranoïde.

  • Archives de Vigile Répondre

    16 mars 2009

    Charest est en train de remplir fidèlement la mission que le Canada anglais lui avait confiée en lui poussant dans le dos pour qu'il devienne premier ministre du Québec; c'est-à-dire affaiblir le Québec sur le plan économique et politique, le bilinguiser et enfin le "canadianiser". Donc pas surprenant qu'il ait nommé un pur canadian à la tête de la Caisse de Dépôt et de Placement.
    C'est le retour en force du néo-colonialisme, mais cette fois-ci à la "canadian".
    Jacques Lamothe (Trois-Rivières)

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mars 2009

    Couplée au texte de M. Pierre Cloutier dans la Tribune libre de Vigile, 2009 03 11, cela donne un excellent tour d'horizon...
    Quand Henri-Paul Rousseau veut nous faire avaler des couleuvres !
    J'aime bien votre titre... Tout ça relèverait de la déconstruction de ce que la Révolution tranquille et son « Maître chez nous » a construit, avec l'aide et poursuivi par les souverainistes. On s'arrange pour faire moins bien que nos voisins... pour prouver que nous ne pourrons que faire moins bien que nos voisins si ce peuple souverain se donne l'État qu'il désire quand il aura la chance se fonder un État qui nommément émane de lui et de ses voix.
    Puis, on s'acharne à « rendre la Caisse suspecte » en bloquant toutes les issues qui pourraient nous permettre de prouver le contraire. Ce n'est pas elle qui est suspecte mais ceux qui la gouverne et qui nous gouvernent sans nommément soumettre aux voix du peuple l'État qu'ils contrôlent et qui s'impose d'autorité et de force.
    Dire que d'aucuns disaient en vovembre dernier qu'il n'y avait pas de mal à contrer le PQ parce qu'il ne pourrait rien faire de mieux... Déjà, empêcher les démolisseurs de sévir encore en toute impunité serait déjà pas si mal... mais ça, ça ne comptait pas... Nous voilà pris dans l'étau et pas moyen d'en sortir... Alors que quelques 2 000 voix à peine auraient pu nous permettre de renverser aujourd'hui sans mal ce Tartuffe de pacotille pour mettre en place une coalition qui pourrait faire toute la lumière sur la perte suspecte et remettre cet outil de développement sur ses rails, et le faire renouer avec sa mission première, investir au Québec.