C’est surprenant de voir tout le monde tomber des nues avec le scandale des données personnelles instrumentalisées par Facebook et Cambridge Analytica au profit des partis politiques.
La pratique n’est pas nouvelle. Plusieurs ont poussé des « ho ! » et des « ha ! » inspirés en entendant les Barack Obama et les Bernie Sanders expliquer comment ils ont pu mobiliser leurs clientèles en utilisant les réseaux sociaux et en montant des bases de données impressionnantes.
Il faut être lucide. Il est devenu impossible de gagner une élection sans recourir à ce qu’on appelle le big data ou, pour vulgariser, le développement de volumineux fichiers de données pour mieux connaître ses électeurs et les amener à sortir le jour du vote.
Tous les partis politiques ont, à un degré ou un autre, adopté ce genre d’approche. Avec leurs propres données de pointage, obtenues lorsqu’ils appellent chez vous, qu’ils croisent avec des profils socioéconomiques raffinés, les machines les plus professionnelles sont capables de dire avec une quasi-certitude pour qui tout le monde au pays a voté depuis 15 ans.
Dérangeant
Ce qui est problématique, avec le scandale actuel, c’est de savoir qu’une tierce partie, c’est-à-dire Facebook, a tiré profit des renseignements qu’elle détient sur ses usagers auprès de certaines organisations politiques. Comme elle le fait, par ailleurs, avec plein d’entreprises qui veulent votre bien... et qui l’ont probablement déjà obtenu !
C’est dérangeant aussi d’apprendre que certaines forces occultes ont utilisé ces procédés pour diffuser de fausses informations à des électeurs ciblés et permettre ainsi à Vladimir Poutine de choisir son vis-à-vis américain.
C’est une bonne chose que les gens se réveillent et qu’ils prennent conscience de toutes les informations personnelles qu’ils partagent avec n’importe qui. Cela dit, ça ne servira à absolument rien si ça ne suscite pas une réflexion sur l’ensemble des données que certains joueurs amassent à notre sujet.
Prenez les agences de crédit comme Equifax ou TransUnion. Voilà des entreprises qui s’enrichissent en amassant des tonnes de renseignements sur chacun des citoyens que vous êtes, qu’elles protègent mal, par ailleurs, et qui peuvent jouer un rôle déterminant pour savoir si vous pourrez acheter la maison de vos rêves ou simplement obtenir une carte de crédit.
Celles-ci exigent même de vous un paiement si vous désirez consulter les informations qu’elles détiennent sur vous et, puisque leur arrogance ne connaît pas de limites, elles mettront une note négative à votre dossier du simple fait que vous aurez demandé à le voir.
Bref, il y a Facebook, il y a les partis politiques, mais il y a surtout tout un système économique qui nous surveille comme Big Brother pour s’assurer que l’on agit comme de bons citoyens consommateurs obéissants. Il serait temps qu’on y voie.
Transparence
Dans un épisode de la série télévisée The West Wing, le rédacteur de discours Sam Seaborn soulève que si le rôle du gouvernement a été l’enjeu juridique des années 1920 et 1930 aux États-Unis et que celui des droits civiques a marqué les années 1950 et 1960, le droit à la vie privée sera le débat fondamental des prochaines années.
Tout cela est vrai. Mais plus qu’une question juridique, il faut en faire une obligation politique.
Il revient à tous les partis de répondre à cette nécessité. Et ça commence par faire preuve de transparence quant à leurs propres façons de faire.