Il y a ceux qui pronostiquaient sa mort. D'autres sa déliquescence. Ceux qui misaient sur la sortie manu militari de la Grèce ("Grexit") pour cause de surendettement. Et puis ceux qui évoquaient, pour des raisons totalement opposées, une sortie de la Finlande ("Fixit"). Rien de tout cela ne s'est passé en 2012. La zone euro est restée debout. Les drames ont été surmontés. Parfois in extremis.
Aujourd'hui, la plupart des économistes et des analystes, y compris anglo-saxons, à tendance eurosceptique, estiment que le grand danger qui menaçait la survie de l'union monétaire s'est éloigné.
Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), y est pour beaucoup. Ses mots durant l'été – "l'euro est irréversible" – et, surtout, la menace d'utilisation d'une arme monétaire dissuasive (le rachat sans limite de dettes d'Etat) qu'il a brandie ont déjoué la spéculation.
Les dirigeants européens, en démontrant leur attachement à la Grèce, leur solidarité financière et en jetant les bases de l'union bancaire, ont aussi apaisé le climat.
Mais si elle est sortie de la tempête, la zone euro n'est pas, pour autant, tirée d'affaire. En 2013, pas plus qu'en 2012, la croissance ne sera au rendez-vous. La récession restera ancrée dans les pays fragiles et contaminera toute la zone, frappant même les pays robustes comme l'Allemagne, où deux trimestres de croissance négative sont attendus fin 2012 et début 2013.
En cause, notamment, les politiques d'austérité, qui, bien que de plus en plus assouplies, empêchent l'activité de repartir. Pour désendetter les Etats, l'effort budgétaire "structurel" (c'est-à-dire corrigé de l'effet du cycle économique) reste estimé l'année prochaine à plus d'un point de produit intérieur brut (PIB) pour l'ensemble de la zone euro. Avec des pics en Espagne (2 points de PIB) et en France (1 point), calcule Laurence Boone, économiste chez Bank of America-Merrill Lynch.
« On est sauvés mais on le paie cher », résume Henri Sterdyniak, directeur du département économie de la mondialisation à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
De l'avis des experts, la croissance, espérée fin 2013, ne pourra venir que d'ailleurs. Des Etats-Unis notamment. Sous réserve que ce pays parvienne à surmonter ses propres blocages et difficultés budgétaires.
En outre, si l'euro n'est plus menacé de disparition imminente, certains pays membres pourraient encore donner lieu à quelques sueurs froides en 2013.
LES HÉSITATIONS ESPAGNOLES
L'Espagne est la première source d'incertitudes et de stress évoquée par la plupart des économistes. Selon eux, le pays, englué dans la récession et le chômage de masse, aura du mal à se sortir de ses difficultés sans faire appel à l'aide financière de l'Europe et de la BCE.
Les analystes sont peu nombreux à imaginer que le pays puisse atteindre ses objectifs de réduction des déficits ; ils redoutent aussi de mauvaises surprises de la part des régions espagnoles, largement responsables du dérapage budgétaire de 2011.
Depuis plusieurs mois, le gouvernement de Mariano Rajoy (Parti populaire, droite) donne le sentiment de retarder au maximum cet appel à l'aide pour préserver son intégrité et ne pas se voir imposer des réformes par Bruxelles.
"Le risque, c'est que l'Espagne attende trop", pointe Gilles Moëc, chez Deutsche Bank. Dès janvier, le pays doit rembourser 21 milliards d'euros d'intérêt et d'emprunts arrivant à échéance, indique-t-il. Et pour cela Madrid fera appel au marché.
Si les investisseurs doutent de la solidité financière de l'Espagne, cette opération pourrait mal se passer. "Et les négociations du plan de soutien pourraient se faire à la hussarde", redoute M. Moëc.
LA MENACE "BERLUSCONI"
Pour Roberto Benigni, acteur facétieux de La vie est belle, la fin du monde "pronostiquée" le 21 décembre était une broutille face à la menace du retour en politique de Silvio Berlusconi. "Pitié !", a-t-il imploré à la télévision italienne fin décembre.
Les investisseurs et les dirigeants européens ne sont pas loin de penser comme lui. Si la fin du monde n'a pas eu lieu, la candidature du "Cavaliere", voire sa victoire, aux élections législatives, prévues les 24 et 25 février, reste une hypothèse. Une mauvaise nouvelle car M. Berlusconi tient un discours anti-euro, anti-Allemagne et pourrait compromettre les réformes engagées par Mario Monti, actuel président du conseil.
Aujourd'hui, même si une victoire de M. Berlusconi, peu apprécié de la communauté internationale, semble improbable, son score pourrait perturber la bonne marche du prochain gouvernement. Et compliquer le redressement espéré de l'Italie.
LA FRANCE SOUS SURVEILLANCE
L'Hexagone ne sera sans doute pas la "bombe" que prévoyait l'hebdomadaire britannique The Economist en novembre. Mais la France, jusqu'ici plutôt épargnée par la crise et étrangement appréciée des marchés – le taux des emprunts d'Etat est historiquement bas en dépit d'un déficit et d'une dette élevés –, doit encore démontrer sa solidité économique et financière.
Paris doit poursuivre les réformes engagées (pacte de compétitivité) pour éviter que le possible dérapage des comptes publics – selon le Fonds monétaire international (FMI), l'objectif d'un déficit à 3 % du PIB en 2013 ne sera pas tenu – ne suscite l'agacement de Bruxelles et la nervosité du marché.
Assouplir le marché du travail fait partie des dossiers qui, selon certains économistes, faciliteront la croissance à venir. Le résultat des négociations entre le patronat et les syndicats sera donc scruté. "Pour l'instant, la France a le bénéfice du doute. Mais elle n'a pas droit à l'erreur", pense M. Moëc.
LE DÉFI DU PORTUGAL ET CELUI DE L'IRLANDE
L'Irlande et le Portugal, deux pays sous assistance financière de l'Europe et du FMI, sont censés faire leur grand retour sur le marché de la dette fin 2013 pour financer seuls leurs déficits et retrouver leur totale indépendance.
Mais si Dublin semble en bonne voie pour relever le défi, le cas de Lisbonne suscite plus d'interrogations. Sa discipline à mettre en place les mesures d'austérité et les réformes exigées n'a pas toujours été payante. La dette reste pléthorique et la récession se prolonge.
Le Portugal pourrait donc avoir recours au soutien de la BCE et du Mécanisme européen de stabilité pour sécuriser son retour sur le marché. A moins que l'Europe et le FMI ne lui accordent plus de temps pour remplir tous ses objectifs.
LE RISQUE SOCIAL GREC ET L'ÉPINE CHYPRIOTE
En 2013, la Grèce ne sera plus "le" problème de la zone euro. La rallonge financière accordée par les Européens fin 2012 a en effet donné assez d'air au pays.
Mais il y a un mais. Une longue liste de réformes et d'économies budgétaires à réaliser interviendra cette année. Or, après cinq ans de récession, la population grecque, à bout, pourrait "craquer". Et faire voler en éclats le gouvernement ouvrant la voie à la montée de partis extrêmes.
Et si ce n'est la Grèce, c'est son voisin chypriote qui pourrait préoccuper les dirigeants européens. Ruiné, le petit pays ne peut plus emprunter sur les marchés depuis la mi-2011.
Après un prêt de la Russie, une aide de l'Europe et du FMI est attendue. Les négociations sur les conditions de ce soutien semblent délicates avec le gouvernement chypriote communiste. Elles devraient, espère-t-on, aboutir d'ici à la réunion de l'Eurogroupe programmée le 21 janvier.
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