Tout le monde pousse des cris de joie et a les larmes aux yeux lorsqu'un allophone finit par se débrouiller en français, même si dans les faits c'est juste assez pour dire bonjour/hi, répondre au client à son dépanneur par 2 mots et un signe, ou bredouiller si mal quelques mots de français qu'on a pitié de lui et qu'on continue en anglais (à son grand soulagement).
Mais l'exercice ne devrait pas s'arrêter à ces quelques rudiments. Car cela n'en fait pas des Québécois acquis pour autant. Oh que non.
On a parlé dernièrement d'un nouveau programme d'aide à la francisation. Dans le cadre de stages, des étudiants vont aider des allophones à perfectionner leur français sur leur lieu de travail. Bravo. Tout le monde est pour la vertu. Mais ne serait-ce pas là une façon de se donner une fausse bonne conscience?
Car le problème qui perdure, c'est que trop de ces allophones continuent à vivre le reste du temps soit dans le monde anglophone (où ils deviennent de plus en plus à l'aise et qui devient leur préférence), soit dans leur monde ethnique, incluant une bonne partie du temps qui est passé dans leur langue avec les membres de leur communauté incapables d'apprendre le français.
Cet accès de lucidité nous amène à réaliser qu'un allophone plus ou moins francisé n'est toujours pas pleinement québécois. Il lui reste une étape cruciale de plus à franchir.
Ce qui lui manque encore, c'est l'immersion quotidienne et totale dans la culture québécoise, à laquelle on s'attend qu'il adhère volontairement et pleinement.
- Si un allophone n'écoute que de la musique hindoue, latino ou arabe mais jamais Isabelle Boulay, Jean-Pierre Ferland, ou Mario Pelchat, c'est qu'il n'est pas encore tout à fait québécois
- Si un allophone ne regarde que des telenovellas latinos mais n'a jamais suivi les équivalences quotidiennes de Fabienne Larouche comme Virginie ou 30 vies, c'est qu'il n'est pas encore tout à fait québécois
- Si un allophone ne regarde qu'Oprah mais jamais Marina, The Voice mais jamais La Voix, c'est qu'il n'est pas encore tout à fait québécois
- Si un allophone reste branché aux bulletins de nouvelles de Pékin, du Maroc, de l'Inde ou du Sénégal mais jamais à ceux de TVA ou Radio-Canada, c'est qu'il n'est pas encore tout à fait québécois
- Si un allophone ne va voir en spectacle qu'un chanteur arabe comme Khaled ou le groupe latino Septeto Santiaguero mais jamais Marc Hervieux, Vincent Vallières ou l'humoriste André Sauvé avec l'OSM et l'OSQ, c'est qu'il n'est pas encore tout à fait québécois
- Si un allophone regarde Star Wars en anglais mais pas Dans une galaxie près de chez vous en français, c'est qu'il n'est pas encore tout à fait québécois
- Si un allophone n'emprunte jamais à la bibliothèque le dvd du jeune chanteur country Yoan au Centre Vidéotron de Québec, le livre de recettes Parents futés, ou l'autobiographie du commandant Piché, comme je l'ai fait récemment, c'est qu'il n'est pas encore tout à fait québécois
- Si un allophone tente toujours d'aborder les gens en anglais d'abord, et qu'il ne passe au français qu'en dernier recours, c'est qu'il n'est pas encore tout à fait québécois et ne le sera peut-être jamais
- Si les noms de l'illusioniste Luc Langevin, du mentaliste Mesmer ou du magicien Alain Choquette ne disent rien à un allophone, c'est qu'il n'est pas encore tout à fait québécois
- Si un allophone n'est jamais sorti du périmètre de l'île de Montréal (et on en dénombre des centaines de milliers) pour visiter le reste du Québec et se rapprocher des gens du pays, c'est qu'il n'est pas encore tout à fait québécois
Non, un certain degré de francisation ne fait pas automatiquement un Québécois d'un allophone du tiers-monde. C'est un début, mais il lui reste encore beaucoup de chemin à faire s'il ne fait usage de cette acquisition qu'en cas de nécessité absolue, et en s'efforçant de réduire au strict minimum ses échanges avec les natifs.
On a tous vécu au moins une fois cette expérience malaisante qui consiste à passer à la caisse du dépanneur, devant le propriétaire asiatique dont le regard fuyant ou suppliant signifie: "de grâce, ne m'adressez pas la parole en français pour ne pas m'embarrasser. Payez et quittez".
Il va sans dire que la situation problématique que nous venons de décrire à propos des allophones s'applique à plus forte raison aux unilingues anglophones de Montréal, qui ont eu toute leur vie pour s'intégrer mais ne l'ont pas fait.
Il n'y a pas de raison de vivre au Québec si ce n'est pas pour se joindre et participer à la culture majoritaire et représentative de sa population.
La participation volontaire et enthousiaste à la culture québécoise au sens large doit être vue comme un objectif incontournable, une perspective enthousiasmante, un source d'enrichissement de premier choix, un environnement de tous les jours dans lequel baigner comme dans un spa aux jets stimulants.
Tout le monde doit valoriser cette culture québécoise qui est la nôtre, s'en imprégner comme d'un vêtement moulant, la consommer abondamment et en priorité, en apprécier les divers aspects, vivre dedans comme dans sa maison de rêve, dépenser de l'argent pour la soutenir et l'encourager.
Parce que cette culture qui nous reflète est ce que nous avons de plus beau à offrir en partage.
La refuser, c'est nous refuser.
En un mot comme en mille: vivre ici, c'est accepter de vivre comme ici.
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