Ce que cache «l’effet niqab»

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Un enjeu brûlant pour l'électorat tant du Québec que du ROC






Les enjeux identitaires ont fait une irruption soudaine dans la campagne fédérale depuis un peu plus d’une semaine, mais la glissade du Nouveau Parti démocratique hors du Québec avait commencé bien avant l’affaire du niqab.




On a beaucoup parlé de «l’effet niqab» qui aurait ranimé les chances de réélection du Parti conservateur et, au Québec, les chances de survie du Bloc québécois. Quelques sondages isolés laissent croire à un rebond spectaculaire des deux partis qui sont au diapason de l’opinion populaire sur ce sujet, mais si on considère l’ensemble des sondages, l’effet est plus modeste.




Il n’en est pas moins réel. Les conservateurs ont repris une mince avance dans les sondages, qui leur donnent une sérieuse option sur la victoire.




Il n’est pas faux que l’effet niqab a donné un coup de pouce aux conservateurs, au point que certains commentateurs n’hésitent pas à conclure qu’ils auraient sciemment planifié cette défaite juridique. Il faut être bien naïf pour s’indigner d’un tel calcul électoral. À la guerre comme à la guerre.




Un peu de perspective




Quoi qu’on pense de ce tour de passe-passe des conservateurs, celui-ci gagne à être mis en perspective. Par exemple, comme cette affaire n’a rien appris de nouveau aux électeurs sur les partis, il est possible que son effet soit temporaire.






Le niqab ne cache pas que des visages. Cette affaire n’est qu’un des nombreux facteurs qui influencent les appuis aux partis.










Ce qui est clair lorsqu’on observe la campagne au complet, c’est que le NPD de Thomas Mulcair avait entamé sa glissade bien avant l’affaire du niqab, surtout en Ontario, où ce parti a perdu une dizaine de points depuis la fin août, et en Colombie-Britannique, où il est passé de 40% au début août à environ 30% aujourd’hui. Faut-il ajouter que c’est là que sont les sièges dont il a besoin pour gagner?




Ce sont davantage les préoccupations économiques et sécuritaires qui éloignent certains électeurs du NPD et les font graviter vers les deux partis de gouvernement plus familiers. Manifestement, le discours économique du NPD n’a pas eu l’attraction espérée là où il souhaitait faire des gains.




C’est surtout le cas en Ontario, à cause de l’aversion quasi pathologique que le souvenir du gouvernement néo-démocrate de Bob Rae a laissé dans les mémoires, même si Rae lui-même est maintenant clairement identifié au Parti libéral fédéral.




Un facteur parmi d’autres




Au Québec, l’effet niqab aide le Bloc et les conservateurs, mais son effet ne fait que les ramener à des niveaux d’appui qu’ils ont déjà eus. Quant au Parti libéral, cet enjeu lui nuit dans le Québec francophone, mais sa défense inconditionnelle du multiculturalisme lui permettra de consolider ses appuis dans les comtés cosmopolites qu’il a de vraies chances de reprendre au NPD.




Thomas Mulcair ne peut donc pas tenir le Québec pour acquis, car l’effet niqab y aide tous ses adversaires. Toutefois, cet effet n’est pas exclusif à l’électorat québécois, dont on critique parfois les penchants identitaires. Il est aussi présent ailleurs au Canada.




Le niqab ne cache pas que des visages. Cette affaire n’est qu’un des nombreux facteurs qui influencent les appuis aux partis et c’est l’ensemble de ces facteurs qu’il faut garder en tête pour comprendre les mouvements de l’électorat.



 



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Pierre Martin50 articles

  • 20 071

Pierre Martin est professeur titulaire au Département de science politique de l’Université de Montréal et directeur de la Chaire d’études politiques et économiques américaines (CÉPÉA). Il est également membre du Groupe d’étude et de recherche sur la sécurité internationale (GERSI)





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