Barcelone — La marche de la Catalogne vers un référendum sur l’indépendance pourrait subir un temps d’arrêt, le temps de former un nouveau gouvernement de coalition. Hier, le président Artur Mas, qui réclamait une majorité «exceptionnelle» afin de tenir un référendum sur l’indépendance, a vu cette majorité rejetée par les urnes, alors même les Catalans votaient par ailleurs clairement pour une majorité de partis souverainistes.
Après une campagne électorale historique portant pour la première fois sur l’indépendance de cette province du nord-est de l’Espagne, le vainqueur de cette élection, l’actuel président Artur Mas, du parti nationaliste de centre droit Convergencia i Unio (CiU), a perdu 12 députés et vu leur nombre passer à 50. Ce qui a fait dire à ses opposants qu’il avait finalement échoué à ce plébiscite personnel.
Artur Mas avait déclenché cette élection précipitée afin de proposer la tenue d’un référendum sur l’indépendance de la Catalogne, après la gigantesque manifestation indépendantiste du 11 septembre dernier, qui avait rassemblé un million et demi de personnes à Barcelone.
«Nous sommes la seule force qui peut diriger le prochain gouvernement, mais nous ne pourrons le faire seuls», a déclaré le président Artur Mas, visiblement déçu, devant ses partisans réunis à l’hôtel Majestic de Barcelone.
Artur Mas dit vouloir s’accorder une période de réflexion afin de décider avec qui il gouvernera. Mais il souligne que, malgré cette défaite personnelle, les Catalans ont très majoritairement voté pour des partis en faveur du référendum.
Si CiU sort affaibli de cette élection, ce n’est pas le cas de la majorité souverainiste. Un certain nombre d’électeurs semblent avoir migré vers le parti de gauche Esquerra Republicana (ERC), un parti encore plus ouvertement indépendantiste que CiU.
Artur Mas pourrait en effet s’appuyer pour gouverner sur les indépendantistes d’ERC qui doublent le nombre de leurs députés. Avec 21 élus, ce vieux parti indépendantiste de gauche arrache la seconde place au Parti socialiste (PSC), qui subit quant à lui une défaite cuisante.
Le candidat d’ERC, Oriol Junqueras, a fait campagne en disant qu’il était la «police d’assurance» du référendum et le seul capable d’assurer que CiU ne trahira pas sa proposition d’organiser un référendum sur l’indépendance.
«Le bloc souverainiste sort renforcé de cette élection», a déclaré Oriol Junqueras, qui s’est dit ouvert à la négociation avec CiU. «Nous serons le plus fidèle partenaire de la Catalogne, dit-il. […] Le plus important, c’est le pays.»
L’avenir du référendum catalan dépendra donc de la coalition qui se formera dans les jours qui viennent. Dans le nouveau Parlement, les partisans d’un référendum pourront compter sur une majorité de plus des deux tiers. Les partis dits souverainistes obtiennent quant à eux une majorité d’environ 75 députés sur 135. Deux petites formations souverainistes ont en effet aussi augmenté leur représentation. Il s’agit des anciens communistes devenus écologistes (ICV-EUiA), qui passent de 10 à 13 députés, et du parti de gauche CUP, qui entre pour la première fois au parlement avec 3 députés.
Du côté des partis opposés à l’indépendance, les socialistes essuient un véritable revers. Ce parti, historiquement premier ou second en Catalogne, se fait ravir la seconde place par les indépendantistes de gauche d’ERC. Avec seulement 20 députés, contre 28 en 2010, le PSC obtient le pire résultat de son histoire, mais évite la défaite encore plus cuisante que lui prédisaient les sondages. Seul parti à proposer le fédéralisme, le PSC défend une position ambiguë sur le référendum puisqu’il affirme que celui-ci doit se tenir, mais en conformité avec la loi. Or le président du gouvernement espagnol, le conservateur Mariano Rajoy, affirme que tout référendum quel qu’il soit serait illégal.
Les conservateurs du Partido Popular (PP), qui n’ont jamais vraiment conquis le coeur des Catalans, maintiennent pour l’essentiel leur position, avec 19 députés, soit un député de plus qu’en 2010. Le Parti a fait campagne en affirmant qu’il était le seul à pouvoir empêcher l’indépendance de la Catalogne. Il est radicalement opposé à tout référendum qui, dit-il, serait anticonstitutionnel. Selon sa leader Alicia Sanchez-Camacho, Artur Mas a perdu son pari. «La majorité qu’a obtenue Mas est moins souverainiste et moins séparatiste que celle qu’il attendait.»
Cette élection, qui a largement mobilisé la société catalane, a connu une participation historique, autour de 69,5 % des inscrits. Dans les jours qui viennent, des négociations vont s’engager pour la formation d’un gouvernement. Hier, à Barcelone, les conjectures allaient bon train. Si Artur Mas devait s’allier aux indépendantistes d’ERC, la coalition pourrait produire une majorité encore plus indépendantiste et pressée de tenir un référendum que celle qui gouvernait la Catalogne depuis 2010. Resterait cependant à concilier le programme social de centre gauche d’ERC avec celui de centre droit de CiU. Artur Mas a précisé hier qu’une coalition ne devait pas seulement s’entendre sur les «objectifs à long terme», mais permettre de «gouverner au jour le jour» et assurer un «maximum de stabilité» à la Catalogne.
Catalogne, le pari perdu d'Artur Mas
Les souverainistes l’emportent en Catalogne, mais le président Artur Mas n’obtient pas la majorité qu’il réclamait
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