Casques blancs: la victoire en coulisse du Canada

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La Presse donne explicitement son soutien aux adversaires de la Syrie

Pendant que Donald Trump retenait l'attention des médias lors du récent sommet de l'OTAN qui a eu lieu à Bruxelles à la mi-juillet après avoir menacé ses alliés de l'alliance transatlantique, la ministre canadienne des Affaires étrangères avait le coeur ailleurs.


Chrystia Freeland s'inquiétait du sort de la défense civile syrienne, connue sous le nom des Casques blancs. Depuis 2013, ce groupe de civils syriens, qui compte maintenant près de 4000 bénévoles, accourt sur les lieux des bombardements et tire les blessés des gravats.


Selon le décompte de l'organisation, qui a été mise sur pied par un ancien militaire britannique, plus de 100 000 personnes ont ainsi échappé à la mort dans un conflit sans merci qui a déjà emporté plus de 350 000 vies.


Alors que les forces syriennes fidèles à Bachar al-Assad et la Russie refermaient l'étau autour de Deraa, la ville qui a vu naître le soulèvement syrien, Chrystia Freeland craignait de voir tomber les Casques blancs aux mains du dictateur et de ses alliés, une capture qui se transformerait vite en torture, en aveux forcés, voire en exécutions arbitraires, si les actions passées du régime, documentées par Amnistie internationale, sont garantes de l'avenir.


 


La force des coulisses


À Bruxelles donc, lors d'un dîner avec les autres ministres des Affaires étrangères des pays de l'OTAN, la ministre canadienne a fait un vibrant plaidoyer, demandant aux alliés de se serrer les coudes pour sortir des décombres de la guerre ceux qui se sont longtemps sacrifiés pour venir en aide à leurs compatriotes. Au nom de l'obligation morale.


Et ça a fonctionné. L'appel à l'action de la ministre a déclenché une véritable coalition militaro-diplomatique.


À l'instar de Justin Trudeau, Donald Trump et plusieurs leaders européens ont pris le téléphone pour appeler le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et lui demander d'organiser une exfiltration des Casques blancs.


Une alliance toujours vivante


L'opération a eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche et a permis à plus de 400 personnes de traverser les hauteurs du Golan, sous contrôle israélien, pour atterrir en Jordanie. De là, après des vérifications de sécurité, les Casques blancs et leurs familles seront réinstallés en tant que réfugiés au Canada, en Allemagne, en Grande-Bretagne ou en France. Le Canada a déjà annoncé être prêt à prendre 250 personnes.


Cette opération, si elle ne change pas le cours du conflit syrien, a le mérite de démontrer que les alliés occidentaux sont encore capables de travailler ensemble pour une cause noble.


Après un G7 houleux, une rencontre Poutine-Trump décriée et en plein début de guerre commerciale, voilà un baume qui permet d'espérer.


Triste exil


Le départ des Casques blancs de Syrie n'est pas en soi une bonne nouvelle. C'est le signe inéluctable que la guerre civile syrienne tire à sa fin au profit de Bachar al-Assad, premier responsable de la mort des civils depuis le début du conflit en 2011.


Dans toutes les villes où ils ont opéré, les bénévoles de la défense civile syrienne sont restés jusqu'à la fin des combats entre les rebelles et l'armée syrienne. En 2016, le chef des Casques blancs en Syrie, Raed Saleh, est venu à Montréal pour parler de la situation humanitaire catastrophique à Alep*. Apprenant que la situation s'était détériorée sur le terrain, il a coupé court à sa mission canadienne pour retourner en Syrie, sous les bombes. Loin de faire désertion, les Casques blancs ont mis leur vie en danger. Plus de 200 d'entre eux ont d'ailleurs perdu la vie en cinq ans.


L'organisation qui dérange


Là où les travailleurs humanitaires étrangers peuvent difficilement pénétrer, les Casques blancs sont souvent devenus la seule ligne de vie des civils. Ils ont aussi joué un rôle de premier plan pour documenter les crimes de guerre et les exactions commises contre les civils.


Ces rôles cruciaux leur ont valu une féroce campagne de désinformation orchestrée par le régime syrien et la Russie, qui accusent les Casques blancs d'être des «terroristes», d'utiliser des acteurs pour jouer les morts et les blessés et de simuler des attaques aux armes chimiques.


Une superbe enquête du Guardian publiée en décembre dernier expose les mécanismes de cette campagne de dénigrement, relayée par plusieurs professeurs universitaires pro-Assad et «journalistes» militants, sans grande preuve à l'appui. Facile d'exploiter le chaos syrien pour semer le doute.


Est-ce que toutes les actions de ces bénévoles ont été parfaites? Non. Les leaders des Casques blancs ont reconnu que certains de leurs membres ont parfois manqué de neutralité, mais que l'organisation, elle, a gardé le cap, venant en aide aux blessés de toutes allégeances.


Raed Saleh a aussi admis qu'il avait dû avoir des pourparlers avec les groupes rebelles pour opérer dans les zones de combat. Ce serait un bien drôle de crime à lui faire porter : toutes les organisations humanitaires font la même chose quand elles interviennent au milieu d'une guerre.


Dans ce contexte, en leur prêtant main-forte, les gouvernements occidentaux ont affirmé haut et fort leur soutien aux Casques blancs et au travail périlleux accompli en Syrie. Et pas seulement en les finançant.


Le travail à faire


Cette solidarité ne doit pas s'arrêter là. Il reste des centaines de Casques blancs en Syrie et après l'opération secrète de samedi, ces derniers sont dans une situation encore plus précaire. Il faut espérer que l'effort d'Israël et de l'Occident n'est pas terminé pour venir en aide aux membres de l'organisation restés derrière, mais aussi aux civils pris en otage par la guerre.


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