Le ministre doit diversifier ses sources de légitimité

Carlos Leitao, le Portugal et nous

Il faut réfléchir avant de brader l'État

Tribune libre

«Deux choses sont infinies : l’univers et la bêtise humaine, pour l’univers, je n’en ai pas acquis la certitude absolue» (Einstein)

Dans sa dernière sortie médiatique, notre nouveau ministre des Finances nous rappelait que si rien n’est fait quant à notre déficit structurel, nous pourrions nous retrouver comme la République portugaise, le plus vieil État-nation d’Europe, qui vit actuellement des moments difficiles sous la gouverne de Pedro Passos Coelho.

Comme nous connaissons les libéraux, pour les avoir vu à l’œuvre dans toute leur splendeur, et sachant l’agenda qui est le leur – le contrôle privé des ressources publiques –, il nous semble opportun de réfléchir plus avant sur les stratégies employées pour manufacturer notre consentement aux illusions nécessaires, tel que nous l’a si brillamment décrit Noam Chomsky.

D’ailleurs, et en passant, notre nouveau député, Pierre Karl Péladeau, devrait s’inspirer de cet activiste pour nous manufacturer, à travers ses médias, un consentement à notre indépendance. Mais c’est là une autre histoire! Quoique…

Pour en revenir à nos moutons, Carlos Leitao a, en premier lieu, énoncé qu’il se rendait à New York pour consulter les agences de notation. Puis, on nous a indiqué que le déficit allait être supérieur à ce qui était prévu. Ensuite, le ministre des Finances s’est entretenu avec les représentants de la Coalition Avenir Québec en vue de la confection de son budget et, là, il nous parle de la situation du Portugal.

Tout pour nous faire avaler la pilule amère de l’austérité et de la dictature de la productivité en faisant passer le scénario libéral comme allant de soi, étant donné les avis judicieux reçus de ces points de vue hautement impartiaux dans le débat et les situations catastrophiques à prévoir.

En parallèle, nous avons eu droit à un blitz médiatique de tous les ténors de la droite économique – un Montmarquette, un Godbout, le chant des sirènes des chambres de commerce, du conseil du Patronat, de l’Institut économique de Montréal, etc. – pour nous formater une opinion publique béate et satisfaite devant l’inéluctabilité de notre sort.

Question de point de vue, faisons appel à un autre Portugais de notre connaissance qui, lui, est considéré comme un vrai patriote – le bien nommé Mario Soares –, deux fois président de la République portugaise et grande figure de la social-démocratie. Il faut savoir que celui-ci fut l’artisan de la Révolution des œillets, qui permit l’instauration de la volonté du peuple portugais, de l’affirmation de leur liberté, de leur émancipation sociale et de leur indépendance nationale.

Dans son opuscule, Portugal, état d’urgence, parue en 2013, Mario Soares nous met en garde contre les recettes néolibérales que s’apprêtent à nous servir les libéraux de chez nous. De but en blanc, il énonce ce qui suit : «Il est aujourd’hui largement prouvé que l’austérité ne profite qu’aux marchés spéculatifs et à ceux qui les commandent. Mais elle ravage les États et les peuples. » Il surenchérit : «Le néolibéralisme, cette idéologie qui a provoqué la crise, qui s’en prend aux personnes, aux plus pauvres, tout en protégeant les banques et les grandes entreprises et en enrichissant les marchés spéculatifs, ne doit pas perdurer.»

En fait, ce que nous concocte le gouvernement Couillard est en droite ligne avec ce que fut le régime Charest : la domination du pouvoir financier et économique sur le pouvoir politique – ce qui est, ne nous le cachons pas, l’idéal du néolibéralisme.

Allons plus avant dans nos aventures parallèles!

Le scénario libéral, élaboré par des économistes nés de la cuisse de Jupiter, nous menace de privatiser partiellement Hydro-Québec et la Société des alcools si nous n’obtempérons pas aux injonctions évidentes qui devraient nous être présentées dans toute leur splendeur très bientôt et nous mener à la terre promise.

Que dit notre ancien président du Portugal et vrai patriote? Il note que le gouvernement du Portugal est en train de vendre ce pays : «La poste, l’énergie, la santé… tout est bradé. Faire l’austérité, c’est la mort d’un pays.»

Son analyse est sans appel :
«Le gouvernement de droite […] enfonce le pays dans la misère, proposant de supprimer 208 000 emplois en 2014, avec les plus grandes coupes jamais réalisées dans les dépenses sociales… Comme partout, la droite imbécile veut vendre la TAP (transports aériens portugais) et les CTT (Correios de Portugal, créée en 1520) qui dégagent pourtant 74 millions d’euros de bénéfice, et veut fermer 200 bureaux de poste.»

C’est pour vous dire comment, dans le merveilleux monde néolibéral, les beaux esprits se rencontrent.

Demandons donc à notre ministre des Finances de diversifier ses sources de légitimité, car nous ne sommes pas dupes: il existe des moyens d’augmenter les revenus de l’État, notamment en lorgnant vers les profits exorbitants des banques et des institutions financières. Et demandons-lui de bien méditer la sagesse d’un de ses plus illustres compatriotes.

Référence : Soares, Mario. 2013. Portugal, État d’urgence – Chroniques 2012 – 2013. La Différence.


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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    18 juillet 2014

    De quel droit osez-vous considérer Mario Soares comme artisan de la Révolution d'avril? Le parti socialiste portugais a été créé en 1973 (juste quand le vent commençait à tourner) dans l'Allemagne capitaliste sous les auspices de Willy Brandt et du SPD de façon à miner l'influence du Parti communiste portugais, seul parti organisé dans la résistance à l'Estado Novo. Soares peut bien fustiger le néolibéralisme, mais ce ne sont que des mots dont il se gargarise puisqu'il est surtout l'artisan de l'intégration du Portugal à l'UE du capital, un pôle impérialiste non-réformable. Pour une vraie politique alternative de gauche et patriote, seul le PCP (allié aux Verts dans au sein de la CDU). Le PCP est aujourd'hui le seul parti à ne pas avoir trahi les valeurs d'avril.
    Quant à Leutao, je ne serais pas surpris que sa famille ait quitté le pays l'année où se formait l'assemblée constituante dans laquelle les communistes, par leur rapport de forces, ont forcé la discussion quant à la nationalisation des secteurs clés de l'économie, était formée justement parce qu'elle tirait bénéfice du pouvoir salazariste.

  • François A. Lachapelle Répondre

    13 mai 2014

    Qui est Carlos Leitao, notre nouveau ministre des finances du Québec ? De quel cour s'entoure-t-il ? Tous des économistes à la machette néolibérale, des Chambres de commerce écumeuses du bien commun. L'article de Marcel Bernier doit être annonciateur d'un suivi de surveillance pour contrer les décisions de nature idéologique et nuisible pour l'État du Québec.
    Créer des emplois et non les abolir, créer de la richesse pour la redistribuer comme dans le dossier des places en garderie, les Québécois possédant une conscience sociale qui va au-delà de l'argent doivent être aux aguets avec l'équipe Couillard dont les principaux lieutenants sont trois économistes et trois docteurs.
    Concernant la privatisation d'Hydro-Québec, voici quelques commentaires: a)
    la machine est depuis longtemps en marche sous la forme des PPP. Beaucoup de contrats sont réalisés par des firmes privées. Si on calculait le montant total d'ouvrages réalisés par des firmes privées pour Hydro-Québec, on constaterait que probablement près de 50% des milliards dépensés annuellement par H.-Q. sont réalisés par des salariés du privé, ce qui est une forme de privatisation. Malheureusement, ce chiffre n'est pas publié tel quel dans le Rapport annuel.
    b) On parle de privatiser jusqu'à 10% pour éviter de payer des impôts sur les bénéfices au niveau fédéral. Sauf, qu'au niveau des principes pouvant justifier une privatisation, si ces principes sont fondés pour 10%, ils le sont aussi pour 20 - 30 -50 %.
    c) Actuellement, chaque client d'H.-Q. est comme un actionnaire et il perçoit un réel dividende à chaque facturation (qui n'est malheureusement pas chiffré ) qui est la différence entre le bas coût actuel de l'électricité et le coût supérieur qui découlerait automatiquement d'une privatisation partielle. C'est cela l'avantage d'être propriétaire de notre société d'État, surtout depuis la 2e nationalisation avec René Lévesque en 1963. Les Québécois récoltent ce qu'ils ont semé ce que des prédateurs voudraient nous "voler".
    Rappelons que l'électricité est un bien essentiel dans un marché quasi monopolistique demandant un prix non élastique: un client résidentiel peut difficilement remplacer son électricité par une autre source. Le Québec se construit depuis plus de 50 ans avec une abondance de l'hydroélectricité alors que l'Ontario voisine se chauffe au gaz de l'ouest.
    Selon de fortes pressions du 10% d'actionnaires, ces actionnaires influenceraient le coût de l'électricité selon l'offre et la demande des actions à la bourse, le tout motivé par le rendement de leurs actions et exigeant une hausse des profits de l'entreprise. Je m'excuse du langage à la Carlos LEITAO: argent-profits-dividendes. Il faut suivre ce Monsieur à la trace.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 mai 2014

    M.Bernier,

    Il faut tout faire pour se débarrasser de ces gens-là; Ce sont des traîtres à notre pays;
    Si nous les laissons faire,plus rien au québec va nous appartenir; nous ne sommes mêmes plus chez-nous avec tous ces émigrés qui nous arrivent de partout; il faut leur barrer la route par n'importe quel moyen;come Churchill le dirait,il faut leur faire la guerre et tous les foutre dehors,tous ces traîtres qui ne font rien pour le québec et qui ne cherchent qu'à nous faire disparaître comme peuple; ce n'est plus le temps des parlottes,c'est l'heure de passer à l'action;il nous faut une armée,des pilotes,des marins,des
    portes-avions,des armes et s'armer jusqu'aux dent comme Israel;il faut se préparer et bien organiser
    pour que nos jeunes ne soient pas massacrés en vain; s'il faut se joindre au diable,comme le dit Churchill,il faut le faire;il s'agit de notre survie comme peuple et le temps presse; nous avons 4 ans pour nous préparer. Si tu veux la paix.prépare la guerre; La vraie loi du talion,c'est ça; ils veulent nous faire disparaître,ce sont eux qui vont disparaitre; Soyons aux commandes partout;ayons nos espions partout;
    Soyons aussi vigilants que le sont Israël; il faut faire le ménage;la seule façon,c'est de leur faire la guerre comme ils le font avec nous depuis toujours! ( Gardez ce texte confidentiel et répondez-moi sur mon adresse électronique) Mon pays,le québec,oui!

  • Marius Morin Répondre

    12 mai 2014

    Carlos Leitao a travaillé aux services bancaires et financiers de la Banque Royal et Laurentienne. Il n’a qu’une vue unique des affaires et des finances. Il n’a jamais œuvré dans des entreprises avec du vrai monde, avec des travailleurs et des salariés. Il n’a jamais créé d’emplois. Il n’a qu’en tête la privatisation de l’économie pour les nantis et non l’économie sociale pour les gens ordinaires. Méfions-nous de lui, car on parle dans son entourage de privatisation de nos grandes entreprises. Ça lui permettrait d’appauvrir davantage le Québec et de retarder son indépendance…

  • Archives de Vigile Répondre

    12 mai 2014

    Très brillant commentaire! Je vous remercie de ce complément d'informations très intéressant.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mai 2014

    M. Bernier
    Comme vous le savez, le début du capitalisme a pris naissance sous la forme d'une «révolution industrielle qui a transformé de fond en comble l'existence de l'humanité et a précipité le rythme de son histoire» et ce, au cours de la moitié du dix-huitième siècle sous la forme de découvertes scientifiques, d'inventions techniques et de nouvelles méthodes de travail» (1).
    Dans le roman «Oliver Twist», cette œuvre magnifique de Charles Dickens il y est décrit la condition humaine dans laquelle vivait la société anglaise à l'aube de l'instauration de ce nouveau système à grande échelle et de son expansion fulgurante jusqu'à aujourd'hui. Imaginez ce que ce système a produit comme richesse pour quelque grande famille ou individus et ce, au détriment des sociétés
    qui n'ont eu guère le choix que de subir et d'être dominés par ces nouveaux maîtres de la finance.
    Il est évident aujourd'hui que le système capitalisme est et a toujours été depuis
    son avènement relié à la misère humaine des peuples. Ce système sert parfaitement l'individualisme d'où la cupidité et le profit ne sont que les seuls notions qui valent.
    Pouvez-vous imaginer seulement toutes les organisations de quelque nature qu'elles soient qui découlent de ce
    système dont la grande bourgeoisie tire les ficelles, ne serait-ce que parce qu'elle
    possède le véritable pouvoir et la puissance de l'argent. Maintenant, ce sont eux las maîtres. Ils dictent leurs volontés et exercent des pressions aux gouvernements
    démocratiquement élu pour obtenir tout résultat qui sert leur propre intérêt.
    Combien de fois avons nous été témoins de la perte de souveraineté des sociétés occidentales au bénéfice de cette puissance. Dites vous bien M. Bernier que la droite a ses partisans et ses adeptes qui la servent bien et qui y trouvent leur intérêt à bien la servir. Et, ce n'est pas fini. Le sommet n'ayant pas encore été atteint jusqu'à l'arrivée d'un gouvernement mondial, ce qui est leur objectif ultime.
    Dans cet optique, croyez-vous honnêtement que le nouveau ministre des finances actuel Carlos Leitaoe va lorgner du coté des Banques, des institutions financières et
    mêmes des multi- nationales pour augmenter les revenus de l'État. Personnellement, je n'ai aucun doute. Il ne le fera jamais. Carlos Leitao n'est
    pas Mario Soares et vous avez raison. Soares est un grand patriote et un
    vrai social démocrate. Merci pour votre texte, il vaut la peine d'être lu.
    Réjean Roy
    (1) histoire universelle Tome 10

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mai 2014

    Ce qui m'inquiète n'est pas de se retrouver comme le Portugal dans cinq ans, mais plutôt de se retrouver comme le Mexique actuellement avec un gouvernement corrompu et des inégalités économiques record et croissantes.