La poursuite contre Standard and Poor’s

Caisse de dépôt : la fraude du siècle ?

Et personne pour s'indigner contre le « faussaire en chef »

Chronique de Jean-Claude Pomerleau

Le Devoir fait echo à une poursuite contre une agence de notation majeure au États Unis : "...une plainte en bonne et due forme a été déposée contre le poids lourd de l’industrie : Standard and Poor’s (S&P). Enfin ! ... Il faut espérer également que des sociétés flouées par l’escroquerie mathématique de S&P signeront elles aussi des poursuites... il faut espérer que le faussaire en chef et ses complices croupiront en prison. "
Le journaliste Serge Truffaut, sur un ton très dur, inhabituel pour ce journal, s'indigne contre le "faussaire en chef " qu'il veut voir en prison (alors qu'il¸n'a pas encore été trouvé coupable) . Alors que dans le cas des pertes historiques de la Caisse de dépôt dûes au papier commecial (PCAA non-bancaire), le coupable est connu depuis l'automne 2011, sans que cela ne soulève d'indignation dans nos médias provinciaux : silence radio, sur ce qui pourrait bien être la fraude du siècle ?
Cette sortie de ce journaliste me donne l'occasion de revenir sur quelques textes que j'ai publiés sur les pertes historiques de la Caisse de dépôt en 2008-09. Et la question qui aurait dû surgir dans les médias : La Caisse fut elle une victime consentante ou une victime d’une fraude ?

"Rappelons que la Caisse de dépôt a inscrit des pertes de 40 milliards pour l’année 2008 et que, si elle avait eu un rendement comparable aux autres fonds de même catégorie, ces pertes auraient été de 30 milliards. Elle a donc connu une sous performance de 10 milliards, laquelle est grandement attribuable à une surexposition aux produits dérivés, particulièrement au papier commercial adossé à des actifs : les PCAA (non-bancaire), pour lesquels la Caisse a inscrit une radiation d’actif d’environs 6 milliards en 2008-09. Cette vulnérabilité aux produits dérivés découlait, selon M J. Parizeau, du fait que le changement de la Loi sur la Caisse, imposé par Charest sous le bâillon (Loi 78 : 2004), le rendement d’abord, avait transformé un fonds de pension en un fonds spéculatif (Hedge Fund)."

Dans un texte publié sur Vigile quelques jours avant la divulgation des pertes historiques de 2008, j’identifie, à partir de sources ouvertes et publiques d’informations, les 2 acteurs principaux de la saga du papier commercial adossé à des actifs (PCAA non-bancaire) : Coventree Capital Group Inc. (Coventree) et l’agence de notation Dominion Bond Rating Service (DBRS). Sans les agissements douteux de ces entreprises de Toronto, la Caisse aurait évité une part importante des pertes encourues sur le papier commercial.
***
.... La Caisse de dépôt avait une relation structurée et privilégiée avec Coventree, étant son principal actionnaire au moment de l’émission publique d’action et son principal client par la suite. (Me Pierre Cloutier observe à cet effet que la Caisse était à la fois du coté acheteur et vendeur de ce produit). Cependant cette opération n’aurait pas été possible sans la participation d’une agence de notation qui a accordé la plus haute note de crédit à ce produit qui s’avérera toxique par la suite. Sans cette note AAA, ce produit avait peu chance de trouver preneur auprès des investisseurs institutionnels. C’est ici que DBRS entre en jeux.
« While U.S. rating agencies refused to endorse Canadian paper because of the OSFI-created bank loan flaw, DBRS jumped in and gave the notes its highest ratings. Without the DBRS rating, flawed Canadian ABCP would likely never have found a buyer. » (DAVID EBNER ; The Globe and Mail). "
(...)

...
À la radiation de 6 milliards d'actifs dans son bilan de 2008, liée à la dépréciation du papier commercial (PCAA non-bancaire) s'ajoute des pertes incidentes de 3 milliards pour 2008-09 : le PCAA; non bancaire constituait un actif à court terme (donc des liquidités), le gel du marché a donc mené à une crise de liquidité. Crise de liquidité niée par le gouvernement libéral à l'automne 2008. En fait la Caisse de dépôt a été forcée (par qui ?) à une vente de feu pour refaire ses liquidités. D'où la pertes incidentes de 3 milliards pour 2008-09 : documenté ici en exlusivité sur Vigile (1)
DBRS a été la seule agence de notation à accorder la note AAA à ce produit (PCAA non bancaire) ; Standard and Poors et Moody, pourtant peu regardantes l'ayant trouvé trop douteux. Sans cette note et les manigances de Coventree, la Caisse de dépôt ainsi que d'autres institutions financières du Québec, auraient évité des pertes d'une dizaine de milliards (pas assez pour indigner nos journalistes). (2)
Coventree a été trouvée coupable d'avoir trompé ses actionnaires et ses clients par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario à l'automne 2011. La Caisse de dépôt fut son principal client et son principal actionnaire (lors de l'émission publique d'actions). Comment expliquer ce silence radio des médias du Québec sur ce qui pourrait bien être la fraude du siècle ?
...
(1) Voir : La vente de feu
http://www.vigile.net/La-Caisse-Tripotage-politique-et
(2) Le Québec, floué de plus 10 milliards par Toronto !
http://www.vigile.net/Le-Quebec-floue-de-plus-10
(3) Automne 2011 : http://www.osc.gov.on.ca/fr/NewsEvents_nr_20110928_osc-coventree.htm


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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    13 février 2013

    @ssauvé,
    Votre discours sur les cafards est fasciste, voire nazi.
    Pas de chance que cela se produise en Amérique où la Liberté est une valeur sûre.
    Reprenons une analyse marxiste. Les travailleurs accumulent du capital via les fonds de retraites et l'avenir leur appartient car ces fonds vont graduellement s'approprier les instruments économiques. Le Capital va être collectivisé.
    Que faire pour les ploutocraties qui se dessèchent ?
    Il faut entamer le contenu de ces caisses comme un ivrogne entame une outre de vin. Ce bal des pots-de-vin et des flatteries pour infiltrer la direction de ces caisses de retraites pour détourner des fonds ou refiler des obligations de pacotilles ou des actions surpompées.
    On pense à Power Corporation. Mais pensons aussi à la Mafia qui cherche à contrôler les syndicats (les fonds de pensions sont une des raisons). Pensons aussi au FIÉR qui a investi dans BCIA. Mais c'est vieux comme le monde. La clique des Bordelais a bien détourné beaucoup de ressources qui auraient dû être consacrées à la défense et à l'approvisionnement de la Nouvelle-France. La chute de Louisbourg en était une conséquence.
    Pour qu'une nation puisse se bâtir, les travailleurs doivent cotiser pour la doter d'instruments forts. Mais en même temps, ces travailleurs doivent se garder une réserve individuelle parce qu'ils ne contrôlent pas la cagnotte comme ils devraient le faire.

  • Lise Pelletier Répondre

    11 février 2013

    M.Pomerleau,
    Suite à cet article dans Le Devoir remettant à l'avant-plan la fraude financière de Standard & Poor's, le Parti Québécois peut aussi en profiter pour redemander une commission parlementaire, mais cette fois avec des faits tels que les vôtres et non pas avec des bobards tels que la tempête parfaite de H.Paul Rousseau.
    Là-dessus mon commentaire rejoint celui de M.Haché et comme beaucoup de québécois qui n'ont pas digéré cette perte de 40 milliards dans leur bas de laine.
    Le PQ veut un mandat majoritaire, qu'il agisse dans ce dossier et il va l'obtenir. Que l'indignation dont il faisait preuve dans l'opposition se concrétise maintenant qu'il est au pouvoir.
    Merci.

  • Alain Maronani Répondre

    11 février 2013

    Claudette Carbonneau, toujours aussi vocale, pour la défense de "ses membres" siégait a la CDPQ. Que faisait-elle en 2006, 2007..?
    La réponse...
    'Madame Carbonneau, qui siège au conseil d’administration, ainsi qu’au comité de surveillance de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), a brillé aux deux endroits… par son absence! En effet, la présidente de la CSN, dont le mandat était, entre autres, de surveiller les agissements de la Caisse, s’est absentée trois fois, sur un total de cinq réunions du comité de surveillance, et ce pendant l’année où ladite Caisse a perdu 40 milliards de dollars! Quant au conseil d’administration de la CDPQ, madame Carbonneau a assisté à seulement six des onze séances de l’année 2007.'
    Des malins se sont enrichis, des escrocs ont vendus des mirages, et une administratrice style Claudette, qui nous donne des lecons sur la gestion des fonds publics...était absente de son rôle de gardienne...de toute facon elle ne faisait pas partie du "club'...
    C'est aussi une faillite collective sur la croyance, même aujourd'hui que les rendements sont éternels...
    Si l'obsession du rendement pour servir des retraites, basées sur des calculs actuariels intenables, rendement de + 6 %, n'avait pas été présent, peut-être la Caisse aurait pu regarder ailleurs...investir dans des outils financiers moins dangereux, plus réalistes...
    Pour Standard & Poor's il ne faut pas se faire trop d'illusions...Aucun responsable des débacles financières depuis 2006 n'a été comdamné...

  • Stéphane Sauvé Répondre

    11 février 2013

    "Comment expliquer ce silence radio des médias du Québec sur ce qui pourrait bien être la fraude du siècle ?
    Poser la question s'est y répondre.
    Le Québec est un ptit monde. L'inceste est devenue la norme entre le politique, l'économique, le juridique et le médiatique...Et tout ce beau monde se protège dans les hautes sphères de la ploutocratie*.
    Un ménage est nécessaire, c'est une évidence. Et fort heureusement, comme nous le rappelait Pythagore, "Le possible habite près du nécessaire".
    On pourrait s'inspirer de la technique d'éradication des cafards. Voici ce que propose les spécialistes:
    "Que faire pour se débarrasser des cafards ? Il faut traiter les lieux dès l'apparition des premiers spécimens. Leur présence ne signifie pas que le logement est sale, mais la saleté favorise leur développement. Le premier remède contre les cafards consiste donc à nettoyer méticuleusement les meubles et les sols. Il faut veiller à fermer soigneusement les paquets d'aliments comme les pâtes, le riz, la farine ou les pommes de terre. Pour lutter contre les cafards, il existe des méthodes « physiques », comme l'emploi de piège à cafards. " http://www.web-libre.org/dossiers/cafard,5563.html
    A vous de faire les parallèles qui s'imposent.
    _______
    Ploutocratie: Système politique ou ordre social dans lequel la puissance financière et économique est prépondérante. Ayant jeté (...) les yeux sur la France, il vit que, sous le nom de république, ce pays était constitué en ploutocratie, et que (...) la haute finance y exerçait un pouvoir souverain (A. France,Révolte anges, 1914, p.182).Identifiée au libéralisme, elle [la démocratie] glisse vers la ploutocratie (Vedel,Dr. constit., 1949, p.250): J'appelle ploutocratie un état de société où la richesse est le nerf principal des choses (...), où la capacité et la moralité s'évaluent généralement (...) par la fortune, de telle sorte, par exemple, que le meilleur critérium pour prendre l'élite de la nation soit le cens. Renan,Avenir sc., 1890, p.415. http://www.cnrtl.fr/lexicographie/ploutocratie
    ____
    Vous vous rappelez de ce Bouchard, qui sans rire, nous disait d'un coin de la bouche que la souveraineté n'était pas réalisable et de l'autre qu'il était humilié de devoir suplier la Standard and Poor's de ne pas nous décoter ? Il mérite bien son titre de roi "Pataud" celui-là.
    "L'ancien premier ministre Lucien Bouchard croit que le Québec doit embrasser un nouveau rêve, trouver «le tremplin de notre nouveau départ». Mais ce n'est pas la souveraineté: ce projet n'est pas une solution puisqu'il n'est pas réalisable. "....
    "Si la Révolution tranquille fut le moment clé pour Lucien Bouchard, c'est sa rencontre, à New York, avec les bonzes de Standard and Poor's qui voulaient décoter le Québec qui l'a le plus secoué. C'est au lendemain du sommet socio-économique de 1996, où l'objectif du déficit zéro fut approuvé. «J'ai supplié ces gens sans émotions de ne pas nous décoter, s'est rappelé M. Bouchard. J'étais surtout humilié.» http://www.ledevoir.com/politique/quebec/283286/la-souverainete-n-est-pas-realisable-dit-bouchard
    Du n'importe quoi!!??
    Et qu'en penses le peuple?
    Ce qu'on leur en dit.
    Le silence radio des médias ? Bein, vous avez la réponse chaque jour où des Bouchards, des Charest et des Desmarais continuent de se reproduire dans les marais de Sagard.
    Ca prends du courage pour voir clair et agir conséquement.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 février 2013

    [1] Pauline Marois ne fera rien parce qu'elle appartient au même monde. Voir ici : http://www.iforum.umontreal.ca/Forum/2006-2007/20070522/au_6.html
    [2] Le PQ c'est comme le Parti socialiste français. Hollande avait promis de mettre les banques et les financiers à leur place et la montagne est en train d'accoucher d'une souris.
    [3] Notre État est à bout de souffle. On ne peut plus augmenter les impôts sur le revenu sans déclencher la gorgne populaire, mais les banques et les institutions continuent à s'en mettre plein les poches : le président de la BNB, Louis Vachon gagne 8 millions$ par année et la président du Mouvement Desjardins, seulement un petit 3 millions$
    [4] La question qui tue : est-ce que les banques et les institutions financières paient une taxe sur les transactions économiques qu'elle font, plus particulièrement les transactions spéculatives? Quelqu'un connaît-il la réponse?
    Pierre Cloutier

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    11 février 2013

    M Marcel Haché,
    Je fais de la recherche sur la Caisse depuis 2008. En collaboration avec mon ami Pierre Cloutier, j'ai publié mon premier texte une semaine avant la publication des résultats désastreux de la Caisse (février 2009).
    "Québec sink"
    http://www.vigile.net/Quebec-sink
    Nous étions d'avis qu'il fallait une enquête publique sur la Caisse. Mais pour ma part, après avoir entendu M Jacques Parizeau dire qu'il était mieux indiqué de donner un mandat spécial au Vérificateur général (VG) portant sur la séquence de l’implication de la Caisse dans les produit dérivés (pourquoi 9% de l'actif dans le PCAA ?), je m'en suis tenu à cet avis.
    Suite à la décision de la CVMO (automne 2011) contre Coventree. J'ai voulu savoir pourquoi, avec ce nouveau développement, le PQ ne frappait pas sur ce clou. J'ai rencontre François Rebello (avant qu'il ne quitte le PQ) , lequel m'a fait une révélation étonnante concernant la passivité de François Legault dans le dossier de la Caisse :
    http://www.vigile.net/Ce-que-revele-ma-rencontre-avec
    La demande pour que soit donné au VG un mandat spéciale pour faire la lumière sur le PCAA est toujours actualité.
    JCPomerleau

  • Marcel Haché Répondre

    11 février 2013

    Dans l’opposition, les péquistes avaient raison de réclamer une commission d’enquête sur les malversations dans l’industrie de la construction.
    Maintenant que le P.Q. forme le gouvernement, sa situation de minoritaire ne le justifie pas de se mettre lui-même sur la défensive, comme le faisait la gang à Charest. La commission Charbonneau est suffisamment révélatrice à ce jour pour autoriser le gouvernement de se mettre le nez dans ce qui a tout l’air d’une autre affaire pas très claire…
    Que Mme Marois se transforme donc une bonne fois en madame Blancheville !