L’électricité que les québécois paient 7 c/kWh avant taxes, Jean Charest l’offre à 3 c/kWh au Nouveau-Brunswick. Le 20 janvier 2010, les premiers ministres du Québec et du Nouveau-Brunswick ont confirmé leur intention de conclure une transaction qui coûtera dès le début 3,2 milliards $ au Québec selon des conditions inquiétantes.
Effectivement, si l’entente se concrétise, il y aura vente de feu de l’hydroélectricité du Québec. J’ai déjà parlé d’un rabais de 25% offert aux néo-brunswickois. Grave erreur, c’est plutôt un rabais de 66% qui leur est présenté sur un plateau d’argent.
La situation chaotique d’Énergie NB existe depuis des décennies. Plusieurs décisions ont été prises sous la pression de dossiers difficiles en matière de production d’énergie électrique au Nouveau-Brunswick. C’est sans compter sur les pressions des citoyens qui se plaignent des tarifs élevés et des méfaits de ces tarifs sur l’essor de leur économie. C’est le constat qu’a fait le PM actuel Shawn Graham en visitant sa province et écoutant les commentaires des citoyens. Et ce sont ses constats qu’ils l’ont poussé à faire les premiers pas vers Jean Charest du Québec en 2009.
Que ce soit l’aventure du combustible vénézuélien nommé “orimulsion” aux centrales Dalhousie et Coleson Cove, que ce soit les difficultés et les retards dans la rénovation de la centrale nucléaire Point Lepreau, retards qui atteindront les 800 millions de coûts supplémentaires en janvier 2011, les politiciens du Nouveau-Brunswick se cassent les dents sur la société d’état Énergie NB. Ce fut le cas de Bernard Lord défait en 2006 et Shawn Graham joue gros, maintenant et lors des prochaines élections provinciales en septembre 2010.
Revenons à certains points nébuleux qui se cachent dans la 2e entente d’achat d’actifs d’Énergie NB par Hydro-Québec annoncée le 20 janvier 2010 au coût de 3,2 milliards $.
1er point: Parlons du prix de 3 c/kWh et non de 7,35 c/kWh.
Un des engagements importants contenu dans la 2e entente est l’obligation pour le Québec de fournir 14 TWh (milliards de kilowatt heure) chaque année et à perpétuité. Pour les cinq premières années du contrat, le prix est fixe et garanti à 7,35 c/kWh franco à bord à la frontière du Québec et du Nouveau-Brunswick.
Question primordiale: quelle sera la provenance de ces 14TWh l’an ? À Provenance à 100% du Québec ? Impossible selon notre source. Les trois interconnexions existantes entre le Québec et le Nouveau-Brunswick sont utilisées au maximum et leur capacité de 1200 MW ne permet que le passage du tiers (33%) des besoins estimés à 14 TWh annuel.
Dans l’entente de 3,2 milliards $, 1,8 milliard $ est destiné à acheter des actifs d’Énergie NB qui comprennent sept (7) centrales hydrauliques (895 MW) sur le fleuve St-Jean et deux (2) centrales thermiques d’appoint (499 MW). On ne paie pas un tel montant pour placer ces actifs dans la boule à mites. De plus, Énergie NB demeure propriétaire de deux centrales thermiques qui continueront à produire de l’électricité. Ce sont la centrale Belledune au charbon (450 MW) et la centrale Coleson Cove au mazout (978 MW). Toute cette puissance (2830 MW) , située au Nouveau-Brunswick, est opérationnelle et peut continuer de produire de l’électricité.
Avant l’Entente du 20 janvier 2010 et avant l’arrêt de Point Lepreau, voici la répartition des sources de production d’électricité en % au Nouveau-Brunswick:
- 50% par le charbon et le pétrole
- 25% par le nucléaire
- 25% par l’hydraulique
Après l’Entente du 20 janvier 2010 et considérant l’arrêt de la centrale nucléaire de Point Lepreau en rénovation, voici le nouvelle configuration des sources de production en 2010:
- 42% par le charbon et le pétrole
- 0% par le nucléaire
- 25% par l’hydraulique
- 33% importations d’Hydro-Québec
Pour l’année 2010, voici l’effet de l’Entente sur les prix unitaires du kilowatt heure (kWh)
caché derrière le 7,35 c/kWh. Dans le tableau ci-dessus, nous remarquons qu’Hydro-Québec fournit 33% et que le 67% restant est produit par les installations existantes au Nouveau-Brunswick. Il est possible de connaître le prix moyen unitaire du kWh produit par les installations d’Énergie NB à l’aide du dernier Rapport annuel d’Énergie NB et du site internet. Comme prix moyen le kWh facturé à Moncton pour le résidentiel, nous retenons 12 c/kWh duquel nous retirons 10% pour les frais d’administration et le bénéfice net et retirons 1c/kWh pour les frais de transport, nous obtenons un prix brut de production moyen de 9,8 c/kWh. Les coûts réels associés aux installations d’Énergie NB ne changeront pas par le simple fait de la signature entre MM Graham et Charest.
À l’aide d’une équation à un inconnu, nous pouvons déterminer quel est le prix de production moyen unitaire qu’Hydro-Québec se verra obligé de consentir pour respecter le prix moyen final de 7,35 c/kWh de l’Entente.
Le premier segment de l’équation est l’électricité produite par le Québec et le 2e segment est l’électricité produite par les installations du Nouveau-Brunswick:
( 33% X x c/kWh ) + ( 67% X 9,8c/kWh) = 100% de 7,35 c/kWh
.33 x + 0,065 c/kWh = 100% de 7,35 c/kWh
x = 2,6 c/kWh arrondi à 3 c/kWh
C’est ainsi qu’Hydro-Québec, pour respecter un prix de gros de 7,35 c/kWh moyen pour 14 TWh / an, devra brader l’électricité du Québec à moins de 3 c/kWh.
2e point: parlons du rabais de 66% consenti par Hydro-Québec:
En consultant la page 10 du dernier rapport annuel d’Hydro-Québec, nous apprenons que pour 2008, le prix moyen de gros des ventes d’électricité “hors Québec” est de 9,8 c/kWh. En 2007, ce prix moyen est de 10,3 c/kWh et de 11,6 c/kWh en 2006.
En comparant les derniers chiffres, soit la braderie de 3 c/kWh vendu au Nouveau-Brunswick et le 9,8 c/kWh, c’est ainsi que nous découvrons un rabais substantiel à la hauteur de 66%. Mais, dites-moi, pourquoi accorder un tel rabais à un client qui demande, qui est en manque? Il ne s’agit pas d’exploiter ce gentil voisin. Tout simplement, il s’agit de vendre notre électricité au même niveau moyen de prix que nous exportons aux autres clients “hors Québec”, ni rabais, ni extorsion. Pourquoi les conseillers de Jean Charest ne lui ont pas dit de préférer l’approche simple: augmenter nos exportations vers le Nouveau-Brunswick lorsque de nouvelles lignes d’interconnexions seront construites.
Disposons rapidement de la prétendue place stratégique du réseau du Nouveau-Brunswick pour desservir le marché de la Nouvelle-Angleterre. Ces opportunités d’exportations vers la Nouvelle-Angleterre sont virtuelles. Selon une source bien informée, l’interconnexion entre le réseau du Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Angleterre sert maintenant surtout pour importer de l’électricité en direction des besoins du Nouveau-Brunswick. De plus, depuis l’ère de Robert Bourassa et la signature de contrats à long terme avec la Nouvelle-Angleterre, le chemin préféré pour desservir nos voisins du sud est situé au sud et à l’est de Montréal comme par le poste Des Cantons construit près de la ville de Windsor. Emprunter un nouveau corridor par le Nouveau-Brunswick est s’imposer un détour coûteux.
3e point: parlons de la stratégie du Québec lors de la négociation des conditions “inquiétantes” de la 2e entente. Imaginez qu’une personne en mauvaise situation financière créée par elle (Norbourg et cies) vienne frapper à votre porte pour demander votre aide. Pour une raison occulte, cette personne vous impose ses conditions. Elle vous demande de baisser vos exigences et de lui faire des cadeaux, sinon ... il ne se passera rien. Mais vous vous empressez à accepter ses conditions. Cette situation n’existe pas dans la vraie vie à moins que vous habitiez le Canada.
Effectivement, il est très difficile de comprendre comment le gouvernement du Nouveau-Brunswick, en grave situation de pénurie d’électricité, en situation de manque, réussit à convaincre le représentant du Québec, riche en hydroélectricité, de lui consentir une baisse de 66% du prix en plus d’un gel des tarifs durant les 5 premières années représentant une valeur de 5 milliards $, valeur que j’estime surestimée. Le vrai chiffre serait plus proche de 30 millions $ par année.
4e point: quels sont les arguments de Jean Charest pour nous convaincre qu’il faut courir au secours d’Énergie NB et de ses 370 000 clients. On nous assure qu’Hydro-Québec acquiert des actifs de qualité, que c’est une transaction de gros bon sens, même que nous sommes témoin d’une transaction historique auquel est attaché un rendement de 10% sur l’équité du prix d’achat dès la première année.
Les actifs de qualité sont mis en doute par les pauvres résultats des États financiers de l’entreprise Énergie NB qui est une entreprise chaotique depuis des décennies. Allez voir les chiffres sur internet. En 2008, un gros profit de 70 millions $. Si le ratio de 1/10 avec Hydro-Québec était respecté, ce devrait être un profit de 300 millions $ que cette entreprise dégagerait.
Quant au gros bon sens qui préside à cette entente du 20 janvier 2010, il y a zéro de gros bon sens. C’est plutôt cul-par-dessus-tête que nous observons.
Et la transaction historique, si elle voit le jour, ce sera une erreur et une perte perpétuelle pour Hydro-Québec et ses citoyens qui achèvera dans la honte.
Et parlons de la promesse de notre PM d’une rendement assuré de 10% la première année. Le journaliste de La Presse a chiffré ce 10% à 60 millions $. Par prudence, il eut été intéressant de connaître les conditions pour que se réalise ce 10%. Par exemple, selon nos sources, puisque une partie du 14 TWh sera produite à partir de centrales thermiques situées au Nouveau-Brunswick, une hausse de 10$ le baril de pétrole représente une dépense additionnelle de 40 millions $ par année. Puisqu’il est peu probable que le prix du pétrole baisse, il est plus plausible que ce prix augmente durant les prochaines années. Et rappelons -nous que selon l’entente, les tarifs sont gelés pour les 5 prochaines années, donc aucune possibilité d’ajustement du prix en fonction d’une hausse du baril de pétrole pour aujourd’hui et à perpétuité à moins que le contrat final en parle. Nous devons pouvoir lire ce contrat final dans le détail avant sa signature. Élémentaire!
5e point: les différentes autres conditions que le contrat final devra préciser;
Par exemple, les parties peuvent-elles mettre fin au contrat selon des conditions raisonnables comme avec un préavis de douze mois, avec une méthode pour évaluer la valeur de l’entreprise selon les appréciations et les dépréciations des équipements, comme avec un droit de premier refus pour Énergie NB. Un contrat à perpétuité est long et les conditions d’exploitation d’une entreprise productrice d’électricité doit pouvoir s’ajuster à des centaines de facteurs en mouvement. Ces facteurs sont-ils pris en compte? Hydro-Québec est-elle prise au piège au profit d’un agenda caché?
6e point: je suis encore septique devant le fait que les milliards de capitaux privés du Nouveau-Brunswick n’aient pas été interpellés par leurs gouvernants pour sauver Énergie NB, vous savez les réseaux d’amis, les lobbies. Il y a un gros pourquoi attaché à cette réflexion. La première réponse qui me vient à l’esprit est le niveau de risque financier trop élevé rattaché à l’entreprise Énergie NB. Ces personnes d’affaires ont mis en pratique leur prudence et se sont tus. Nous sommes absents alors que Jean Charest a ouvert grand les bras. Ce politicien a tellement de chaudrons chauds sur le poêle qu’il faut distraire les marmitons, les québécois s’entend.
Conclusion: la démonstration que l’Entente du 20 janvier 2010 est bonne pour Hydro-Québec et pour le Québec n’est pas faite lorsqu’on fouille en dessous. Il faut agir en conséquence.
Je dédie cet article à mes deux petites-filles de moins de 10 ans que nous gardons pendant leur semaine de relâche. Elles doivent elles aussi partager la fierté d’être hydro-québécoises encore dans cinquante ans.
Montréal, 5 mars 2010 François A. LACHAPELLE, retraité.
Hydro Québec et ÉNERGIE NB
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5 commentaires
Jacques Vaillancourt Répondre
8 mars 2010C’est un document très bien structuré lequel nous permet d’entrevoir l’ampleur de l’arnaque. J’ai imprimé une copie de cet article pour l’étudier à tête reposée pendant la fin de la semaine. Nous attendons toujours les explications directes d’Hydro-Québec laquelle les années passées n’hésitaient pas à dévoiler les raisons à l’appui de projets. À quand une conférence du président d’Hydro-Québec M.Thierry Vandal cherchant à justifier cette transaction au montant de 3 ou 4 milliards et peut-être même plus.
Devant l‘absence d‘informations sur les raisons qui ont conduit à cette entente que l’on peut qualifier de secrète, nous prenons pour acquis la justesse de l’étude de M. Lachapelle. Elle traduit rigoureusement les conséquences de cette méga-arnaque Nous devons en conséquence en tirer les même conclusions.
Nous sommes également étonnés devant le fait que les milliards de capitaux privés du Nouveau-Brunswick n’aient pas été interpellés par leurs gouvernements pour sauver ÉnergieNB, vous savez les réseaux d’amis, les lobbies. On a jugé le risque trop élevé rattaché à l’entreprise ÉnergieNB. C’est alors que Jean Charest ouvre grand les bras.
Est-ce pour absorber les coûts de cette transaction que nos «Lucides» réclament à haut cris l’augmentation des tarifs d’électricité et nous demandent de faire d’autres sacrifices.? On n’a plus les moyens disent-ils.!
Parlant de franc maçonnerie, la forme a changé. Cette franc-maçonnerie financière agit comme l’autre dans l’ombre, et camoufle ses buts véritables, le plus souvent inavouables
Pour celle-ci les ordres viennent du GRAND MÂITRE dont le temple est situé au Mont Sagard.
LIEN
-Le Manoir de Sagard
http://vailcourt.com/ManoirsagardA.jpg
Cordialement
Archives de Vigile Répondre
8 mars 2010Énergie NB ; Rejet massif de l'entente avec Québec
La majorité des Néo-Brunswickois s'oppose à l'entente conclue avec le Québec pour la vente d'actifs de la société Énergie NB, selon un sondage réalisé par la firme Recherche Omnifacts pour Radio-Canada.
Les données du sondage démontrent que les citoyens souhaitent pouvoir voter sur ce contrat.
Texte de référence pour votre étude.
François A. Lachapelle Répondre
7 mars 2010En réfléchissant à l'opacité que notre PM Jean Charest entretient autour de la 2e Entente du 20 janvier 2010, devant le danger comme co-propriétaires de la société d'État qu'est Hydro-Québec d'être placés devant un fait accompli, informés APRÈS la signature du contrat final, ceux qui posent des questions, ceux qui veulent comprendre le bien-fondé d'une telle démarche hors des affaires courantes doivent puiser dans leurs forces intérieures qu'on appelle "espoir" et "lumière au bout du tunnel". Ceci n'est pas la pensée magique parce que entre temps, nous nous débattons pour trouver la vérité. Le mépris de notre PM envers les voix qui s'élèvent, le silence de ceux qui savent et qui devraient parler au peuple par souci d'éthique humaine ne dureront pas toujours.
J'écoutais il y a un instant la chanson de Félix Leclerc intitulée "Richesses" dont voici quelques paroles:
"Cinquante ans de poussées et d'arrêts, je marche encore,
Moissonner pour les autres sans avoir droit au grain.
- - -
Pour la centième fois, ferons neuve chancon."
Amitiés. François A. Lachapelle
Archives de Vigile Répondre
7 mars 2010En effet, qui est derrière John James Charest ?
La rumeur populaire voudrait que Charest serait à la solde des Francs-Maçons ??? ou autres organisations occultes... pour être aussi puissant, aussi invulnérable, aussi irrespectueux et méprisant envers ceux qui l'ont élu.
Légende urbaine ? Qui sait ?
@ Richard Le Hir Répondre
6 mars 2010Excellente analyse.
Maintenant, il reste à découvrir à qui profite le crime.
Au Nouveau-Brunswick, suggérez-vous.
Il faudrait que la solidarité interprovinciale ait le dos très large, surtout lorsqu'on a à l'esprit le renouvellement du contrat de Churchill Falls et la possibilité de voir la clause de renouvellement automatique être annulée par les tribunaux.
Et pourquoi Jean Charest est-il prêt à courir le risque de voir Hydro-Québec assujettie à la compétence fédérale ?
Il y a une ombre malsaine qui plane au-dessus du Gouvernement du Québec, de celui du Nouveau-Brunswick, de la Caisse de dépôts et d'Hydro-Québec.
Richard Le Hir