Boisclair, allié des étudiants

La bataille s'engage contre le dégel des droits de scolarité

Université - démocratisation, gouvernance et financement


Le spectre du dégel des droits de scolarité crée des remous: alors que les étudiants crient à la désinformation et appellent à la mobilisation, le chef du Parti québécois (PQ), André Boisclair, a accusé le premier ministre Jean Charest d'avoir commis son «premier mensonge de la campagne électorale» autour de cette chatouilleuse question. «Il nous a indiqué que, pour chaque dollar qu'il allait chercher dans la poche des étudiants, il allait augmenter la contribution du gouvernement du Québec de 10 $», a indiqué M. Boisclair hier, épaulé de certains membres du caucus de son parti. «Cette information est fausse, non fondée et l'augmentation demandée de 30 % des droits de scolarité aux étudiants québécois n'est pas justifiée.»
Le chef du PQ réagissait aux engagements électoraux du Parti libéral du Québec (PLQ) en matière d'éducation postsecondaire, dévoilés vendredi dernier. La plate-forme libérale prévoit le dégel des droits dans les universités à raison de 50 $ par session, sur un horizon de cinq ans. Les 1668 $ payés actuellement par année passeraient alors à 2168 $ en 2012, ce qui correspond à un montant de quelque 95 millions au total.
Le «mensonge» de Jean Charest serait de promettre un milliard de réinvestissement dans les universités d'ici à 2012 pour couvrir en grande partie ce que l'on appelle les coûts de système, soit la hausse des salaires, l'augmentation des clientèles ou les coûts de chauffage. «Je ne comprends pas pourquoi, en tout début de campagne, M. Charest n'a pas le courage de dire les choses comme elles sont», a indiqué M. Boisclair. «Sur son milliard d'argent neuf, ce sont 800 millions qui serviront à financer les coûts de système, ce qui laisse environ 200 millions d'argent neuf pour le réseau des cégeps et des universités», a-t-il ajouté, taxant le gouvernement libéral de faire de la «fausse représentation».
Le ministre de l'Éducation, Jean-Marc Fournier, a été littéralement piqué au vif par les propos d'André Boisclair. «Permettez-moi de vous dire combien j'ai trouvé insultant de voir André Boisclair nous dire que les coûts du système, ça ne compte pas», a dit M. Fournier hier soir lors de l'investiture de Denise Dussault pour le Parti libéral du Québec dans la circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques. «Je m'excuse, mais les coûts de système, si tu ne les paies pas, c'est des coupures dans les universités et les collèges!»
M. Fournier a accusé le PQ de ne pas avoir payé ses coûts si chers au réseau postsecondaire entre 1994 et 2002. «Le mensonge, c'est celui qui l'a prononcé qui le fait.»
La promesse d'un dégel a aussi dérangé les membres de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSE), qui ont résolu cette fin de semaine de viser la «grève générale illimitée dès qu'il y aurait dégel des droits de scolarité», comme l'a indiqué hier Jaouad Laaroussi, porte-parole de l'ASSE.
Les membres de l'ASSE, qui militent pour la gratuité scolaire, ne promettent toutefois pas la grève pendant la campagne, mais plutôt «une série d'actions locales», du 19 au 23 mars. Une dizaine d'associations ont déjà obtenu des mandats de principe de grève, et tiendront des assemblées générales au cours du mois de mars. L'ASSE regroupe quelque 42 000 étudiants dispersés dans les campus universitaires et collégiaux.
«On ne pense pas que les changements pour améliorer l'éducation vont simplement passer par les urnes, mais ça va passer par la rue aussi», a affirmé M. Laaroussi. «C'est par des mobilisations populaires qu'on va réussir à faire bouger les choses. [...] On ne veut pas juste demander le gel et la gratuité scolaire, ni parler des partis politiques en termes de pire et de moins pire.»
Chaque association sera maîtresse du type d'actions de sensibilisation qu'elle choisira. «Certaines iront vers des actions plus artistiques et symboliques, mais d'autres choisiront plutôt des actions plus percutantes et perturbatrices pour montrer que les étudiants et étudiantes sont en colère», a ajouté le porte-parole de l'ASSE.
La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) compte quant à elle axer toute sa campagne autour de la proposition du PLQ de dégeler les droits de scolarité des étudiants. La FEUQ promet d'abord de rectifier «la désinformation» effectuée par le parti de Jean Charest pour «sensibiliser et mobiliser les étudiants», et puis d'effectuer des «actions ciblées dans les comtés».
La promesse d'un milliard pour l'éducation postsecondaire n'assurera pas le développement dans les universités et les cégeps. «On couvre les coûts de chauffage, les renouvellements de convention collective, les hausses de salaire, mais on ne fait pas de nouveau développement», déplore Christian Bélair, président de la FEUQ. «C'est du statu quo, c'est du vent, pas du réinvestissement.»
En plus des campus, la population générale aussi est ciblée par le mouvement de sensibilisation de la FEUQ. «Nous viserons les centres commerciaux et les foyers de personnes âgées», a indiqué M. Bélair. Toutes les actions seront «très locales et ciblées» et la FEUQ promet aussi d'assurer une présence autour des bureaux de comté des députés, ciblant particulièrement les zones les plus chaudes.
Quant à la question de la grève, déjà évoquée par l'ASSE, la FEUQ n'en est pas là. «La grève générale est un moyen parmi tant d'autres, et dans la gradation des moyens de pression, c'est le moyen ultime», a commenté Christian Bélair. «On n'en est pas là. On est en début de campagne.»
Notons que le chef du PQ a précisé hier que son parti allait «proposer le maintien du gel des droits de scolarité», et la possibilité de «rouvrir, de façon intelligente le débat sur l'accessibilité aux études». Au printemps dernier, il évoquait aussi une perspective de «gratuité scolaire».
Les engagements de l'Action démocratique du Québec (ADQ) vont dans le sens d'une indexation des droits de scolarité. Seul le Parti libéral a chiffré le dégel, qui mettrait fin, selon ses souhaits, à un gel décrété en 1994.


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