Par Patrick Saint-Paul - Angela Merkel et Vladimir Poutine partagent la même préoccupation au sujet de la Syrie: tout faire pour éviter une intervention militaire. Pour le président russe, reçu à la chancellerie à Berlin vendredi avant de se rendre à Paris, il s'agit d'éviter de perdre pied chez son dernier partenaire stratégique au Proche-Orient. En première ligne sur ce dossier, la chancelière allemande ne veut pas se retrouver marginalisée, comme ce fut le cas en mars 2011 lorsqu'elle avait laissé la main à son ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle: sous son impulsion, Berlin s'était abstenu lors du vote de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU autorisant le recours à la force contre le régime libyen de Mouammar Kadhafi.
«Nous avons tous les deux exprimé notre conviction qu'il fallait trouver une solution politique» à la crise en Syrie, a déclaré la chancelière à l'issue de son entretien avec le président russe. «Le dernier massacre en date à Houla a démontré une fois de plus combien la situation humanitaire et des droits de l'homme était effroyable en Syrie», a ajouté Merkel jugeant quele plan Annan pouvait servir de «point de départ. Il faut tout faire au Conseil de sécurité de l'ONU pour que ce plan soit mis en œuvre». Excluant l'usage de la force, Poutine a insisté sur la nécessité «d'éviter une guerre civile en Syrie».
Les propos de François Hollande, qui n'a pas exclu, mardi soir, une intervention armée à condition qu'elle soit approuvée par une résolution du Conseil de sécurité, ont plongé Berlin en état de choc. En mars 2011, Merkel s'était retrouvée isolée sur la scène internationale en se rangeant dans le camp des abstentionnistes aux côtés de la Russie et de la Chine. Les ambitions diplomatiques de l'Allemagne avaient essuyé un sérieux coup de frein, alors que la première puissance économique européenne avait montré son manque de maturité sur les questions de politique étrangère en se désolidarisant de ses alliés historiques.
Merkel veut rester dans le jeu
Berlin, qui pensait au moins en avoir fini avec l'activisme diplomatique de Nicolas Sarkozy, redoute un nouveau «cavalier seul» de la France et peine à cacher son exaspération après la sortie du président français. «Du point de vue du gouvernement allemand, il n'y a pas de raison de spéculer sur des options militaires au sujet de la situation en Syrie», a tranché Guido Westerwelle. Les principaux partis politiques allemands, y compris les alliés sociaux-démocrates de François Hollande, veulent à tout prix éviter le recours à la force en Syrie.
Pour rester dans le jeu, Angela Merkel devra se montrer persuasive auprès de ses partenaires privilégiés à Moscou et Pékin, en les poussant à lâcher Bachar el-Assad. Si La Russie et la Chine persistent à bloquer toute sanction contre les autorités syriennes au Conseil de sécurité, l'influence de l'Allemagne sera de nouveau mise à mal. La chancelière espère que la légère inflexion dans le discours de Vladimir Poutine, vendredi à Berlin, sera un pas dans la bonne direction.
Débat à l'ONU sur le massacre de Houla
La haute-commissaire de l'ONU pour les Droits de l'homme, Navi Pillay, craint un «conflit total» en Syrie. Dans son discours d'ouverture d'une session spéciale du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, Mme Pillay a également estimé que le massacre de Houla (108 morts le 25 mai dont 49 enfants) «pourrait constituer un crime contre l'humanité». Le Conseil des droits de l'homme s'est réuni vendredi à Genève pour débattre d'une demande formulée par le Qatar, les États-Unis et la Turquie. Ces États souhaitent que la commission d'enquête internationale sur la Syrie, qui agit sous mandat du Conseil depuis août 2011, mène une «enquête spéciale» sur les événements de Houla. L'ambassadeur de Syrie à l'ONU, Fayçal Khabbaz Hamoui, a pour sa part accusé de 600 à 800 «terroristes» d'être responsables de la tuerie. Plusieurs personnalités ont partagé le pessimisme de Navi Pillay sur la suite du conflit. Pour le chef de la diplomatie britannique William Hague, qui s'est entretenu à Istanbul avec l'opposition syrienne et le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, la Syrie est «au bord d'une guerre civile totale» et doit appliquer le plan Annan. Sur le terrain, comme chaque vendredi, de nombreuses manifestations ont eu lieu. On dénombrait 13 victimes, dont plusieurs près de Damas, ou les forces gouvernementales ont tiré sur les manifestants qui protestaient contre le massacre de Houla.LIRE AUSSI:
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(Nombreux liens dans le texte original - Vigile)
Syrie
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