François Leduc - Le commissaire Michel Bastarache écarte d'emblée les allégations de pressions indues de Me Marc Bellemare quant à la nomination de certains juges, en imposant un fardeau de preuve «colossal» à son auteur, s'appuyant sur un critère propre à l'inconduite professionnelle.
Malgré tout, le commissaire s'est dit incapable d'aller au fond des choses en soulignant le fait que le gouvernement Charest s'est objecté à ce que la commission puisse examiner l'ensemble des dossiers de sélection des juges de 2000 à 2010 afin de déterminer, notamment, si les personnes ayant participé à un parti politique ou ayant contribué financièrement à un tel parti avaient mieux réussi que les autres.
Cette remarque préliminaire de première importance du commissaire Bastarache témoigne bien des contraintes excessives appliquées à son mandat déjà très étroit et de la volonté du premier ministre Charest d'occulter le plus possible le processus de nomination des juges, alors que l'enquête devait être transparente et pédagogique.
Malgré ces embûches, le commissaire Bastarache aura tout même paradoxalement jugé que «l'enquête aura révélé certains faits qui font état néanmoins d'interventions faites par certaines personnes au sujet de la nomination et de la promotion des juges de la Cour du Québec». Après s'être éloigné des allégations de Me Bellemare, le commissaire Bastarache s'en rapproche de manière surprenante. Cela l'amène à trancher qu'il est opportun de modifier le système de nomination des juges.
En raison du nécessaire dialogue entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire, plus particulièrement depuis l'adoption des chartes, en raison de l'évolution des principes et des valeurs liés à l'éthique, à la transparence et à la gouvernance, et compte tenu également de l'absence de norme claire au soutien des nominations, le commissaire déclare qu'il est temps de tracer des balises précises pour éviter que le pouvoir politique soit perméable aux interventions et aux influences de toutes sortes.
Le pouvoir exécutif
La principale prémisse de la commission repose sur le principe démocratique voulant que la nomination des juges relève du pouvoir politique, plus particulièrement du gouvernement, c'est-à-dire le pouvoir exécutif, et ce, au nom du principe selon lequel le gouvernement est ultimement imputable envers le parlement et la population.
Toutefois, la commission a emprunté un raccourci philosophique en écartant l'Assemblée nationale du processus de reddition de comptes ou de toute approbation des nominations. En effet, pourquoi faudrait-il que le Vérificateur général, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen, le président de la Commission des droits de la personne, le Commissaire au lobbyisme ou celui à l'éthique et finalement le président de l'Assemblée nationale, tous des représentants des institutions démocratiques les plus respectées, soient choisis par l'Assemblée nationale alors qu'il n'en serait rien pour les membres de l'appareil judiciaire?
L'approbation des choix du gouvernement par les deux tiers des membres de l'Assemblée nationale aurait le mérite de rassembler tous les partis autour de la sélection des juges et ainsi de rétablir de manière définitive la confiance du public dans l'institution fondamentale qu'est l'autorité judiciaire.
La commission invoque des questions d'efficacité et de flexibilité pour refuser un plus grand rôle à l'Assemblée nationale. Pourtant, le système canadien, québécois et même américain des relations du travail prévoit que les parties syndicales et patronales choisissent à l'unanimité l'arbitre qui tranchera un conflit, même les questions relatives aux chartes.
Il faut faire confiance au Parlement pour que celui-ci s'élève au-dessus des questions partisanes lorsque viendra le temps d'approuver la nomination d'un juge, nomination qui aura été précédée d'un processus transparent et rigoureux, comme le sont les nominations du Vérificateur général, du Protecteur du citoyen et du Directeur général des élections. En l'espèce, les recommandations de la commission Bastarache constituent un pas insuffisant dans la bonne direction.
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François Leduc
_ L'auteur est avocat en droit du travail.
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