Son budget taillé en pièces par les quotidiens de Quebecor

Bachand exige des excuses

Le ministre des Finances somme Pierre Karl Péladeau de corriger «un reportage qui fait honte à la profession»

Budget Québec 2010 - suites


Alexandre Shields - Le ministre des Finances exige des excuses de la part de Quebecor, après la publication d'une série d'articles qui prétendent que Raymond Bachand trompe la population lorsqu'il affirme qu'il fera 62 % des efforts nécessaires pour rétablir l'équilibre budgétaire. Un travail journalistique qu'il dit truffé d'erreurs «grossières» et basé sur les analyses erronées d'un «pseudo-spécialiste».
«C'est un reportage qui fait honte à la profession journalistique. Un reportage qui n'a pas pris la peine de valider auprès du ministre des Finances ni auprès du ministère des Finances. Un reportage qui s'appuie sur une personne qui se donne le titre de comptable agréé, ce qui est inexact, selon mes informations», a-t-il affirmé hier, visiblement irrité par les textes publiés sous le titre «Le bluff de Bachand». «Le 62 % de retour à l'équilibre budgétaire vient de la part du gouvernement, 31 % est demandé aux contribuables-citoyens et 7 % aux entreprises. Ces chiffres sont exacts, sont crédibles», a insisté le ministre.
Les textes en question, publiés depuis le début de la semaine, font plutôt valoir que le gouvernement surestime l'effort qu'il fera pour réduire le déficit, en plus de minimiser la part qui incombera aux contribuables. Tout au plus, l'État fournirait 56 % de l'effort. Selon Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec, le gouvernement sous-estime notamment les recettes tirées de la hausse de la TVQ. Faux, a répliqué M. Bachand. «Afin d'avoir un portrait fidèle de la réalité, il s'avère nécessaire de soustraire du rendement brut de la hausse de la TVQ les montants de crédits d'impôt versés aux personnes à faible revenu qui viennent réduire les revenus du gouvernement. Cette pratique est conforme aux règles comptables en vigueur», a-t-il expliqué.

Toujours selon les journaux de l'empire Quebecor, le gouvernement ne devrait pas inclure dans son «effort» les montants qui seront tirés de la lutte contre l'évasion fiscale, puisque celle-ci constituerait plutôt une ponction supplémentaire du côté des contribuables. Autre erreur, au dire du ministre. «C'est ceux qui sont les bandits, qu'ils soient corporatifs [sic], qu'ils soient individuels, ceux qui ne paient pas leur impôt qui vont payer, a-t-il fait valoir en conférence de presse. Pour faire ça, le gouvernement va faire un effort considérable, on va mettre une agence de revenus, on va engager des centaines de fonctionnaires de plus, on va faire une action particulière sur les restaurants, on va faire une action particulière dans la construction.»
Raymond Bachand estime donc que des excuses s'imposent de la part de ceux qui se permettent de «réécrire la comptabilité». «J'ai écrit une lettre à M. [Pierre Karl ] Péladeau. Je pense que, comme président d'une grande entreprise, il saura prendre les décisions qu'il doit prendre, et dans sa gestion en terme de l'entreprise [sic], et par rapport aux rectifications et aux excuses qui devraient se faire, parce que, quand on a des titres injurieux qui sont basés sur des prémisses fausses, l'éthique journalistique mérite qu'il y ait des corrections», a-t-il martelé.
«Le pouvoir de la presse, c'est important pour la démocratie, mais c'est important qu'il y ait un standard de qualité, a-t-il ajouté. On est descendu en bas de ça cette semaine.» Le ministre a toutefois précisé qu'il ne s'en prenait pas à l'ensemble de la rédaction du Journal de Montréal et du Journal de Québec. «Je ne plante pas un journal, je plante un reportage très précis qui est indigne de votre profession», a-t-il dit aux journalistes présents au point de presse.
Cependant, du côté du Journal de Montréal, il n'est pas question de s'amender, bien au contraire. Le Journal a révélé au grand jour «le grand bluff» du ministre des Finances et «maintient sa version des faits», a dit le rédacteur en chef Dany Doucet, joint par la Presse canadienne. Pour celui qui est à la tête d'une salle de rédaction qui fonctionne sans ses journalistes depuis un an et demi, M. Bachand se comporte d'une manière déplorable en s'en prenant au messager, Le Journal de Montréal.
La sortie en règle du ministre contre le travail journalistique d'un cadre du Journal est survenue alors qu'était publiée une étude du C.D. Howe Institute qui donne une bonne note au premier budget Bachand. Répétant que «les contribuables québécois sont parmi les plus fortement imposés au pays», l'auteur juge que «les mesures fiscales annoncées dans le dernier budget du Québec semblent parvenir à un compromis raisonnable entre la juste répartition de l'impôt et l'efficience économique».
Il s'oppose en outre à un scénario qui aurait permis de remplacer les hausses tarifaires et de taxation par une augmentation des impôts des mieux nantis. Un tel scénario n'a pourtant pas été évoqué, selon ce qu'a fait valoir un porte-parole de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques. Les groupes de gauche ont plutôt plaidé pour une augmentation du nombre de paliers d'imposition.
Soulignant que «le système fiscal québécois est largement progressif», l'auteur de l'étude du C.D. Howe admet par ailleurs que les mesures annoncées dans le dernier budget provincial auront pour effet d'«augmenter légèrement la contribution relative des moins nantis aux recettes fiscales totales et de réduire celle des plus riches».


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