Au Parlement de trancher

Contribuer financièrement à un parti politique ne disqualifie pas un avocat du privilège d'être nommé juge, estime le commissaire Michel Bastarache.

GESCA et les "affaires"



«Follow the money», disait Deepthroat, la source du Washington Post dans l'affaire du scandale du Watergate.
François Leduc - Bien malgré lui, le commissaire Bastarache a ouvert la voie à une profonde réflexion sur le processus de nomination des juges que peu de juristes se risquent à aborder malgré l'opportunité exceptionnelle actuellement offerte. L'affaire est très délicate, répète les personnes intéressées.
Le président de la commission a soutenu d'entrée de jeu, lors d'entrevues aux médias, que toute nomination judiciaire relève du politique au sens non partisan du terme et que contribuer financièrement à un parti politique ne disqualifiait pas un avocat du privilège d'être nommé juge.
Force est toutefois de constater qu'aujourd'hui, faire de la politique se limite souvent à collecter des fonds ou à émettre un chèque au parti pour éventuellement mieux se qualifier pour de généreux contrats gouvernementaux.
Cela a maintenant peu à voir avec l'engagement pour la chose publique ou la participation à la vie démocratique. Les convictions et les principes philosophiques sont maintenant largement marginalisés.
Cependant, si les énoncés de principes du commissaire Bastarache ont toujours un sens, il faut logiquement que le processus de nomination des juges soit tout aussi transparent que le sont la contribution financière à un parti politique et l'engagement politique. Autrement dit, la nomination des juges doit aussi avoir un certain caractère démocratique puisque ultimement, la nomination est nécessairement politique.
On ne peut à la fois consacrer la valeur de l'engagement politique et en même temps occulter le processus de nomination des juges en dissimulant celui-ci du regard des parlementaires.
En effet, pourquoi faudrait-il gommer le processus de sélection et de nomination des juges et le censurer du débat public alors que ceux qui y aspirent, adhéraient et soutenaient ouvertement les principes démocratiques avant leur nomination par leur participation à la vie politique soit par leur contribution financière ou leur réflexion intellectuelle. La transparence, la franchise et la clarté méritent d'être étroitement associées au processus de nomination des juges pour que l'indépendance de l'institution soit absolue et que la confiance du public envers celle-ci soit réhabilitée, aussi exigeant cela soit-il.
Pour ce faire, il faut s'inspirer du processus de nomination entourant la désignation de représentants d'institutions inébranlables telles que le Vérificateur général, le Directeur général des élections, le président de la Commission des droits de la personne, le président de l'Assemblée nationale et le Protecteur du citoyen.
Ces institutions, qui symbolisent au plus haut point le respect de nos valeurs fondamentales tant au plan démocratique qu'au plan politique, exigent que la nomination de leurs présidents respectifs fassent l'objet d'une approbation quasi unanime des membres de l'Assemblée nationale.
Si le pouvoir judiciaire doit être indépendant du pouvoir exécutif et législatif, ne devrait-on pas s'astreindre à conférer à la fonction judiciaire toute sa crédibilité et son autorité en améliorant le processus de nomination au point d'exiger que les nominations judiciaires fassent l'objet d'un large consensus parlementaire au même titre que d'autres institutions démocratiques, sans pour autant paralyser le système judiciaire?
Ne vaudrait-il pas la peine de viser l'excellence dans le choix des nominations judiciaires en s'assurant que les deux tiers de l'Assemblée nationale pour les tribunaux de nomination provinciale, ou de la Chambre des communes dans le cas des juges de nomination fédérale, approuvent la désignation des juges, reconnaissant ainsi que par cette quasi-unanimité, le pouvoir politique dans son ensemble témoigne de la compétence, de la probité et de la valeur des candidats retenus pour la magistrature?
L'indépendance et la crédibilité des tribunaux pourraient valoir ce prix à payer à la lumière des événements récents que les allégations en cause soient fondées ou non. Une plus grande transparence du processus et une plus grande adhésion de la société à l'institution judiciaire méritent que la réflexion s'oriente dans cette direction.
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François Leduc
L'auteur est un avocat de Québec spécialisé en droit du travail.


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