Depuis plus d’une semaine, mon syndicat d’enseignants, l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal, m’envoie des photos des membres du conseil d’administration. Ils se disent solidaires avec telle ou telle cause.
Dans la vraie vie, je me demande bien avec qui ils sont vraiment solidaires. Parce que bien qu’ils disent ne pas s’opposer à un retour, disons qu’ils font beaucoup pour que ça ne se passe pas rondement.
À preuve, mon syndicat, affilié à la Fédération autonome de l’enseignement, m’a envoyé mercredi dernier un courriel nous rappelant que les directions ne pouvaient nous obliger à nous rendre à l’école avant la date d’entrée des élèves à Montréal. Finalement, il a admis avoir fait une erreur et dit que nous pourrions être convoqués à nos lieux de travail. Toutefois, le simple fait de nous enjoindre à ne pas aller organiser nos classes en vue du retour est un non-sens. À moins qu’on ne veuille, rempli de mauvaise foi, critiquer par la suite la sécurité déficiente.
Ici, nous ne sommes assurément pas solidaires des élèves. Ceux qui vivent dans des familles où la vie n’est pas facile ou ceux qui n’ont pas le confinement bourgeois. Mais aussi tous les autres, parce qu’être en congé sans pouvoir rien faire, ça joue dans la tête des grands et des petits. Des enfants qui n’étaient pas à risque pourraient le devenir parce que les parents sont épuisés, en manque d’argent, déprimés.
Nous ne sommes pas non plus solidaires avec les parents de nos élèves qui ont perdu leur emploi et les autres travailleurs qui seront déconfinés. L’idée n’est pas d’être un service de garde pour la reprise de l’économie – les enfants auront toujours des apprentissages à faire et à consolider. Quand le déconfinement sera chose faite, les parents nouvellement chômeurs pourront chercher un nouveau travail sachant que leur enfant est en sécurité à l’école.
Nous ne sommes pas plus solidaires avec les travailleurs de l’alimentation et des services essentiels, qui n’ont jamais arrêté de travailler. Nous nous plaignons en encaissant notre plein salaire pour des prestations non seulement variables, mais qui ne totalisent jamais le nombre d’heures que nous faisons habituellement.
Nous voudrions être exemptés de travailler ou avoir des masques, des gants et tout le tralala alors que les éducatrices, en service de garde d’urgence pour la petite enfance notamment, n’en ont pas eu depuis le début de la crise. Même chose pour les gens qui travaillent dans les épiceries, qui côtoient des personnes beaucoup plus à risque que nos élèves.
OPPOSITION SYSTÉMATIQUE
Malheureusement, comme bien souvent, le syndicat des enseignants fait preuve de mauvaise foi. Il s’oppose systématiquement à tout ce qui est proposé, représentant ainsi une seule frange de la population enseignante. Ainsi, moi, qui paie près de 1000 $ par année à mon syndicat, je ne l’entends JAMAIS prendre une position qui me rejoigne.
Au fil des ans, j’en suis même venue à me dire que les syndicats en éducation sont responsables de plusieurs problèmes d’apprentissage et du décrochage des élèves.
En protégeant des enseignants qui ne sont pas compétents, dont certains qui tirent même des oreilles ou insultent des élèves. En s’opposant à la formation continue obligatoire et à la diffusion des façons de faire approuvées par la recherche, ce qui diminuerait le nombre d’élèves en difficulté. En critiquant le manque de services, notamment en orthopédagogie quand, dans la réalité, plusieurs enseignants ne veulent pas que les services dérangent leur horaire plus de deux fois par semaine et refusent que l’orthopédagogue vienne travailler dans la classe. Les recherches insistent pourtant sur la fréquence élevée et le fait que mieux vaut garder l’élève en difficulté en classe avec un soutien additionnel.
L’autonomie professionnelle est un paravent derrière lequel des gens peuvent perpétuer des façons de faire qui posent problème. Le syndicat et le gouvernement devraient encourager les enseignants qui désirent se réorienter à le faire. Un enseignant malheureux, ça ne peut pas donner des élèves heureux.
Pour la présente période très particulière, notre syndicat a été aussi intransigeant que d’habitude.
Il nous a répété ad nauseam que personne ne pouvait nous obliger à envoyer les trousses du ministère de l’Éducation ni à les modifier ou les bonifier. Personne ne pouvait nous obliger à contacter ou à appeler nos élèves.
Cette intransigeance ne nous a pas amenés à faire du vrai enseignement à distance comme en Ontario. Si nous l’avions fait, je suis certaine que le gouvernement n’aurait pas eu le même empressement à ouvrir les écoles. Là-dessus, le syndicat devrait se regarder dans le miroir.
Je dis à tout le monde que je vais croire au retour le jour où je serai debout dans ma classe et que je verrai les élèves y entrer. Je n’y crois pas tant ; j’ai l’impression que les syndicats d’enseignants essaient de faire dérailler le processus. Ils sont très, trop puissants.
Dans le cas d’un non-retour à l’école, je rirais dans ma barbe que le gouvernement utilise son décret concernant les enseignants. Une belle main-d’œuvre payée de toute façon à déployer dans les CHSLD, de soir, de fin de semaine et de nuit. J’espère que si c’est le cas, les représentants syndicaux qui auront si bien défendu nos droits auront la décence d’être à nos côtés.