Afghanistan : Des failles dans le contrôle des projets canadiens

Afghanistan - une guerre masquée



Kandahar - Sharif est débordé. Il travaille pour l'ACDI à Kandahar. Son boulot: vérifier les projets financés par le Canada.
Sa liste de projets à surveiller est vaste comme un océan, ses outils de travail minimalistes et son territoire immense - la province de Kandahar.
Il n'arrive pas au travail avec une liasse de documents, il n'a qu'un petit calepin sur lequel il griffonne des notes. Sharif est moniteur. Il a deux collègues qui font le même travail que lui. Tous Afghans. Chacun a une impressionnante liste de projets à vérifier.
L'ACDI se fie aux Afghans, car les civils canadiens ne peuvent sortir de la base militaire qu'accompagnés par des soldats. "L'arrivée d'une colonne de blindés risque de faire peur aux gens qui participent à un projet communautaire", explique la capitaine Johanne Blais.
Les soldats, eux, vérifient les projets d'infrastructure. Quand ils passent dans une région, ils jettent un oeil sur les travaux. Rien de très élaboré. Comme les moniteurs afghans. Le Canada investira 39 millions dans la province de Kandahar en 2007. Visiblement, les trois moniteurs et les soldats ne peuvent pas tout vérifier.
La plupart des projets canadiens sont réalisés en collaboration avec des organismes internationaux, ONU, Croix-Rouge, UNICEF Même si le Canada se fie à ses partenaires, l'ACDI effectue ses propres vérifications. Avec les moyens du bord.
Il a fallu que je torde le bras de l'ACDI pour qu'ils me laissent parler à un moniteur. Sharif était nerveux, il n'aime pas être vu avec une Occidentale.
"Quand les talibans apprennent que tu travailles avec des étrangers, tu es un homme mort", dit-il. Il n'a jamais reçu de menaces directes. Lorsqu'il quitte Kandahar pour visiter un projet, il le fait le plus discrètement possible. Il saute dans un taxi, arrive à l'improviste, reste quelques heures, puis retourne en ville sans traîner.
Il travaille pour l'ACDI depuis sept mois. Avant, il bossait pour le Programme alimentaire mondial de l'ONU (PAM). "Il y avait davantage de sécurité", dit-il.
Lorsque j'ai rencontré Sharif, il "vérifiait" une classe d'alphabétisation à Kandahar. Pas très sorcier. Il a d'abord examiné la liste des présences, puis il a demandé aux femmes si elles étaient satisfaites de leurs cours et si elles avaient reçu la nourriture du PAM. Certaines ont ensuite écrit leur nom au tableau, histoire de montrer qu'elles avaient fait des progrès.
Bref, une vérification sommaire et bon enfant, plus proche du service à la clientèle que de l'enquête fouillée.
L'ACDI finance 174 classes d'alphabétisation, en collaboration avec l'UNICEF et le PAM. Sharif n'en vérifie que quelques-unes, car en plus de l'alphabétisation, il doit surveiller neuf autres chaudrons: le programme de déminage, la campagne de vaccination contre la polio, celle contre le tétanos, la distribution de matériel aux réfugiés, l'hôpital de Kandahar, etc.
"Nous avons trop de responsabilités, admet timidement Sharif. On ne fait que des vérifications rapides."
"Nous tendons l'oreille", explique de son côté le patron de l'ACDI à Kandahar, Ron Schatz. Trois moniteurs ne suffisent pas à la tâche. Ron Schatz le reconnaît et souhaite embaucher davantage de personnel.


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