À propos de Jean-François Lisée et de l’éducation (6)

Débats Dubuc-Lisée 2011


Je suis entièrement d’accord avec la priorité accordée à l’éducation par Jean-François Lisée dans son livre Pour une gauche efficace. J’appuie avec enthousiasme son idée d’un chantier national de réduction de l’analphabétisme, de même que de faire une priorité absolue des services de garde pour les enfants pauvres. Je l’applaudis quand il écrit :

Aucune intervention sociale – je dis bien aucune – ne serait aussi rentable, humainement et économiquement, à court, moyen et long terme, que d’offrir aux quelques 120 000 enfants pauvres du Québec ce soutien direct, tangible, cette passerelle vers la qualité de vie.

Bien entendu, je partage ses préoccupations face au taux de décrochage des élèves québécois, particulièrement les garçons. Mais là où je ne le suis plus, c’est dans la solution envisagée. Il propose, dans le cadre d’une large décentralisation vers les établissements scolaires, une échelle de salaires différenciée pour les directeurs d’école et les enseignants liée à l’augmentation de la réussite de leurs élèves dans leurs secteurs d’enseignement, même s’il dit vouloir « garantir à tous les artisans actuels des écoles secondaires le maintien de l’emploi et de leurs conditions salariales ». Il écrit :
Diriger une école publique, primaire ou secondaire, disons à Outremont, devrait rapporter le salaire de base. On travaille dans la ouate. En diriger une à Hochelaga-Maisonneuve, Montréal-Nord, Côte-des-Neiges ou Saint-Martin-de-Beauce : 50% de plus.
À la fin de son mandat de cinq ans, le directeur a atteint l’objectif d’augmentation de la réussite de ses élèves, selon une formule à trouver, il pourra bonifier son revenu d’une autre tranche de 25%.
Le directeur choisira son équipe d’école. Puisqu’il sera dans une école en difficulté, il pourra recruter ceux qu’il juge les plus compétents, les plus audacieux, les plus efficaces, à une échelle salariale également bonifiée et également liée à l’augmentation de la réussite de leurs élèves dans leurs secteurs d’enseignement.
Les primes doivent être considérables. En France, une prime de 1 000 euros, soit 1 500 $ par an, n’a pas suffi à retenir les enseignants chevronnés dans les « zones d’éducation prioritaire ».

En appui à sa proposition, il cite Barack Obama qui écrivait dans L’audace d’espérer :
Il n’y a aucune raison pour qu’un enseignant d’expérience hautement qualifié et efficace ne puisse toucher 100 000 $ par an au sommet de sa carrière. Les enseignants spécialisés dans des domaines critiques comme les mathématiques et la science – et ceux qui sont partants pour enseigner dans les écoles urbaines les plus difficiles – devraient recevoir encore plus.


Jean-François Lisée se réclame également du programme No Child Left Behind mis en place par le président George W. Bush (avec l’appui, il est vrai, du sénateur Ted Kennedy et des démocrates).
L’application des lois du marché au réseau scolaire
Mais, alors que Jean-François Lisée attribue les insuccès du programme au refus du président Bush « de financer le programme à la hauteur des attentes », je partage plutôt la critique de ce programme et de toute l’approche américaine de Mme Diane Ravitch dans son livre The Death and Life of the Great American School System.
Rappelons d’abord les faits. La réforme en cours aux États-Unis vise à appliquer les lois du marché au système scolaire. Les écoles sont mises en concurrence les unes avec les autres, leurs performances respectives sont jugées par les résultats des élèves, soumis à de multiples tests d’évaluation, et les enseignants sont évalués sur la base des résultats de leurs élèves.
Les écoles non performantes sont fermées. Les enseignants jugés incompétents sont congédiés et il y a une volonté d’instaurer la paie au mérite pour ceux qui demeurent en poste. Cela s’accompagne d’un vaste mouvement visant à remplacer les écoles publiques par des écoles à charte, c’est-à-dire des écoles gérées par des organismes privées – à but lucratif ou non – mais financées à même des fonds publics.
Aux États-Unis, l’éducation relève de la compétence des États, mais le gouvernement fédéral utilise son pouvoir de dépenser pour imposer sa réforme. Si un État ne veut pas des tests d’évaluation nationaux, il se prive de fonds fédéraux.
Lancée par l’administration Bush, la campagne prend de l’ampleur sous l’administration Obama. Le phénomène des écoles à charte bénéficie présentement d’un battage publicitaire incroyable avec la diffusion du documentaire Waiting for Superman, produit par Davis Guggenheim, récipiendaire d’un Oscar en 2007 pour Une vérité qui dérange, un documentaire mettant en vedette Al Gore.
La critique d’une ancienne sous-ministre de l’Éducation
Poursuivant la critique entreprise dans son livre The Death and Life of the Great American School System, Mme Diane Ravitch a attaqué les fondements idéologiques du documentaire, mis en lumière ses omissions et mensonges dans un article publié dans la New York Review of Books du 11 novembre 2010 sous le titre éloquent de The Myth of Charter Schools.
Mme Ravitch a l’avantage d’avoir été sous-ministre de l’Éducation dans l’administration Bush et d’avoir eu la responsabilité de la mise en place du programme No Child Left Behind. Autrement dit, elle sait de quoi elle parle. Elle a appuyé le programme No Child Left Behind jusqu’au mois novembre 2006, alors qu’elle a pris connaissance d’études démontrant ses effets dévastateurs.
Mme Ravitch dénonce la fixation d’objectifs de performance – 100% d’élèves « compétents » en compréhension de textes et en mathématiques en 2014 – et l’obsession de l’évaluation qui en découle. Elle a constaté que, pour rencontrer les objectifs d’étapes – et éviter que leur école soit placée sous tutelle ou carrément fermée –, les enseignants concentrent tous leurs efforts dans la préparation de leurs élèves à ces tests. Les matières comme l’histoire, la géographie ou les sciences sont mises de côté et, si les élèves développent une habileté à répondre à des tests multi-choix, ils sont incapables de rédiger un court commentaire sur le texte qu’ils viennent de lire.
Dans ses écrit, Mme Ravitch est particulièrement virulente à l’égard des fondations – plus spécialement celle de Bill et Belinda Gates – qui font la promotion des écoles à charte et essaient d’orienter le système d’éducation en fonction des critères et de l’idéologie du milieu des affaires, sans être redevable à quiconque de leurs actions.
Elle explique l’adhésion de Barack Obama à cette philosophie par l’influence des fondations sur son administration. Son ministre de l’Éducation, Arne Duncan, a reçu, explique-t-elle, beaucoup d’argent des fondations lorsqu’il était superintendant des écoles publiques de Chicago. Il s’est adjoint comme chef de cabinet un haut dirigeant de la fondation de Bill Gates et a nommé un autre fonctionnaire de cette fondation pour chapeauter son programme de 650 millions de dollars Invest in What Works and Innovation Fund.
Mme Ravitch souligne que cela n’est pas étranger au fait que les fondations Gates et Broad ont injecté 60 millions de dollars pour faire de l’éducation un enjeu majeur de la campagne électorale américaine qui a conduit à l’élection de Barack Obama en faisant la promotion de la mise en place de standards nationaux et de la paie au mérite.
Dans l’article publié dans le New York Review of Books, Mme Ravitch passe au crible la « performance » des vedettes du film Waiting for Superman, et plus particulièrement de Mme Michelle Rhee qui s’est rendu célèbre aux États-Unis pour avoir fermé des dizaines d’écoles dans le District of Columbia et avoir licencié des centaines d’enseignantes et d’enseignants.
Stephen Goldsmith, l’ex-maire d’Indianapolis – dont nous avons parlé dans l’articleprécédent –, consacre un chapitre de son livre The Power of Social Innovation à monter en épingle les exploits de Mme Rhee. Mais les électeurs de Washington ont une autre opinion de son passage à l’éducation. En effet, Michelle Rhee a échoué dans sa tentative pour obtenir l’investiture démocrate pour un poste électif du District of Columbia lors des élections de mi-mandat, au terme d’une campagne électorale dans laquelle les syndicats d’enseignants ont investi un million de dollars pour sa défaite.
Mme Ravitch questionne l’avenir du système d’éducation américain avec la prolifération des écoles à charte. Elle se demande si les futures études ne « prouveront » pas le succès des écoles à charte et l’échec des écoles publiques, parce que celles-ci auront un nombre disproportionné de parents non motivés et d’élèves en difficulté. Précisons que la sélection des élèves aux écoles à charte s’effectue au moyen d’une loterie et qu’il a été prouvé que seuls les parents les plus motivés font les démarches nécessaires pour inscrire leur enfant à cette loterie.
Elle se demande si les écoles publiques américaines ne seront pas contraintes de créer leurs propres écoles sélectives pour retenir les élèves les plus motivés. « Plus il y aura d’écoles à charte, écrit-elle, plus le dilemme d’éduquer TOUS les élèves se posera. »
Quand les Etats-Unis « copient » le pire du modèle québécois
Mme Ravitch veut connaître l’avenir de la réforme du système américain? Elle n’a qu’à venir au Québec ! Au secondaire, plus de 20% des élèves fréquentent des écoles privées. Plus d’un tiers des élèves à Montréal. Les écoles publiques ont riposté au phénomène des écoles privées avec des écoles à projets particuliers, entre autres les écoles dites « internationales ».
Résultat? Les classes régulières des écoles publiques ont été écrémées de leurs meilleurs éléments et elles se retrouvent avec un nombre disproportionné d’élèves ayant des difficultés d’apprentissage ou des problèmes de comportement. La gestion de classe bouffe le temps d’enseignement. La réussite scolaire en souffre. Les élèves décrochent en grand nombre.
Cette déstructuration de notre réseau scolaire s’explique par le financement public des écoles privées à hauteur d’au moins 65%. Une politique qui n’existe pas, par exemple, en Ontario, où la grande majorité des élèves se retrouvent dans des high schools publics. À ce que je sache – mais je peux me tromper et j’aimerais me tromper – Jean-François Lisée ne s’est jamais prononcé pour la fin des subventions publiques aux écoles privées.
(Transparence totale : J’avais fait de cette condition mon ralliement à Mme Marois, lors de la course à la chefferie du Parti Québécois en 2005. La diminution substantielle des subventions publiques aux écoles privées faisait partie du programme adopté en 2005, mais les autres candidats évitaient soigneusement la question. Dans l’avant-dernier débat public – qui portait précisément sur l’éducation – le tirage au sort a fait que je me suis retrouvé en débat avec André Boisclair et Pauline Marois. À trois reprises, je leur ai demandé s’ils étaient d’accord avec le programme du parti sur la réduction des subventions aux écoles privées. À son habitude, André Boisclair s’est défilé mais, à la troisième occasion, Mme Marois a cédé. Elle s’est engagée, si elle était élue chef du parti, à appliquer le programme du parti. Avis aux indépendantistes « purs et durs » : on peut amener Mme Marois à changer d’opinion si on exerce suffisamment de pression et qu’elle y voit un intérêt politique!)
Une concession et la droite s’y engouffre
Jean-François Lisée nous rétorquera que son projet de paie au mérite est circonscrit aux quartiers pauvres et qu’il serait erroné d’en tirer des conclusions générales. On peut en douter. L’exemple de l’origine des écoles à charte est instructif à cet égard.
Mme Ravitch raconte que l’idée émane d’Albert Shanker, qui était alors président de l’American Federation of Teachers. En 1988, il avait formulé le projet qu’un groupe d’enseignants puisse, avec l’accord de leurs collègues, ouvrir une petite école spécialement conçue pour les décrocheurs. Une école qui travaillerait avec l’école publique pour motiver les décrocheurs potentiels avec des programmes spéciaux, différents du curriculum normal.
En 1993, lorsque M. Shanker a vu que des organismes à but lucratif et les fondations privés s’étaient emparés de son idée pour promouvoir leur programme de privatisation, il a condamné l’idée même d’école à charte.
Dans le contexte politique actuel où la droite domine de façon outrageante, toute concession, toute ouverture peut s’avérer désastreuse. En voici un autre exemple.
Lorsque la Cour suprême a rendu son jugement dans l’affaire Chaoulli, une assemblée publique s’était tenue à l’UQAM avec la juriste Marie-Claude Prémont et le ministre de la Santé Philippe Couillard.
Les deux juraient que l’arrêt de la Cour suprême ne pouvait être interprété que de façon restrictive, c’est-à-dire que seules trois opérations – cataractes, hanches et genoux – pourraient s’effectuer en clinique privée. Mme Prémont était sans doute de bonne foi, mais le ministre Couillard ne l’était pas. Quelques années plus tard, tout juste avant de quitter son ministère pour le secteur privé, il a élargi la liste à 50 opérations!
J’ai soutenu, lorsque la Cour suprême a rendu son jugement, que le Parti Québécois et les organisations syndicales et populaires devaient faire pression sur le gouvernement pour qu’il ait recours à la clause nonobstant afin de soustraire le Québec à l’arrêt Chaoulli et empêcher ainsi la prolifération des cliniques privées. Les faits m’ont donné raison.
Des « contrats de performance » pour nos écoles
Si les États-Unis « copient », avec l’implantation des écoles à charte, notre réseau d’écoles privées, cela n’empêche malheureusement pas notre ministère de l’Éducation d’importer les autres volets de la réforme américaine.
Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs à Québec veulent imposer aux commissions scolaires des obligations de résultats chiffrables (les fameux contrats de performance de François Legault dont Jean-François Lisée est si entiché).
Un pas important dans cette direction a été franchi récemment avec la loi 88 qui apporte d’importantes modifications à la Loi de l’instruction publique. Il y est stipulé que les commissions scolaires doivent signer avec le ministère des « conventions de partenariat » qui prévoient « des orientations, des buts fixés et des objectifs mesurables ». Ces objectifs sont des taux de diplomation à atteindre.
Par la suite, chaque établissement devra signer avec la commission scolaire un contrat annuel dans le but de contribuer à l’atteinte des buts fixés et des objectifs mesurables établis par cette convention de partenariat. Qu’arrivera-t-il si des établissements n’atteignent pas les buts visés? Ce n’est pas encore clair. Mais l’exemple de ce qui se vit aux États-Unis – d’où ce modèle éducatif est importé – nous permet d’entrevoir la suite des choses : écoles en tutelle ou fermées, paie au mérite, licenciements de profs.
Relativiser l’importance du rôle des enseignants
Que faire alors? Il faut d’abord, bien entendu, supprimer les subventions publiques aux écoles privées, ce qui aura pour effet de ramener les bons élèves dans le secteur public.
Deuxièmement, il faut, nous dit Mme Ravitch, relativiser l’importance du rôle des enseignants. Le modèle américain fait complètement abstraction des conditions socio-économiques des élèves, de la présence ou non de leurs parents, des difficultés rencontrées par les élèves dont l’anglais (le français dans notre cas) n’est pas la langue maternelle.
Selon différentes études auxquelles elle se réfère, bien que le rôle de l’enseignant soit évidemment crucial au sein de l’école, son impact général sur la réussite de l’élève est évalué entre 10% et 20%. Dans ces conditions, il est fortement biaisé que l’étalon de mesure de la performance d’un prof soit la réussite de ses élèves.
Malheureusement, l’orientation actuelle aux États-Unis n’est pas prête de changer. Le New York Times nous apprend, dans son édition du 4 décembre 2010, que la fondation de Bill Gates entend verser 335 millions $ (une somme énorme !) pour financer des recherches afin de produire des outils pour une meilleure évaluation des enseignants. Le journal souligne que vingt États sont déjà en train de réévaluer leurs systèmes d’évaluation des enseignants pour se conformer aux programmes de subventions de 4 milliards $ du gouvernement fédéral.
Un des moyens retenus sera de filmer les profs pendant leurs cours. Les firmes qui vendent des caméras, des logiciels et d’autres services reliés à ce programme salivent déjà. L’une d’entre elles, Teachscape, évalue à 1,5 million $ le coût pour un district de 140 écoles et 7 000 enseignants l’achat d’une caméra par école et du logiciel nécessaire pour filmer les profs à l’œuvre dans leur classe.
Bill Gates, ministre de l’Éducation de facto
Dans The Death and Life of the Great American School System, Mme Ravitch n’est pas tendre pour Bill Gates et ses interventions dans le système d’éducation américain. Elle rappelle qu’il avait identifié au départ la taille des écoles comme le problème à corriger. Les subventions de sa fondation étaient alors conditionnelles au fractionnement des grands établissements.
Entre 2000 et 2008, la Bill & Belinda Gates Foundation a investi 2 milliards dans sa campagne pour restructurer le réseau des high schools américains. Plus de 2 600 écoles dans 46 États ont été touchées. Mais la fondation n’avait pas conscience des désavantages d’écoles plus petites : moins de possibilité de cours avancés en mathématiques et en sciences; une plus petite palette d’activités parascolaires; des ressources raréfiées pour les élèves en difficulté.
Pour de nombreux étudiants, ces écoles ne correspondaient pas à un progrès, mais plutôt un retour à l’école de milieu rural. Bien entendu, les relations sociales étaient plus serrées, mais les possibilités purement scolaires réduites.
En 2008, Bill Gates a finalement reconnu que son investissement de 2 milliards $ dans de plus petites écoles n’avait pas eu le succès escompté. Il a alors identifié une autre cause aux insuccès scolaires des élèves américains : les profs ! D’où son programme actuel !
Au Québec, les fondations ne jouent pas un rôle aussi crucial, mais il faut avoir à l’œil la Fondation Chagnon qui multiplie les partenariats avec le gouvernement Charest et qui vient d’annoncer qu’elle va désormais concentrer son action sur l’éducation.
Deux approches : la social-démocratie et celle de la gauche autoproclamée « efficace »
Alors, plutôt que de suivre les traces de l’administration américaine et de Bill Gates – comme Jean-François Lisée nous y invite avec ses primes monétaires pour les directeurs d’écoles et les profs dans les quartiers défavorisés – nous serions mieux avisés de tenir compte de l’importance relative du rôle du prof. Il vaudrait mieux investir pour former des profs à la culture particulière de ces milieux défavorisés et les assister par une batterie de services sociaux.
Mme Diane Ravitch signale dans sa critique du documentaire Waiting for Superman que le réalisateur compare toujours les résultats désastreux du système d’éducation américain avec les résultats scolaires des enfants finlandais – au premier rang du palmarès mondial –, mais sans jamais mentionner les caractéristiques de ce système.
Quelles sont donc les caractéristiques de ce système où le taux de décrochage n’est que de 1%?
La première caractéristique est l’absence d’écoles privées. Elles ont été abolies au début des années 1970 alors que le pays avait un taux de décrochage de 30%.
Puis, on a supprimé les évaluations à répétition. Il n’y a pas de bulletin chiffré avant la cinquième année. Il n’y a pas de redoublement. Chaque élève a ses propres objectifs d’apprentissage et l’enseignant ou l’enseignante va suivre le même groupe d’élèves pendant plusieurs années, ce qui lui permet de bien identifier les forces et les faiblesses de chacun. Les élèves qui ont des difficultés vont faire l’objet d’une attention particulière de la part de l’enseignant et d’une série d’intervenants.
Pour qu’ils aient confiance en eux, on insiste sur ce que les élèves savent et non sur ce qu’ils ne savent pas. Si un enfant n’a pas terminé un examen, il peut le continuer le lendemain. On invite les élèves à s’auto-évaluer pour savoir s’ils ont appris quelque chose. Aucune importance n’est accordée à se comparer aux autres.
Les écoles ont bien sûr une obligation de résultats et des indicateurs permettent de mesurer leurs performances. Mais il n’y a pas de classements des écoles et pas de comparaison entre elles.
Que dire maintenant des profs ? Sont-ils payés au mérite? Gagnent-ils le 100 000 $ que promet Obama aux bons profs?
Pas du tout. La profession enseignante est moins bien rémunérée qu’au Québec. Le salaire moyen est d’à peine 30 000 à 35 000 $ par année. Mais la profession est extrêmement valorisée. En Finlande, le personnel enseignant bénéficie historiquement d’un statut privilégié. On fait la queue pour devenir prof et on ne choisit que les meilleurs candidats. À chaque année, à peine un dixième des candidates et des candidats sont sélectionnés à l’École normale.
On est exigeant à l’égard des profs, mais on cherche aussi à leur rendre la vie plus facile. Par exemple, la tâche n’est pas fragmentée et les enseignants sont embauchés à temps complet pour enseigner la matière pour laquelle ils ont été formés. On ne demandera pas non plus à un nouvel enseignant de s’occuper d’une classe difficile. On la confiera plutôt à un prof d’expérience.
En fait, nous avons affaire à deux approches : l’approche américaine néolibérale, basée sur l’application du modèle des affaires au réseau scolaire avec ses incitatifs fiscaux – qui est celle finalement de la gauche autoproclamée « efficace » de Jean-François Lisée – et l’approche social-démocrate, fondée sur l’importance des conditions socio-économiques dans l’explication des succès ou des insuccès des élèves, la mixité des élèves dans un seule réseau public, l’émulation plutôt que la compétition et la valorisation de la profession enseignante.
Note
Nous avons produit un carnet de l’aut’journal, intitulé Le virage américain, avec une série d’articles qui sont un compte-rendu des critiques formulées par Mme Ravitch dans son livre et son article de la NYRB. Les articles sont aussi disponibles dans un dossier accessible sur notre site Internet.
Jeudi : À propos de Jean-François Lisée et les gains de productivité


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