Ô stupeur, ô merveille de la liberté de l’info, les médias des « grandes démocraties » occidentales viennent de découvrir un sujet susceptible d’activer la compassion de nos chaumières, de nos salons et des milieux où l’on pense bien : après une enquête il faut croire très difficile et une traque harassante puisqu’elle aura demandé presque sept années, les investigateurs des chaines de TV « internationales », de concert avec de « grandes ONG » non moins « internationales », ont débusqué des marchés d’esclaves, en plein vingt-et-unième siècle…
Il est vrai que les esclavagistes, vendeurs comme acheteurs, ne sont pas de chez nous, et que les esclaves en promotion pour quelques centaines de dollars pièce viennent du Niger, du Nigéria, du Mali, de Côte d’Ivoire et de Afrique subsaharienne (comme on dit). Il n’y a apparemment pas de français, ni parmi les victimes, ni parmi les coupables. Il est vrai également que l’histoire se passe en Libye, un pays où l’on s’était habitué aux « foucades » du Guide et aux étrangetés de sa Jamahiriya, ce qui aurait pu tout expliquer jadis… L’ennui, - nos gens d’écrans, de micros et de gazettes ne le savent peut-être pas ou l’ont oublié – c’est qu’il n’y a plus d’Etat libyen et que nos pays sont directement responsables de sa disparition et du « chaos constructeur » qui l’a détruit, sans oublier l’assassinat du Colonel rebelle qui défiait l’Occident : c’est si loin tout ça, il y a sept ans déjà, et hors de nos eaux territoriales. Les dirigeants de l’Axe du Bien s’étaient pourtant mis en quatre pour le peuple libyen et ses révolutionnaires primesautiers, à coups de bombardements humanitaires, de destruction des installations militaires et civiles, saisissant au passage « les milliards de Kadhafi » pour l’empêcher de massacrer son peuple. Que de chagrin pour nos intellectuels ou dirigeants qui se disaient « fiers du bilan de la France en Libye… ».
« Vous mélangez tout », « je ne comprends pas » me diront nos propagandistes et inconditionnels de la doxa. Ils ont raison : la vente
d’esclaves, ce n’est pas pareil. Et puis au moins nos médias auront fini par révéler ce que toute personne normalement constituée et normalement intelligente pouvait savoir. Il suffisait de lire ou d’écouter : écouter « des complotistes » ? Vous n’y pensez pas, s’excuseront beaucoup d’entre eux afin de continuer à être admis au club des faussaires. Nous, les vrais de vrais, nous avons confiance dans la presse de notre pays…
Ne faisons pas trop la fine bouche, malgré notre indignation devant l’hypocrisie, le cynisme et la lâcheté. Réjouissons-nous de ce réveil presque posthume. La grande mobilisation dans le landernau des chaînes de news concernera-t-elle bientôt les ventes d’esclaves à Raqqah en Syrie, sous l’égide de Da’esh, protégé par nos amis américains et islamistes turcs ou arabes ? Dénoncera-t-on l’exfiltration de terroristes de l’« organisation Etat Islamique » au vu et au su de la « coalition internationale » et de ses protégés ? Ou les destructions meurtrières provoquées par les bombardements de la même « coalition » sur Raqqah et Mossoul en Irak ? Il serait enfin urgent de lever l’omerta sur le martyre du peuple du Yémen où toutes les infrastructures ont été détruites et où les Saoudiens et leurs alliés s’acharnent sur tout ce qui bouge, les Yéménites étant exposés aux bombes, à la faim et au choléra, dans un silence sidéral de la « communauté internationale ».
Allez, hommes et femmes de l’info, de la politique et de la pensée, ouvrez les yeux, débouchez-vous les oreilles, remuez un peu vos méninges, pour dire enfin la vérité sur ces entreprises de mort avant qu’elles ne débouchent sur une issue que vous ne prévoyiez peut-être pas. Dans le désastre médiatique, intellectuel et politique, sauvez au moins les meubles et ce qui reste d’honneur à nos pays. Ou bientôt vous ne pourrez vraiment plus vous regarder dans le miroir...