Interdire de brûler des drapeaux nationaux ? Cela aurait pu rester une proposition anecdotique ou banale mais la réaction de la gauche berlinoise en dit long sur ses accointances avec l’islam politique.
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Retour en arrière : en décembre 2017, des manifestations hostiles à Israël éclatent suite à la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme la capitale de l’État hébreu et de déménager en conséquence l’ambassade américaine dans la ville sainte (ce en quoi il ne faisait d’ailleurs qu’appliquer une loi de 1995 dont la mise en œuvre fut sans cesse repoussée). Rapidement, certains groupes de manifestants se montrent violents. Une image choque en particulier le pays : celle de drapeaux israéliens mis à feu et piétinés par ces manifestants (la plupart issus de la communauté musulmane), et ce en plein quartier de la porte du Brandebourg.
Ces vidéos provoqueront un véritable tollé en Allemagne, d’une part pour des raisons historiques évidentes, mais également pour les condamnations timides, voire inexistantes, d’une partie de la gauche, qui dévoilèrent au grand jour leur jeu dangereux avec l’islam politique. Pourtant, ces provocations ne sont pas nouvelles : depuis plusieurs décennies déjà, la « journée mondiale d’Al-Quds »(1) est un défouloir pour les islamistes de tout poil, à Berlin comme ailleurs. Un phénomène qui a fait couler beaucoup d’encre, et notamment celle de l’éditorialiste du Zeit Robert Leicht, qui se désolait avec effroi des mesures de sécurité imposantes devenues des images du quotidien autour des lieux de culte juif et des mémoriaux de la Shoah.
Une proposition de loi rejetée par la coalition « rouge-rouge-vert »
Peu de temps après les manifestations de décembre 2017, plusieurs partis (notamment l’AfD et le FDP) ont soutenu la proposition de loi avancée par la CDU locale devant la chambre des députés de la ville-Land de Berlin visant à modifier l’article 104 du code pénal allemand afin d’élargir la pénalisation des outrages au drapeau et d’inscrire dans la loi les drapeaux nationaux brûlés en public, notamment lors de manifestations. Ce qui paraissait comme une mesure unanime et de bon sens s’est heurté au refus, il y a quelques jours, de la majorité berlinoise depuis 2016, la coalition « rouge-rouge-vert » (tout un programme…), nommée ainsi car elle rassemble la gauche radicale du parti Die Linke, le parti socialiste allemand (SPD) et les Verts (die Grünen).
La coalition a justifié son vote en se contorsionnant autour d’arguments juridiques bancals et d’explications floues, et retardant le processus par la commande d’un rapport sur l’état existant du droit. La vérité ne serait-elle pas qu’elle craint de braquer une partie de son électorat et ses soutiens ?
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Gauche radicale allemande et islam politique: des liens qui ne datent pas d’hier
Car une partie de la gauche allemande a en réalité entretenu de longue date des liens avec l’antisionisme, voire l’islam politique.
La RDA socialo-communiste en son temps soutenait les pays arabes contre Israël à chaque conflit dans la région. De même, les groupes terroristes armés d’inspiration marxiste-léniniste, telle la Fraction Armée rouge, entretenaient des liens étroits avec le Fatah, et certains de ses membres se rendaient dans des camps d’entrainement en Jordanie, comme le rappelait récemment la journaliste Birgit Gärtner pour le think tank autrichien Mena Watch. Gärtner rappelle également que plus récemment, l’avocat Hans-Eberhard Schultz, proche de la gauche altermondialiste, représenta à plusieurs reprises des islamistes dont la manifestation avait annulée par les autorités pour cause de trouble à l’ordre public (et notamment le salafiste Ibrahim Abou-Nagie, proche du Hamas). Et de citer la tribune au vitriol, en 2014, de l’écrivain Maxim Biller qui dénonçait ouvertement l’antisémitisme de gauche, auréolé d’un antisionisme bon ton, engendré selon lui par les dérives intellectuelles d’une partie de la mouvance soixante-huitarde. Un texte d’une très grande puissance qui résonne quelques années plus tard comme un véritable manifeste.
On se souvient que Joschka Fischer, figure de proue des Verts et ancien ministre, dénonçait les dérives antisémites et d’Israël bashing compulsif de certains membres de son propre parti, ce qui ne lui valut pas que des amis. De la même manière, Gregor Gysi, député et membre du parti Die Linke, fut bien isolé quand il s’agissait de dénoncer les positions nébuleuses de ses collègues députés (comme Annette Groth et Inge Höger, dont les sympathies sont plus que douteuses). Il fut pris à partie dans le pathétique et navrant Toiletgate(2).
Rappelons ici également le sort qui fut réservé à Claude Lanzmann à Hambourg en 2009 lors de la projection de son film Pourquoi Israël. L’équipe du film fut accueillie par quelques dizaines d’activistes d’extrême gauche débitant des salves d’insultes antisémites et homophobes. La projection avait dû être annulée. Un fait qui a peu marqué la presse à l’époque, y compris outre-Rhin.
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Et les exemples plus récents ne manquent pas. À de nombreuses reprises, des membres ou sympathisants du parti Die Linke ont ainsi soutenu des manifestations et appels au boycott émanant d’associations notoirement islamistes, par exemple suite à la tenue à Francfort d’un simple débat sur le voile, organisé au sein de l’université Johann Wolfgang Goethe il y a quelques mois.
Suite au fiasco de la chambre des députés de Berlin sur les outrages au drapeau, la CDU a repris le sujet en main au Bundestag et il semblerait que la modification de l’article 104 du code pénal ait au final bien lieu. Affaire à suivre, donc. Mais cet épisode a une nouvelle fois montré l’ambivalence d’une parte de la gauche allemande, qui n’a décidément rien à envier à ses homologues de La France Insoumise.