4 Mars 1681 Fondation de la Pennsylvanie

Chronique de Marie-Hélène Morot-Sir


Ce jour-là, le roi d'Angleterre Charles II Stuart accepte enfin, de donner à William Penn, un territoire vierge en Amérique du Nord, en échange d'une grosse somme d'argent avancée par son père à la Couronne britannique, somme qui s'élève environ entre 12.000 et 16.000 livres selon les différents documents parvenus jusqu'à nous..
William a alors près de la quarantaine, cela fait plusieurs années que son père est décédé, il a hérité de sa fortune et il désire s'installer sur ce nouveau continent, en attendant le bon vouloir du roi .. Comme un grand nombre de gens, il a un très beau rêve à réaliser, sauf qu'il a la chance de possèder une vraie grosse fortune, laissée par son père. En attendant cette décision du roi, qui, il faut bien le reconnaître, tarde à venir, il passe plusieurs années de 1671 à 1677 avec l'aide de personnes recrutées, pour rechercher tous ceux qui seraient prêts à immigrer, afin de venir avec lui monter son fabuleux projet. Pourtant William Penn va devoir patienter dix longues années, avant que le roi donne son accord et que cela puisse se réaliser... jusqu'à ce 4 mars 1681 !
Depuis longtemps déjà, il fait partie d'un mouvement religieux protestant, appelé " la societé des amis" mieux connu sous le nom curieux de "Quaker" parce que les pratiquants présentaient des gestes saccadés au cours de leurs prières, comme des sortes de transes ..( verbe anglais to Quake = trembler ) .
Les personnes de cette societé protestante acceptent avec enthousiasme de traverser l'Atlantique, pour aller peupler ce nouveau territoire, situé entre la colonie anglaise de New York au Nord et celle de la Virginie au Sud, que William Penn a dans l'idée de transformer en un véritable abri, pour tous ceux qui sont persécutés pour leur religion ..
William Penn, malgré que cette terre soit légalement à lui maintenant, avant de s'y installer, la rachète aux Amérindiens qui l'occupent alors, principalement la tribu Delaware et il passe des accords de paix avec leur chef Tammany, afin de vivre en totale et complète harmonie . William ne restera lui-même que très peu d'années dans ce nouveau pays couvert de magnifiques forêts, qui va désormais porter son nom, il s'appellera la forêt de Penn soit la Pennsylvanie ! Il y instaure un code de loi exemplaire, basé sur les droits de la démocratie, un droit de vote pour tous, la liberté religieuse, interdiction de l'esclavage sur ce territoire, mais aussi de la peine de mort , il veut que ce pays devienne un endroit de paix unique, et en particulier un îlot de tolérance religieuse..
Pourtant, par la suite, plus de 125.000 Luthériens allemands arrivent aussi, des baptistes allemands, irlandais et gallois également. Les marchands allemands remplissent des bateaux complets, l'immigration est importante mais ces nouvelles personnes ne partagent absolument pas les idées pacifiques de W. Penn et de ses adeptes de "la societé des amis". Dés leur arrivée ils n'acceptent pas de payer la terre qu'ils vont occuper aux Amérindiens. ils n'en ont ni les mêmes scrupules ni non plus les moyens ! Mais ils se placeront vite en victimes lorsqu'à cause de leur attitude d'occupants illégaux et indélicats, ils seront attaqués par ces même Amérindiens qui ne feront pourtant que revendiquer leurs propres terres..
Ces terres dont les anglophones s'emparent à cette époque, sur ce continent américain, vont être construites et édifiées selon leur propre goût, en forme de plan avec une tendance générale en carré, les villages ou les villes ou même leurs champs ressemblent à des formes en damier. Ils acceptent tous ceux qui sont jugés compatibles avec leurs propres idées, mais par contre les autres peuples à l'opposé de ce qu'ils sont, n'existent simplement pas à leurs yeux ou pire sont traités en gêneurs et écartés.. Tels bien évidemment tous les Amérindiens qui se révélent des gêneurs excessifs, puisqu'ils osent s'opposer à ces nouveaux arrivants qui leur prenent leurs terres, et bien évidemment avec eux les Français qui les soutiennent de leur indéfectible amitié, ne les ayant jamais délogés eux-mêmes, mais au contraire, ayant cohabité avec eux... Par conséquent les Français sont perçus de la même façon que les autochtones.
Dommage vraiment pour le beau rêve de Penn, ceux qui étaient de son avis pour créer ce pays rêvé, n'étaient pas majoritaires , ils ont rapidement été submergés par les marchands allemands et leurs énormes intérêts commerciaux. Mais, d'autre part, s'ils avaient été majoritaires et s'ils étaient arrivés à prendre le pouvoir pour faire émerger les idées généreuses de Penn , est-ce que les autres colonies anglaises dont ils étaient entourés, ne les auraient pas dans ce cas, attaqués pour les éradiquer, afin que leurs idées trop égalitaires ne s'étendent pas ?...
Avant de terminer ce rapide tour d'Histoire, il faut rajouter que W. Penn avait fondé dès 1682 la petite ville de Philadelphie, au joli nom de " ville de l'amour fraternel "où s'installera le Congrés, et deux choses particulièrement importantes y seront votées :
La déclaration d'Indépendance des nouveaux états unis d'Amérique le 4 juillet 1776 et la déclaration des droits en 1790 déterminant les dix premiers amendements de la Constitution américaine.
Il est passionnant de savoir que ce nom de Philadelphie n'avair pas été inventé par William Penn, une ville d'Anatolie avait déjà porté ce nom, donné par le roi Eumène II pour son frère (adelphos) qu'il aimait beaucoup.
Leur père était le roi Attale Ier de la ville de Pergame, cette ville est restée célèbre à cause de sa grande bibliothèque, qui commençait à concurrencer celle du roi d'Alexandrie, Ptolémé II, surnommé le Philadelphe (pour l'amour qu'il portait à sa soeur devenue son épouse ), il fit arrêter les exportations de papyrus, croyant ainsi empêcher la production des livres .. mais la ville de Pergame se mit alors à utiliser la peau de jeunes animaux, finalement plus solide et moins fragile. Ce "Pergama charta" sera connu sous le nom de parchemin. Pourtant on continuera longtemps à se servir de papyrus avant que le parchemin ne s'installe partout, à cause de son coût élevé .. ll était si précieux, qu'on s'en resservait autant qu'il était possible de le faire, on en effaçait le texte pour en écrire un nouveau, on le recousait s'il s'abimait d'où le nom grec de palimpseste (παλίμψηστος voulant dire "gratté une nouvelle fois" )que prenaient les vieux parchemins réutilisés ainsi plusieurs fois ..

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Marie-Hélène Morot-Sir151 articles

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Auteur de livres historiques : 1608-2008 Quatre cents hivers, autant d’étés ; Le lys, la rose et la feuille d’érable ; Au cœur de la Nouvelle France - tome I - De Champlain à la grand paix de Montréal ; Au cœur de la Nouvelle France - tome II - Des bords du Saint Laurent au golfe du Mexique ; Au cœur de la Nouvelle France - tome III - Les Amérindiens, ce peuple libre autrefois, qu'est-il devenu? ; Le Canada de A à Z au temps de la Nouvelle France ; De lettres en lettres, année 1912 ; De lettres en lettres, année 1925 ; Un vent étranger souffla sur le Nistakinan août 2018. "Les Femmes à l'ombre del'Histoire" janvier 2020   lien vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=evnVbdtlyYA

 

 

 





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9 commentaires

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    9 mars 2010

    Merci à tous d'avoir pris le temps de me lire et d'avoir écrit de si charmants et intéressants commentaires.. En effet, Moses Hazen avait fait partie du régiment désormais célébre par sa cruauté des Roger's Rangers, régiment qui avait officié le long du Saint Laurent et qui y avait fait les atrocités que nous savons au moment de la bataille des plaines.. brûlé les fermes et les récoltes des Canadiens de la Nouvelle France, ce qui entraînera une année entière de famine par la suite, tuer et brûler femmes et enfants, violer aussi les femmes dans la foulée de ces horreurs.. etc.. etc..
    Des terres furent attribuées aux hommes de ce régiment des Roger's Rangers aprés la conquête..
    Plus tard les colons des colonies de la Nouvelle Angleterre se révolteront contre Londres. Ces Insurgés prirent le nom d'américains, ils formeront leur l'armée continentale afin d'obtenir leur indépendance .
    En 1775 ils viennent au Canada chercher l'appui des canadiens français qui sont à ce moment-là déjà sous la coupe de l'Angleterre mais la bataille de Québec a lieu, les proprietés de Moses Hazen sont pillés et détruites. Il est emprisonné par les Anglais, les insurgés le libéreront Le Congrés américain de Philadelphie lui confiera le commandement du second Régiment canadien, en acceptant Moses perdra sa pension britannique.
    Le premier Régiment canadien avait été fondé par James Livingstone puis petit à petit il sera dissous et tous ses éléments se joindront à celui de Moses . Ces deux régiments formés de canadiens français participeront aux batailles de de la Brandivyne et de Saratoga qui eurent lieu presqu'en même temps, en septembre 1777.
    A la Brandivyne les Insurgés américains avaient été renforcés par le deuxième régiment canadien de Moses Hazen le "congres own regiment" . Ces derniers se battirent aux côtés de George Washington et de ses troupes , le jeune Lafayette était là lui aussi et c'est en voyant la bravoure de ce jeune Français venu se battre à leurs côtés qui de surcroît avait été blessé, que Washington décida de lui donner peu aprés la responsabilité de l'armée de Virginie.
    La bataille de la Brandivyne fut particulièremetn rude, d'autant qu'en face d'eux W. Howe se tenait avec les mercenaires allemands les Hessiens, mais Howe ne réussit pas à capturer G.Washington comme cela avait été prévu, par contre il put entrer dans Philadelphie et saccager largement la ville avec ses troupes .
    Saratoga marqua un réel tournant dans la guerre d'indépendance des nouveaux états unis d'Amérique, la défaite des Anglais et la capture d'une grande partie de leurs forces militaires, grâce à l'aide des canadiens français et de leurs alliés amérindiens, toujours à leurs côtés. Une fois encore leur manière de combattre très particulière, en harcelant leurs adversaires, leur avait toujours permis d'être victorieux.
    Mais la victoire de Saratoga a non seulement remonté le moral des Insurgés, et apporté de nouveaux miliciens à Washington, mais en plus a incité la France à entreprendre la guerre contre l'Angleterre, et à faire une alliance en février 1778 avec les Insurgés américains. Cet important soutien, terrestre et naval, sera déterminant pour l'indépendance de leurs nouveaux états unis d'Amérique.

  • Archives de Vigile Répondre

    7 mars 2010

    En attendant, lisez donc ceci:
    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2010/02/24/d2a471535d97787a1ceb65ade91e2904.html
    L'auteur y décrit par le menu ce que c'est que la "perfidie anglo-saxonne".
    Et le "collaborationisme" de notre élite. Bienvenue au "Quebec Province".
    Claude Jodoin Ing., Amérique Française

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mars 2010

    A Gilles,
    "Pourquoi sont-ce donc toujours les salauds qui gagnent?"
    Probablement par ce qu'ils sont salauds, ils ne reculent devant aucun moyen, même les plus salauds. Ils n'ont pas de conscience morale.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mars 2010

    Les Québécois ne le savent pas, mais la Pennsylvanie est le lieu d’une des batailles épiques entre d’un côté William Howe, l’ami personnel de Wolfe et le premier à gravir les plaines d’Abraham le 13 septembre 1759, et de l’autre un petit bataillon de Québécois nommé le 2nd Canadian Regiment mené par Moses Hazen. Cette bataille de Brandywine en 1777 se déroule sur une rivière qui mène à Philadelphie d’un côté et à Valley Forge de l’autre. Durant la bataille le régiment québécois a brillamment résisté à un bataillon d’élite d’allemand (les grenadiers étaient les meilleurs régiments des armées). Le petit régiment composé en partie de Québécois et d’américain qui vivaient au Québec sera surnommé les ‘’infernals’’ pour leur bravoure au combat. La bataille de Brandywine en 1777 n’est qu’une diversion et les Américains ne peuvent arrêter l’immense armée de William Howe et ses mercenaires allemands, Philadelphie sera saccagée par le héros des British Canadians. C’est l’arrivée de la France au côté des Américains et de la flotte de D' Estaing qui fera fuir les Anglais et qui va libérer Philadelphie en 1778 (six mois plus tard). Soulignons qu’à Brandywine Lafayette n’était pas supposé se battre, il était là en observateur, mais qu’il a tout de même rallié un bataillon et il a reçu une balle dans la jambe. La France n’était pas officiellement en guerre, mais les officiers français arrivaient à Philadelphie depuis 1776, tout comme Fleury Mesplet qui viendra s’établir au Québec la même année.
    Pour ce qui est de la passivité des quakers, on se doit de mentionner Nathanael Greene qui fut un des brigadiers généraux le plus efficaces de Washington et qu’il était un quaker. ll ne faut pas les confondre avec les amish qui eux sont des pacifistes militants et qui vivaient non loin de là, en Pennsylvanie. Les Québécois du 2nd Canadian Regiment vont d’ailleurs garder les prisonniers anglais de Yorktown chez les amish en 1781-1782. (les amish sont les gens qu’on voit dans le film ‘’witness’’)

  • Archives de Vigile Répondre

    5 mars 2010

    Vraiment l'histoire est une roue qui tourne sans fin.
    Et la question qui me tue depuis longtemps s'impose de nouveau à mon esprit : Pourquoi donc sont-ce donc toujours les salauds qui gagnent!
    Vraiment utopia est un continent lointain. Comme un trou noir où l'on ne parvient jamais à poser le pied.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 mars 2010

    Bonjour Marie-Hélène,
    Il faudrait colliger tous ces petits résumés d'histoire que vous nous offrez si gentiment et qui nous font comprendre dans ce vaste damier de l'Amérique du Nord, d'où nous venons, quelles étaient les influences de nos ancêtres, même éloignés en temps ou géographiquement. Ces perles de connaissance que vous nous apportez simplement vont, je crois, ravir tous ceux dont l'intelligence est aux aguets. Le désir et la satisfaction d'apprendre n'a pas d'âge.
    Par vos textes lumineux vous rehaussez beaucoup le niveau des interventions sur Vigile. Certains textes sont quelquefois acrimonieux dont quelquefois les miens, excédés que nous sommes par la bêtises et de la duplicité dans laquelle évolue actuellement les sociétés nord-américaines dont le Québec. Les politiques, les politiciens et leurs suppôts nous inspirent souvent du dégoût. Il est alors rafraîchissant de lire des textes comme les vôtres.
    Merci Marie-Hélène
    Ivan Parent

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    4 mars 2010

    Si je voulais qualifier les travaux scientifiques de marie-hélène, je ne sais pas si je lui rendrais justice par le terme érudition. Les dictionnaires modernes en font bien l’antonyme de ignorant, mais le mot érudition jadis suggérait plutôt « une grande étendue de connaissances, pas nécessairement approfondies »; latin eruditus, de erudire : dégrossir. Mais enfin, puisque tous les dicos parlent d’historien érudit, j’imagine qu’elle-même acceptera le qualificatif.
    Par ailleurs, si je voulais « chipoter » un peu plus, la remercier pour son « bel effort » m’apparaît, alors là, paternaliste. Qui d’autre parviendrait, sans nous faire sentir notre profonde ignorance, à entamer un si bref exposé par « le roi d’Angleterre Charles II Stuart », développer l’histoire de Philadelphie et ajouter des trésors « d’érudition » comme "Pergama charta" et palimpseste d’origine animale ? Plus qu'un bel effort, un exploit!
    C’est de la pédagogie, armée de profonde culture française. Merci marie-hélène.
    Ouhgo

  • Archives de Vigile Répondre

    4 mars 2010

    Les premiers "américains", de diverses églises protestantes, possédaient des chambres d'assemblées coloniales bourgeoises et considéraient souvent, peut-être avec raison, les Français et les Canadiens de la Nouvelle-France comme des papistes catholiques intégiristes et des suppôts du roi "tyran" Louis XIV.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 mars 2010


    Votre érudition et votre objectivité m'impressionnent toujours, madame Morot-Sir. Merci de ce bel effort. Ce sont des connaissances dont nous avons besoin au Québec.
    Salutations.
    JRMS