Postnationalisme et anniversaire de la victoire du Parti québécois

30 ans de parcours de l'idéologie de la honte du nationalisme québécois

Tribune libre


Le partage de l'actualité entre l'anniversaire de la victoire du Parti québécois et le tollé que soulève la reconnaissance de la nation québécoise illustre parfaitement le blocage du nationalisme québécois. Ce retour sur la victoire de René Lévesque est l'occasion de comparer son récit de la Révolution tranquille avec celui des succès ultérieurs du postnationalisme. Ce déracinement national, dénoncé par [Denise Bombardier dans Le Devoir->2924], défait les forces vives du Québec et les empêche, pour emprunter au jargon postnationaliste, de « passer à l'avenir ».
La Révolution tranquille: une deuxième révolution nationale
La défaite de 1837 destitua la nation québécoise et permit à une certaine élite de lui imposer sa « chape de plomb de l'indigence intellectuelle », que les détracteurs de cette nation lui associent à contresens. Un siècle plus tard, des religieux, qui voyaient dans le renforcement de la nation l'avancement de leur peuple, ont éduqué la génération qui remettrait enfin les intérêts du Québec en tête avec la Révolution tranquille. Quel ravissement de lire René Lévesque décrire dans sa biographie le combat pour électrifier son village, les luttes pour les droits des travailleurs et de la personne ainsi que celles de l'assurance vieillesse et maladie. La force de l'identité nationale et l'intégrité de nos représentants avaient enfin permis d'harmoniser les intérêts divergents de notre société, en faveur de ceux de la majorité. Ici comme ailleurs, le nationalisme avait ouvert la voie au bien commun en établissant solidarité et pouvoir au sein de la communauté citoyenne.
De Révolution à Régression tranquille
Par contre, lorsque René Lévesque traite dans sa biographie des défis de 1980, la sensation est toute autre. Notre conduite face à la dénatalité, l'intransigeance syndicale et patronale, notre foresterie coloniale, l'éducation technocrate et la question nationale tient de l'immobilisme. Bien que la société évolue sur d'autres plans, nous sommes frappés de paralysie face aux défis d'envergure. Ailleurs, le monde ne ralentit pas la cadence : en Asie, dans l'ex bloc soviétique, en Europe de l'Ouest ou en Amérique du Sud, des exemples de progrès comparables à ceux de la Révolution tranquille abondent.
Cachez cette nation que je ne saurais voir!
Les défaites de 80 et 95 ont affaibli l'identité nationale et accentué le schisme entre fédéralistes et souverainistes au Québec. S'impose alors une élite qui gouverne dans l'optique d'intérêts spécifiques, à défaut de relever les défis d'une nation qu'elle rabaisse. Cette désaffection pour la nation est incompatible avec l'intérêt de l'ensemble des Québécois. Et lorsqu'émerge malgré tout une nouvelle prise de conscience collective, d'autres membres de cette élite s'astreignent à la minimiser au moyen de nos plus grands médias, diminuant ainsi toute affirmation nationale.
Le postnationalisme : une utopie difficilement justifiable
La construction de l'identité nationale québécoise et son enchâssement au coeur de notre société ont été combattus, au nom d'une utopie postnationale, sans égard aux principes démocratiques. En son nom, copinage et favoritisme sous couvert de bons sentiments ont réinvesti la gouvernance. Cette utopie trudeauiste, qui se voudrait postnationaliste, tend en réalité à réintégrer au Québec les inégalités du monde extérieur, suivant l'absence d'une solidarité nationale. De plus, se prétendant à tort universaliste, cette utopie mène dans les faits à un individualisme à outrance et à l'assimilation au Canada, comme suite logique de sa lutte contre de l'identité collective québécoise.
La seule chose dont il faut avoir peur est la peur elle-même
Ce postnationalisme a tiré profit de nos complexes et de ce que René Lévesque appelait le triomphe de la peur. Pourtant, à sa source, l'affirmation de l'identité québécoise poursuit son chemin. En musique, au cinéma, en art culinaire et du terroir par exemple, nous continuons d'approfondir notre culture. La conscience nationale est renforcée aujourd'hui de nouveaux acquis, entre autres en écologie, féminisme et conciliation travail-famille. Comment Bon cop/bad cop aurait-il connu un tel couronnement populaire sans policier canadien et vis-à-vis québécois?
Retrouvons le goût de nous
De passage à Montréal, le président de l'Organisation mondiale du tourisme nous a prodigué ces trois conseils : valorisez vos atouts; affirmez votre identité franco-nord-américaine et préparez-vous aux changements climatiques.
Alors, retrouvons le goût de nous, sachons nous ouvrir aux autres sans nous renier, et surmontons ces défis qui ne peuvent attendre. René Lévesque nous a montré comment nous prendre en main dans le respect d'autrui et de notre être collectif. Commémorons sa mémoire en nous le rappelant, et redonnons le Québec à sa nation.


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