Tels sont les maux de l'actualité quotidienne mexicaine.
Corruption, tueries, censure, collusion entre politiques et narcos, gaffes présidentielles, c'est le quotidien qui abasourdit le Mexique. Récit de l'actualité d'une journée, le 28 avril 2015, dans un pays où l'impunité règne, mais où les abus des autorités et de l'élite socio-politique se trouvent de mieux en mieux documentés.
1.EsclavageZunduri et ouvriers agricoles
Un cou lacéré, brûlé, maltraité, a fait la une de la presse mexicaine ce 28 avril 2015. C'est celui de Zunduri, jeune femme exploitée et séquestrée dans l'arrière-boutique d'un pressing de Mexico. Depuis dix-sept mois, sa vie était circonscrite par une chaîne de quatre mètres. Attachée, l'employée repassait les habits de la clientèle, dormait sur une chaise et des sacs en plastique lui faisaient office de toilettes. Pas une seule partie de son corps n'a été épargnée par les mauvais traitements infligés par la famille qui gérait le commerce. Selon les enquêteurs, Zunduri, nom fictif choisie par la victime, qui signifie «jolie fille» en japonais, a l'aspect d'une fille de 14 ans mais les organes internes d'une octogénaire.
Pour sa défense, la famille de présumés tortionnaires, dont les cinq membres dorment désormais en prison, a assuré que leur employée était «violente». Zunduri s'est échappée le samedi 25 avril, alors que sa chaîne avait été mal cadenassée. El Universal rappelle que le Mexique occupe la première place en Amérique latine à l'Indice global de l'esclavage, avec plus de 250.000 personnes travaillant comme s'ils avaient un propriétaire. Le quotidien rapproche l'esclavagisme dont était victime Zunduri de celui des travailleurs agricoles de la vallée de San Quintín (Basse-Californie), qui avait débuté une grève massive le 17 mars pour demander un salaire quotidien de 200 pesos (12 euros). Dans cette région frontalière, ces travailleurs venus avant tout des régions les plus défavorisées récoltent pour un salaire de misère des fruits et légumes qui inondent le marché américain.
2.CorruptionPolitiques et narcos
Rodrigo Vallejo Mora est le fils de l'ex-gouverneur du Michoacán Fausto Vallejo (Parti révolutionnaire institutionnel, PRI, 2012-2014). À l'été 2014, une vidéo le montrait attablé avec Servando Gomez Martinez, dit La Tuta, le capo des Chevaliers Templiers, cartel qui était considéré comme le plus puissant du deuxième État le plus violent du pays en 2014. Depuis l'arrestation de «la Tuta», le 27 février, de nouvelles vidéos ont filtré. La dernière a été diffusée par la puissante chaîne Televisa, le 28 avril.
On y voit notamment Rodrigo Vallejo Mora boire un whisky en toute décontraction avec le narcotraficant, qui le sonde sur les arcanes politciennes. Le «junior», qui n'occupait aucune fonction politique officielle, est utilisé par le narco comme intermédiaire pour transmettre des messages à son père, qui gouvernait alors cet État où ont fleuri les milices d'autodéfense formées par des citoyens pour pallier la faillite institutionnelle. À la fin de la vidéo, Vallejo Mora invite «la Tuta» à se rendre dans sa résidence avec piscine et lui propose de mettre un hélicoptère à sa disposition. Pour avoir refusé de donner des informations pour aider à sa capture, Vallejo Mora a été détenu en août 2014. Il a été libéré le 11 avril après avoir payé une dérisoire caution de 7.000 pesos (420 euros). Que vous soyiez puissant ou misérable…
Pendant la campagne électorale, les scandales de corruption continuent. Le 7 juin, les Mexicains se rendront aux urnes pour élire leurs députés, mais aussi des maires et gouverneurs. Le 28 avril, El Financiero a publié un dialogue issu d'un enregistrement où Claudia Pavlovich Arellano, candidate pour le PRI au poste de gouverneur de l'État de Sonora (nord-ouest), demande à ce qu'un entrepreneur se «fasse beau», autrement dit qu'il lui verse un pot de vin, après avoir reçu une généreuse aide publique.
Début avril, un autre enregistrement qui mettait déjà sur le grill l'ex-sénatrice avait filtré. On y entendait Gerardo Rubio, secrétaire de la ville frontalière de Nogales, offrir «deux valises» pour la candidate dont le slogan de campagne est «pour un gouvernement honnête et efficace». Gerardo Rubio a depuis été démis de ses fonctions.
3.Exécutions, agressions et disparitionsManœuvres d'intimidation
Collusion, proximité, soumission, et parfois résistance. Quelle que soit la forme que prennent les relations entre narcos et politiciens, ces derniers peuvent la payer de leur vie. Le 28 mars, Feliciano García Fierros, conseiller municipal (PRI) de Tlaquepaque, ville située dans la banlieue de Guadalajara (Jalisco), la deuxième ville du pays, était abattu. Un mois plus tard, son fils a également été tué par balle, alors qu'il se trouvait dans un magasin de pneumatiques, rapporte La Jornada. Depuis la prise de fonction du gouverneur Aristóteles Sandoval (PRI) en mars 2012, 102 fonctionnaires ont été abattus dans l'État du Jalisco, selon le recensement de l'Insitut médico-légal régional, dont 15 policiers tués dans une embuscade attribuée à des narcos, le 6 avril, à San Sebastian del Oeste. Malgré des exécutions quotidiennes, la tendance serait toutefois à la baisse pour les homicides. Selon une enquête de la revue Nexos, ils ont diminué de 28% en 2014, même si les disparitions ont augmenté.
Passage à tabac de la magistrate chargée de l'enquête visant un ex-ouverneur accusé de détournements de fonds
Sur son site internet, le média d'investigation Proceso rapporte que la magistrate Luz del Alba Pardo Cruz a été passée à tabac par une bande à Huimanguillo (Tabasco). Luz del Alba Pardo Cruz est chargée de l'enquête visant l'ex-gouverneur de l'État du Tabasco André Granier (PRI), accusé, entre autres, d'avoir détourné près de 2 millions de pesos (120.000 euros) destinés à des programmes sociaux. Quand Granier a terminé son mandat en 2012, les hôpitaux n'avaient plus de quoi s'approvisionner en médicaments et les retraités ne touchaient plus leur pension. Accusé de détournement de fonds et d'enrichissement illicite, Granier se vantait, dans un enregistrement audio, de posséder des propriétés aux États-Unis et une garde-robe recelant 400 paires de chaussure, 300 costumes et 1000 chemises... Selon le parquet, l'agression envers la magistrate a tout de la manœuvre d'intimidation.
Dans un pays où règne l'impunité, surtout pour les plus puissants, se pencher sur des cas de corruption peut coûter cher. La célèbre journaliste Carmen Aristegui a ainsi été licenciée de la Radio MVS le 15 mars après avoir révélé qu'un somptueux logement qui aurait appartenu au couple présidentiel avait été édifié par une entreprise appartenant au Grupo Higa, constructeur favori d'Enrique Peña Nieto quand il était gouverneur de l'État de Mexico (2005-2011).
4.Ras-le-bol citoyenBoycott et tags
Le ras-le-bol citoyen face au manque d'intégrité de son élite politique s'exprime pendant cette campagne électorale par un mouvement appelant au boycott des élections, soutenu notamment par de grandes figures militantes comme le père Alejandro Solalinde, curé qui dédie sa vie à la protection des migrants centro-américains dans le sud du Mexique. Celui-ci considère les «politiciens corrompus» comme «les ennemis de la population».
Sept mois après la disparition des étudiants d'Ayotzinapa, la tension n'est toujours pas retombée dans l'État du Guerrero, surtout dans sa capitale, Chilpancingo. Le 28 avril, une centaine d'étudiants provenant des neuf écoles normales de l'État a ainsi mis à sac les locaux du secrétariat à l'Éducation. Fraîchement diplomés pour être instituteurs, ils réclament des postes. «Une solution ou nous brûlerons tout», ont-ils tagué. Ils ont également demandé «la réapparition en vie» des édudiants disparus à Iguala le 26 septembre 2014.
5.Bourde présidentielleFâché avec la géographie
Un peu plus de deux mois après ces disparitions qui avaient capté l'attention de la communauté internationale, le président Enrique Peña Nieto avait demandé à la population de «dépasser ce moment de douleur» –expression maladroite s'il en est.
Le manque de rhétorique du président a souvent été mis en évidence lors de ses discours, comme son épaisseur culturelle douteuse. Lors de sa campagne présidentielle, il s'était ainsi montré incapable de citer trois livre l'ayant influencé. Le 28 avril, à l'occasion de l'inauguration d'une route, le président de la République a commis une nouvelle bourde en se montrant plutôt fâché avec la géographie de son pays. Dans son discours donné devant des huiles locales, Peña Nieto a ainsi confondu ville et État en assurant que la nouvelle voie de communication relierait «les États de León et de Lagos de Moreno». León n'est qu'une ville de l'État de Guanajuato et Lagos de Moreno n'existe pas, puisque la ville se nomme Lagos de Morelos et se situe dans l'État du Jalisco.
Dans ses discours, Peña Nieto se montre aussi souvent fâché avec les sigles. Il avait ainsi rebaptisée l'OCDE «OSD» en janvier 2014. Décryptant la vidéo, le célèbre journaliste mexicain Pedro Ferriz, réputé proche du PAN (opposition) s'est montré interdit:
«Je reste muet. Cela n'est même pas criticable, cela est surtout préoccupant pour le Mexique...»
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé