« Y ont toute des cell pis des… »
Combien de fois j’ai entendu ça dans des discussions sur la grève des étudiants? Je ne sais plus, je préfère ne pas savoir… Je ne vais pas ici argumenter ni pour la grève ni contre elle, ni pour ou contre la hausse des frais de scolarité. Je vais purement et simplement tenter de supprimer du débat l’argument des téléphones cellulaires et des autres biens que peuvent posséder les étudiants qui militent en ce moment. Je te parle à toi, qui répètes ça sans y avoir vraiment réfléchi. Qu’un téléphone cellulaire soit devenu essentiel ou non en 2012 ne m’importe pas, allons plus loin.
- Ils ne manifestent pas pour eux-mêmes
La plupart des militants dans la rue aujourd’hui seront diplômés d’ici un à quatre ans, la hausse étant étalée sur sept ans, ils ne la sentiront pas beaucoup. Ils manifestent parce qu’ils croient que ceux et celles qui suivront ont le droit d’étudier sans s’endetter jusqu’au cou. D’autres ont les moyens d’étudier et militent quand même (ben oui, ils ont peut-être de belles voitures et des ipad). Ça s’appelle la solidarité : « la hausse ne m’affecte pas, moi, directement, mais je suis prêt à sacrifier une session pour que ma société aille dans une autre direction, pour plus de justice sociale au Québec ». Rien à voir avec la situation personnelle de chaque manifestant, donc. Que tu sois en moyens ou non, tu peux désirer un avenir plus juste. Ça devient plus clair? On continue pareil.
- Les porteurs du carré rouge ne sont pas tous des étudiants
Eh non, ce n’est pas un enjeu qui ne concerne que les étudiants. C’est un enjeu social d’une grande importance pour l’avenir du Québec, pour l’avenir tout court. C’est pourquoi on remarque la présence de toutes les populations dans les manifestations. Est-ce que les enseignants, les professionnels, les avocats, les infirmières, les pompiers, les fonctionnaires, les députés, les chômeurs, les parents, les artistes et les étudiants ont le droit de souhaiter plus d’accessibilité aux études supérieures même s’ils possèdent des ordinateurs portables? Toi, as-tu le droit de souhaiter payer moins pour des services essentiels même si tu as un beau camion? Ça s’en vient, là? On y est presque…
- Les biens qu’on possède n’ont rien à voir avec les tarifs
Faut-il être pauvre pour espérer plus de justice sociale? Est-ce que le fait de posséder des biens devrait nous empêcher d’espérer? Si tes chaussures valent plus que les miennes, est-ce que je dois conclure que tu aurais dû payer plus d’impôt? Ou peut-être que je suis en droit de t’exiger des frais d’accès à l’urgence vu que ton camion vaut plus cher que ma minoune? On le voit bien, c’est un raisonnement cul-de-sac. C’est ce qu’on appelle un raccourci intellectuel, une idée facile à croire et à répéter, et plus on la répète, plus on la croit et plus on la croit... Certains chroniqueurs et animateurs de radio (par hasard grassement commandités) en usent abondamment.
Pire, pendant qu’on parle de ça, on ne parle pas d’accessibilité à l’université, de corruption, de mafia, de collusion, de dilapidation de fonds dans le plan nord, d’enveloppes brunes… Charest doit bien aimer les cellulaires des étudiants en ce moment! Oh! Tu peux me dire que Charest n’a pas manigancé ça, et tu as probablement raison, la théorie du complot n’a pas sa place dans un débat intelligent, mais faut admettre que ça fait certainement son affaire.
- On peut être pour la hausse
Oui, tu l’as deviné, je suis contre cette hausse, difficile de m’en cacher. Je suis quand même suffisamment éclairé pour savoir qu’on peut être d’accord avec cette hausse. Oui, mais pour d’autres raisons, celles-là, s’il te plait, rationnelles, réfléchies, intelligentes. On peut croire que l’éducation supérieure doit être réservée à une élite, à une classe sociale déjà favorisée. On peut croire que l’école est une usine à main d’œuvre. Question de philosophie personnelle. On peut croire aussi que l’État n’a pas à briser le cycle de pauvreté dans les familles en permettant à toute personne de tenter sa chance à l’enseignement supérieur. On peut croire au principe de l’utilisateur-payeur des services publics alors que plus de 10 % des Québécois ont encore de la difficulté à se nourrir. Question d’opinion. On peut croire Jean Charest et ses honnêtes amis. On peut croire, on peut croire ce qu’on veut… mais les cellulaires des manifestants n’ont absolument rien à voir là-dedans.
Bref, on peut croire, mais c’est mieux quand on sait.
« Y ont toute des cell pis des...»
Pire, pendant qu’on parle de ça, on ne parle pas d’accessibilité à l’université, de corruption, de mafia, de collusion, de dilapidation de fonds dans le plan nord, d’enveloppes brunes…
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
9 mai 2012Monsieur Robert,
J'avais effectivement déjà lu toutes ces analyses bien intéressantes et fort pertinentes. Il est possible que l'offre soit moins pire que la hausse de départ, et c'est à souhaiter.
L'objectif de mon texte était de relever le débat en supprimant un argument imbécile: celui des téléphones cellulaires que possèdent les étudiants, pas de convaincre les lecteurs d'être contre la hausse. Cela étant dit, je n'ajouterai aucun mot au débat de chiffres puisque je crois qu'on devrait tenir un débat d'idées. Je ne me demande pas si telle mesure est payante ou non, je me demande si elle bonne à long terme pour toute la société.
Ces analyses démontrent bien que la hausse annoncée par le gouvernement Charest et qui serait (selon certains) compensée par d'autres mesures n'est qu'une décision idéologique visant à rallier la base électorale libérale et la droite québécoise que la CAQ essaie tant bien que mal de courtiser. Charest a essayé de ménager la chèvre et le chou... la chèvre va crever de faim et le chou va pourrir.
Jaquis Gagnon
Archives de Vigile Répondre
8 mai 2012Mais, monsieur Gagnon, c'est là où vous errez. Avec les dernières offres du gouvernement, au niveau des prêts et des bourses, l'accessibilité pour les étudiants de classe moyenne ou pauvre sera encore plus grande. Alors, je ne comprends vraiment pas pourquoi les étudiants manifestent encore: seulement les enfants de famille ayant des revenus supérieurs devront payer des droits de scolarité plus élevés, tandis que les moins riches recevront de meilleures bourses d'études, éliminant complètement la hausse décrétée des droits de scolarité et leur donnant même encore plus d'argent. N'était-ce pas le but recherché: favoriser les études universitaires des étudiants de famille de classe moyenne et plus pauvre? Expliquez-moi SVP!
Et si vous ne me croyez pas, voici un lien qui vous dévoilera que les étudiants moins nantis trouvent drôlement leur compte:
http://affaires.lapresse.ca/economie/quebec/201205/01/01-4520583-hausse-des-droits-de-scolarite-profitable-pour-les-moins-nantis.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=envoyer_lpa
ou encore:
http://blogues.radio-canada.ca/geraldfillion/2012/04/30/droits-scolarite-charest-nadeau-dubois-classe-feuq-fec/
Archives de Vigile Répondre
7 mai 2012Très bien dit!!!... Félicitations pour votre message car il exprime toute ma pensée!!!... Merci!!!...