Voter par dépit

80ea13ff0448cedc042880e8c6ad21de

« Comme souvent, tous les mécontentements, en tirant en sens contraire, tendent à un immobilisme qui nous exaspère. »

J’ai beaucoup parlé de politique avec des amis, au cours des derniers jours.


« Pour qui allez-vous voter ? », ai-je demandé.


La plupart m’ont répondu : « Pour la CAQ. Les libéraux sont usés et méritent d’être envoyés sur le banc des punitions. Le PQ, qui refuse de voir que l’État souffre d’obésité morbide, est trop à gauche. Reste la CAQ. »


La théorie du « rebound »


Mais ils disaient ça sans conviction.


Visiblement, le cœur n’y était pas.


C’est comme si je leur demandais par quelle marque d’auto ils préféraient se faire frapper. Une Honda, une Nissan ou une Toyota ?


« Je vais voter pour la CAQ par dépit, m’a dit une amie. Mais je ne me fais pas d’illusions, je ne crois pas que ça va changer grand-chose. On va faire certaines modifications ici et là, mais on va rester avec le même modèle. C’est comme si on était pognés avec. On va changer la couleur des murs, mais on ne touchera pas aux fondations, qui sont “tout croches”... »


« François Legault ne me fait pas vibrer, m’a dit un autre ami. Je ne le trouve pas solide, il manque d’assurance. Mais, bon, je vais donner une chance à son équipe. Comme dit le proverbe : si tu n’y vas pas, tu ne sauras pas... »


« Je vais voter pour le parti qui m’apparaît le “moins pire”, m’a dit un troisième ami. C’est ça, la politique, maintenant. On ne vote plus pour le meilleur, mais pour celui qui va faire le moins de dégâts... »


Pour reprendre le terme de mon ami et confrère Jonathan Trudeau, la CAQ apparaît comme un « rebound ».


Vous savez, la personne que vous fréquentez après être sorti d’une longue relation ?


Vous sortez avec elle en sachant qu’elle n’est pas l’amour de votre vie.


Juste une parenthèse, en attendant le prochain coup de foudre qui finira bien par arriver...


Vers une victoire libérale ?


Vous savez ce que je pense ?


La CAQ sait pertinemment que les Québécois vont voter pour elle par dépit.


Voilà pourquoi elle se fait discrète.


Elle sait qu’au moindre faux pas (et Dieu sait que François Legault peut en commettre), la donne risque de changer...


C’est bien beau, sortir avec quelqu’un en attendant, mais on ne couchera quand même pas avec un jambon...


On n’est pas SI désespéré que ça !


Ce qui m’amène à ma prochaine idée.


Si le PQ continue de monter, si la CAQ trébuche et si Québec solidaire fait une percée dans Taschereau (ce qui est envisageable), les libéraux risquent de se faufiler entre les deux.


C’est une possibilité.


Comme l’écrivait Denise Bombardier hier, à force de diviser notre vote, notre frappe collective s’effiloche.


Ou comme l’a écrit Jean-Jacques Pauvert dans sa biographie du marquis de Sade en parlant de la France sous Louis XV : « Comme souvent, tous les mécontentements, en tirant en sens contraire, tendent à un immobilisme qui nous exaspère. »


À suivre


Bref, malgré les sondages qui donnent la CAQ gagnante, rien n’est joué.


« Ce n’est pas fini tant que la grosse dame n’a pas chanté », comme disait Yogi Berra.


Et actuellement, la grosse dame se maquille dans sa loge...