Universités : des transferts de fonds inquiétants

Les fonds destinés aux projets immobiliers grèvent les budgets de fonctionnement

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Et « l'enseignement » dans tout ça ? ? ?


Brouillard complet dans les états financiers des universités, alors que débute aujourd’hui une rencontre sur ce thème précis de leur financement : un rapport détaillant les finances de l’ensemble des 18 établissements québécois conclut que les fonds destinés aux projets d’expansion et aux besoins matériels grèvent les budgets de fonctionnement des universités, là où l’on déplore aujourd’hui d’imposants déficits.
Une étude inédite de la Fédération québécoise des professeurs d’université (FQPPU), dont Le Devoir a pris connaissance, conclut qu’entre 1997 et 2009, cette pratique a connu une forte croissance, passant de 26 % à 40 % des opérations d’immobilisations financées à même d’autres sources, principalement le budget d’exploitation.
Ces conclusions, qui se profilaient déjà dans un rapport synthèse du genre publié par la FQPPU en 2010, inquiètent Max Roy, président de la fédération de professeurs. Il y voit le signe, sinon d’une catastrophe, à tout le moins d’une « gestion arbitraire qui soulève des questions ». « Nous ne souscrivons pas à la théorie selon laquelle les universités jouent dans leurs fonds pour créer des déficits », nuance M. Roy en entrevue téléphonique. « Mais il reste qu’on ne sait plus grand-chose sur ce dont les universités ont besoin, sur l’état réel des finances ! Ça prend un pilote à bord. C’est un peu comme si on avait cédé depuis quelques années toute liberté aux universités de composer comme bon leur semble avec le financement qui leur est octroyé. »
En outre, cela signifie que le développement du parc immobilier est devenu une orientation budgétaire marquante, laissant en plan des activités essentielles comme l’enseignement. La Fédération critique aussi le gouvernement, qui ne tient pas compte des actifs immobiliers, ce qui force les universités à des pirouettes comptables.
La FQPPU ne parle pas à tort et à travers. Elle a scruté à la loupe les fonds d’immobilisations de chacune des universités pour produire son rapport de 426 pages. Pour la majorité des universités, l’analyse dévoile que sans ces transferts de fonds variant en importance d’un endroit à l’autre, les fonds d’immobilisations auraient été déficitaires. C’est le lot de la quasi-totalité des fonds de fonctionnement - servant à soutenir la masse salariale, les activités étudiantes, etc. - des établissements.
« L’importance des opérations financées par les autres fonds est marquée, note-t-on dans le rapport. Sans cet apport, les résultats de l’ensemble des universités auraient été largement négatifs à chaque année de 1997-1998 à 2008-2009. »
Même si elle concède que certains de ces transferts sont encouragés par les règles mêmes du gouvernement, la FQPPU recommande de « mieux baliser l’autonomie des universités à l’égard du fonds de fonctionnement » dans le but de garantir une certaine étanchéité entre les budgets distincts. Elle milite aussi pour le retour d’un Conseil des universités chargé d’assurer une gouvernance externe.
Le regroupement de professeurs s’étonne que, de l’ensemble des sommes imposantes consenties aux universités au fil des ans, « les sommes réinvesties entre 1997-1998 et 2008-2009 par les gouvernements dans le fonctionnement général des universités ont plutôt servi à financer des projets de développement immobilier ». L’analyse au cas par cas, précise la FQPPU, révèle bien sûr des variations importantes. Certaines universités ont puisé parfois jusqu’à 57 % des sommes dans d’autres fonds pour soutenir les activités des immobilisations, pendant que d’autres ont transféré de façon très modérée.
« Nous ne souhaitons pas créer la pagaille dans le milieu en pointant une ou une autre université », a indiqué Max Roy. « Mais nous voulons montrer qu’il y a des décisions de gestion arbitraires et difficilement justifiables et cela est malheureux », ajoute l’universitaire.
La FQPPU demande d’ailleurs un mécanisme de gestion interne plus efficace où la communauté serait davantage consultée. Elle présentera ses demandes vendredi à la rencontre thématique qui a lieu à Sherbrooke.
La FEUQ sceptique
Ces données corroborent la vision de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ). Dubitative, pour ne pas dire sceptique, quant au sous-financement de 850 millions revendiqué par les recteurs, la FEUQ demande d’ailleurs que le Vérificateur général mette son nez dans les données financières des établissements histoire d’obtenir un portrait crédible.
« Arrêtons de débattre autour de données internes, et demandons au Vérificateur de faire la lumière sur la manière avec laquelle les chiffres sont présentés dans les universités », a dit mercredi Martine Desjardins, présidente de la FEUQ, qui accuse les recteurs d’avoir « triché à l’examen » en n’utilisant dans leur méthodologie comparative avec les provinces canadiennes qu’une portion de la réalité.
« Les recteurs n’ont toujours pas fait l’étude de leurs besoins réels », déplore la FEUQ, qui avance qu’une logique de transferts de sommes d’un fonds à l’autre, parmi les divers fonds financiers des universités, permet d’empirer le déficit au fonctionnement, histoire de justifier un réinvestissement massif.
La Conférence des recteurs et principaux d’universités du Québec (CREPUQ) s’inscrit en faux contre cette version des faits et a démenti déjà des déclarations de la présidente de la FEUQ selon lesquelles les universités créeraient une apparence de déficit pour soutenir leur demande de fonds additionnels.
Mais la FEUQ persiste et signe. « Ce sous-financement, c’est devenu une croyance qu’on répand, une forme de religion », a dit Mme Desjardins, qui participera ce jeudi et vendredi à la troisième rencontre thématique en vue du Sommet de l’enseignement supérieur prévu en février.
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Crédit photo : Clément Allard


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