Une organisatrice libérale en affaires avec un proche des Rizzuto

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La mafia italienne proche du PLC

Une présidente d’association libérale, ancienne candidate de Justin Trudeau, est aujourd’hui en affaires avec un proche de l’ancien parrain de la mafia montréalaise dans une nouvelle compagnie qui tente de faire son entrée en Bourse.


Karine Desjardins, réélue en mars comme présidente de l’association libérale de Belœil-Chambly, est actionnaire de la société Eco-Plan avec Michael Strizzi, un proche de feu Vito Rizzuto, l’ancien parrain qui a régné sur le crime organisé pendant une trentaine d’années dans la métropole.


Karine Desjardins, président de l'association libérale de la circonscription fédérale de Belœil-Chambly et ex-candidate du PLC.


En 2017, elle a elle-même signé les documents pour enregistrer Eco-Plan en Angleterre. Dans les faits, elle agit comme secrétaire corporative de cette firme, que contrôle Michael Strizzi.


Selon des documents publics, l’adresse officielle de l’entreprise est celle d’un cabinet qui enregistre des compagnies en série près de Manchester.


Le mari de Karine Desjardins, Yves Legault, est aussi actionnaire d’Eco-Plan. Il s’est d’ailleurs rendu récemment en Allemagne pour discuter avec des banquiers et les autorités financières en préparation d’une éventuelle entrée à la Bourse de Francfort.


Crédits de carbone


Selon un document destiné à d’éventuels investisseurs qu’a obtenu notre Bureau d’enquête, l’entreprise compte encaisser des crédits de carbone en transformant des résidus de cactus mexicains en biocarburants.


C’est là qu’interviennent Karine Desjardins et Yves Legault, qui travaillent dans cette industrie depuis des années. Joint par notre Bureau d’enquête, Strizzi explique les avoir recrutés « pour toute la partie de certification des crédits de carbone. [...] Ils ont investi du temps et de l’argent, en payant certains frais pour le travail qu’ils ont fait. »


Rôle minimisé


Rencontrée à son domicile, Karine Desjardins minimise son rôle dans l’entreprise.


« J’ai fait les vérifications diligentes que je pouvais faire, dit-elle. Je suis là pour, au meilleur de mes connaissances, m’assurer que la corporation est en règle avec les lois nationales. »


Elle dit avoir pris connaissance des liens entre Strizzi et Rizzuto dans sa revue de presse, mais souligne qu’il n’a jamais fait l’objet d’accusations.


« M. Strizzi, je n’ai rien à lui reprocher ! » dit Karine Desjardins.


La femme d’affaires dit être emballée par Eco-Plan, la société de Strizzi. « C’est dans les beaux projets en environnement que j’ai eu l’occasion de voir », dit-elle.


Karine Desjardins a subi une courte défaite aux élections fédérales de 2015 dans Belœil-Chambly, derrière le député néo-démocrate sortant Matthew Dubé.


De son côté, Strizzi, qui a déjà attiré l’attention de l’Autorité des marchés financiers dans une enquête sur la manipulation de titres boursiers, multiplie les voyages à Montréal et Toronto pour recruter des investisseurs.


« Je parle avec la banque du Vatican, avec le Fonds d’Abu Dhabi pour le développement, qui est énorme, assure-t-il. Je parle directement avec le président de la Banque islamique d’Abu Dhabi, avec la banque Santander, avec HSBC... »


Il dit avoir besoin de 10 M$ pour lancer son projet au Mexique et au Brésil.




Ce que prétend Eco-Plan


Selon le site web d’Eco-Plan, la société veut produire de l’énergie propre au Mexique à partir des résidus d’un cactus largement cultivé dans ce pays : le nopal, ou figuier de barbarie. L’entreprise vendrait ensuite des crédits de carbone accumulés en retirant du CO2 de l’atmosphère.


Voici son plan, selon le patron Michael Strizzi.



  • Il dit avoir des ententes avec pas moins de 11 000 fermiers mexicains pour collecter leurs résidus de nopal

  • Eco-Plan les transformerait en engrais, en biogaz, en éthanol ou en biodiesel

  • Il revendrait ensuite son biocarburant comme énergie alternative aux hydrocarbures

  • La société accumulerait des crédits de carbone pour le CO2 retiré de l’environnement, qu’elle pourrait revendre sur le marché




Une structure et des employés dans cinq pays



  • Karine Desjardins a domicilié Eco-Plan à Stockport, près de Manchester, en Angleterre

  • Contrôlée par RKJ Investments, une entreprise de Floride que dirigent la femme de Mike Strizzi, Rosemarie Gonsalves, et sa fille, Kristina Strizzi

  • La famille Strizzi elle-même habite l’Ontario

  • Karine Desjardins et Yves Legault travaillent du Québec

  • Eco-Plan veut s’inscrire à la Bourse de Francfort en Allemagne

  • Ses activités sont concentrées au Mexique.


STRIZZI VOULAIT ÊTRE PROTÉGÉ


« Mon téléphone est sous écoute depuis 20 ans ! » dit Michael Strizzi dans une entrevue inédite à notre Bureau d’enquête.


Fiché par la commission Charbonneau et les enquêteurs antimafia, Michele (Michael) Strizzi, 58 ans, a aussi attiré l’attention de l’Autorité des marchés financiers lors d’une enquête sur la manipulation de titres boursiers. Il n’a toutefois jamais fait l’objet d’accusations. Lors d’une entrevue de plusieurs heures avec notre Bureau d’enquête, il explique pour la première fois comment son amitié avec Vito Rizzuto a commencé, en 1992.


► L’homme d’affaires raconte que, cette année-là, il était menacé par deux associés du parrain de la mafia Vito Rizzuto. Il a alors demandé la protection à M. Rizzuto.


Le parrain a alors organisé une rencontre au Buffet Roma, à Saint-Léonard, avec ses deux sbires et Strizzi.


« Il leur a dit : “Je ne veux pas que vous dérangiez ce gars-là. Laissez-le tranquille. Ne le menacez pas, ne lui parlez pas, ne le voyez pas” », raconte Strizzi, qui ne les a plus jamais vus. « Il m’a sauvé la vie ! »


► Au début des années 2000, Strizzi a dirigé les activités québécoises d’OMG, une entreprise secrètement contrôlée par la famille Rizzuto. Ça s’est terminé abruptement en 2003 après un conflit avec le parrain, qui s’était fait arrêter dans une voiture enregistrée au nom de l’entreprise. « J’ai eu une grosse dispute avec Vito. Il m’a menacé, la police l’avait enregistré, et ils m’ont contacté. Nous sommes allés chez Tim Hortons et ils m’ont offert de me mettre sous le programme de protection des témoins. J’ai refusé », raconte Strizzi.


► Il a aussi fait des affaires avec Miguel Torres, arrêté en 2008 et accusé d’avoir importé au moins 60 tonnes de cocaïne avec un complice. Le procès de Torres a avorté.


► En 2015, le rapport final de la commission Charbonneau présente Strizzi comme « un homme d’affaires proche du parrain » et un « partenaire d’affaires » de son fils, Nick Rizzuto Jr. « Je n’ai jamais rien fait d’illégal avec les Rizzuto », assure Strizzi en entrevue.


► L’Autorité des marchés financiers a aussi obtenu de nombreux courriels que Strizzi a échangés avec Jean-François Amyot, condamné à trois mois de prison et 11,2 M$ d’amendes pour des opérations de type « gonflage et largage » (pump and dump). Strizzi nie avoir participé aux combines du boursicoteur et de ses associés.