Une histoire belge sur fond d’extrême-droite flamande

Tribune libre

La petite Belgique vient à nouveau de se singulariser par une querelle de clocher communautaire dont elle a le secret. Une belle querelle idéologique qui démontre une fois de plus à ceux qui en doutaient encore que le royaume est bel et bien constitué de deux pays totalement antagoniques dans leur manière de vivre et de penser.
A l’origine de cette histoire bien belge et qui, vue de l’étranger, peut paraître totalement surréaliste, l’hommage populaire flamand rendu à Marie-Rose Morel, ancienne égérie du parti d’extrême-droite Vlaams Belang, décédée des suites d’un cancer à l’âge de 38 ans.
Pipolisation et banalisation de l’extrême-droite
Au fil du temps et malgré son appartenance active à un parti fascisant, la célèbre défunte est devenue une véritable icône en Flandre avec la complicité unanime de la presse et des médias locaux qui faisaient leurs choux gras de son combat contre la maladie. Cette « Mère courage », une ancienne Miss Flandre, était bien entendu membre des « BV » (Bekende Vlamingen), ces « Flamands connus » dont les moindres faits et gestes sont médiatisés. Un phénomène typique du nord du pays où l’on cherche à tout prix des symboles identitaires de la nation Vlaanderen.
Ancienne pasionaria du Vlaams Belang après un court passage à la N-VA naissante de Bart De Wever, Marie-Rose Morel était restée publiquement fidèle à ses convictions radicales, ce qui ne troublait visiblement pas le bon peuple de Flandre. Sa mort, redoutée puis attendue par des dizaines de milliers d’aficionados, a créé un choc émotionnel qui dépasse l’entendement et où se mêlent empathie et sentiment d’appartenance identitaire. Un phénomène inconcevable en Wallonie où le « cordon sanitaire » placé autour de l’extrême-droite n’est pas un vain mot.
Stupéfaction et sarcasmes en Belgique francophone
Les funérailles en grandes pompes dans une cathédrale d’Anvers archicomble tout comme son parvis, en présence de nombreuses personnalités parmi lesquelles, tenez-vous bien, d’anciens ministres chrétiens-démocrates flamands dont le célèbre Jean-Luc Dehaene, ont déclenché la stupéfaction chez les francophones qui, à tort ou à raison, voyaient dans cet élan populaire la banalisation de l’extrême-droite devenue subitement fréquentable. Cette réaction outrée et teintée de mépris venue des compatriotes du sud a fait hurler de rage la presse et les médias flamands.
La RTBF (télé publique francophone) a sonné la charge le soir-même de l’enterrement avec un reportage au picrate sur la cérémonie religieuse où la star du jour n’était autre que Bart De Wever, président de la N-VA mais présent au titre d’ami personnel de la défunte. C’est lui qui prononça l’éloge funèbre, avec beaucoup d’émotion dans la voix. De là à parler de connivence de la N-VA avec le Vlaams Belang, il n’y avait qu’un petit pas que certains médias du sud ont franchi allègrement et le ton est monté entre le nord et le sud par presse interposée.
Les Flamands ne peuvent concevoir que l’on assimile le nationalisme de la N-VA de Bart De Wever à celui d’un parti d’extrême-droite quand près d’un électeur flamand sur trois a voté pour elle. C’est alors qu’a commencé la guerre des mots, des images et des indignations, parfait symbole de la dichotomie définitive des deux grandes communautés qui peuplent ce non-pays qu’est la Belgique.


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