Une de réglée

Enquête publique - un PM complice?



On aurait beau dire qu'on n'aime pas le rapport Bastarache, ça ne changerait absolument rien à son contenu que nous connaissons maintenant. Le monde politique et le monde de la justice en feront bien ce qu'ils voudront, car il leur suffira de laisser passer un peu de temps et les choses reprendront leur cours normal. Peut-être que les juges et les avocats en parleront longtemps, peut-être que les politiciens se méfieront un peu plus des post-it, mais la nature humaine étant ce qu'elle est, je serais très étonnée qu'on voie de gros changements. La commission Bastarache a vécu, il est temps de passer à la suivante.
La commission sur le crime organisé, celle qu'on a appelée la «Commission sur le monde de la construction», doit se faire. Les citoyens ne doivent pas renoncer à vouloir faire la lumière sur ce «cancer» qui envahit tous les domaines de notre vie quotidienne et qui va finir par étouffer ce qu'il nous reste de démocratie dans notre vie citoyenne. Nous ne sommes pas les seuls aux prises avec ce phénomène, qui est devenu mondial. D'autres pays vivent sous le joug de la corruption que traîne avec lui le crime organisé, partout où il sévit. Nous devons exiger qu'une commission braque ses lumières sur ceux qui le dirigent, ceux qui en vivent, ceux qui le tolèrent et vont parfois jusqu'à le soutenir.
Pendant que la commission Bastarache occupait le devant de la scène, comme le souhaitait sans doute le premier ministre Jean Charest, j'ai eu le temps de lire avec attention le livre Mafia inc., d'André Cédilot et André Noël, publié aux éditions de l'Homme.
Si vous ne deviez lire qu'un seul livre cette année, il faut que ce soit Mafia inc. C'est écrit comme un thriller parce que c'en est un. Vous y ferez la connaissance de tout ce qui grouille et magouille dans tous les domaines où le crime organisé est le maître d'oeuvre des activités lucratives qui font la fortune de ses dirigeants, qui ne savent plus comment blanchir tout cet argent qu'on leur apporte chaque jour et qui l'investissent dans le monde des affaires tout à fait légales afin de devenir encore plus riches.
Vous comprendrez pourquoi certains politiciens dansent sur leur musique, pourquoi certains de leurs membres visent les plus hautes fonctions publiques aussi bien dans le domaine municipal que provincial ou fédéral.
On trouve à la page 194 de Mafia inc. des extraits d'un rapport de 1995, un rapport d'analystes de la police de Montréal, de la Sûreté du Québec et de la Gendarmerie royale affirmant que le crime organisé blanchissait 20 milliards de dollars par année, tout en confirmant que la mafia s'employait à «infiltrer et contrôler certaines institutions bancaires».
Le même rapport affirme que: «Nos observations sont à l'effet que la mafia investit dans l'immobilier, la restauration, le marché de l'automobile, la construction, l'hôtellerie, l'alimentation et plusieurs autres secteurs de l'activité...» Et le rapport continue: «Nous sommes particulièrement inquiets de voir se reproduire au Canada le modèle italien où la mafia a complètement pris le contrôle du Parti démocrate chrétien, en investissant dans sa caisse électorale, notamment.»
On y parle de l'attribution de contrats publics, de la modification des règles de zonage, de la réglementation des travailleurs de la construction et même de la gestion des courses de chevaux. Tout y est pour préparer un citoyen digne de ce nom de bien comprendre l'urgence d'agir et de mettre sur pied une commission digne de ce nom pour permettre à la population de comprendre dans quel guêpier nous sommes tombés.
Au moment où nous constatons que «le terrain de jeu» du crime organisé s'est encore agrandi et qu'il ne s'agit plus d'un phénomène montréalais mais d'un cancer qui a ses ramifications partout dans le monde, il est grand temps de faire le ménage sur notre perron.
Montréal retient son souffle parce que nous sommes bien conscients ici que nous vivons sur une poudrière. La lutte pour la succession est ouverte. Il faut vivre sur une autre planète pour ne pas le savoir. Elle implique suppose de la violence quand la succession n'est pas claire et quand autant d'argent et de pouvoir sont en jeu. Le monde du crime, qui n'a que le mot «honneur» à la bouche souvent, ne recule devant rien pour grimper les échelons.
Pour comprendre de quoi la poudrière est faite, il faut lire Mafia inc. Ça nous aidera aussi à mieux comprendre le travail de l'équipe d'Enquête de Radio-Canada et à suivre les travaux de la commission que nous continuerons à réclamer jusqu'à ce que Jean Charest accouche.


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