Un Québec foutu !

Lire Marc Chevrier, Dominic Desroches et Christie Davies

Tribune libre

QU’ONT EN COMMUN : ( ?)
(1) Marc Chevrier http://agora.qc.ca/textes/chevrier20.html (Néomonarchie canadienne)
(2) Dominic Desroches http://www.vigile.net/La-politique-spectrale ) La politique spectrale
(3) Christie Davies http://www.vigile.net/Vers-une-langue-commune Vers une langue commune
(1) :
Le multiculturalisme s'harmonise admirablement bien avec la néomonarchie. La raison en est qu'il empêche l'émergence au Canada d'une véritable citoyenneté républicaine, fondée sur le métissage culturel (8). En fait, le multiculturalisme maintient ce bon vieux principe que les monarchies qui ont régné sur des empires ont pris soin de suivre: il faut maintenir séparées les nationalités. Un bon prince règne sur les peuples et les nations du royaume. Par sa bienveillance éclairée, il accorde aux uns et aux autres considération et privilèges, sans jamais vraiment leur accorder la liberté politique. Un souverain sait se faire aimer. La Couronne anglaise l'a su des Canadiens Français par l'Acte de Québec de 1774. La néomonarchie canadienne sait se faire aimer de tous les nouveaux arrivants, en entretenant l'illusion qu'ils pourront maintenir leur ethnie et leur nationalité, que le régime met sur un pied d'égalité avec les Canadiens Français et Anglais de souche, confondus dans une mosaïque de peuples. L'idée d'égalité politique est dangereuse pour les monarchies; elle induit les citoyens à penser qu'au-delà des différences de classe, de langue, d'ethnie ou de religion, ils forment un corps qui peut se fédérer. Ils encouragent la formation de provincialismes identitaires. Diviser pour régner, vieil adage dont le multiculturalisme et le fondamentalisme des droits sont devenus les reformulations postmodernes.
Néomonarchie canadienne: Cette notion qu'on ignore nous bloque tout à partir des juges nommés à vie à la Cour Suprême, qui domine tout.
(2) :
LA NEF DES FOUS.
La désorganisation de l’État québécois fait peur. Notre État (ce qui comprend l’ensemble de ses membres) semble en effet incapable de s’occuper des matelots du navire qui, devenus fous, s’affolent et courent partout. Non seulement montent-ils en courant sur le bateau qu’on leur présente, mais personne semble savoir où ce bâtiment s’en va. La Nef des fous est partie, elle vogue sur la mer de l’incertitude, alors que sur la terre, la vie continue et continuera. Les Québécois sont-ils les seuls en mer ? Sont-ils les seuls à ne parler que de pandémie, de morts et du besoin de médecins en santé mentale ? S’il est vrai de dire que la société complexe est difficile à mobiliser et à organiser, il est faux de dire en revanche que la situation québécoise traduit la rationalité, l’organisation et le savoir de la prévision. Les matelots méritent sans doute mieux que l’abandon, la peur et la paranoïa qui traversent en ce moment les écoles et les hôpitaux du Québec. Cette folie collective et cette peur bleue des cadavres peuvent nous conduire encore plus loin. Nous n’avons qu’à suivre la piste des revenants...
Note : Il présente la photo d’une peinture de Jérôme Bosch, Pays-Bas, XV°, La nef des fous, qui caricature les mœurs du temps… (belle trouvaille de D.D.)
Suivent les lucides réflexions sur notre fuite dans les sports, GoHabsGo, angloMolson, puis le spectre de notre passé dans le fantôme de la monarchie…
L’importance de penser la politique de la peur
Ce passage de la Nef des fous, à la monarchie jusqu’à la passion du hockey professionnel repose sur une prémisse à double entente : les Québécois ont peur d’être et se trouvent toujours hantés par leur passé. Ils ont peur de réussir, ils ont peur de ceux qui réussissent et ils ont peur des autres, ceux qui, sans honte, tentent de réussir quelque chose et y parviennent par eux-mêmes. Le temps est aux fantômes, à ces étranges apparitions qui, à tous les jours, viennent faire peur aux Québécois en leur racontant leur passé et en leur signifiant leur faillibilité.
La seule manière de dominer la peur qui nous caractérise historiquement et qui revient nous hanter au quotidien n’est pas de revoir la Loi sur le financement des partis politiques, ce n’est pas non plus en se faisant vacciner individuellement contre la grippe H1N1 après quatre heures d’attente, mais en acceptant l’idée que l’avenir soit encore à faire. Si l’avenir est incertain - en ce sens il fait davantage peur aux petits - en revanche il repose sur un passé que l’on peut apprendre à exorciser. Cet avenir, on l’oublie trop souvent, attend sa configuration. Et il revient à la politique le rôle insigne de s’interroger, comme l’écrit plus haut Cervantès, sur l’identité de nos fantômes, ceux qui, tout près de nous, apparaissent dans la diachronie, c’est-à-dire à travers notre passé le plus actuel, pour nous paralyser et nous faire peur à jamais.
Il importe donc de mettre à jour le véritable motif derrière notre petite manière de faire la politique, c’est-à-dire la peur d’exister. Ayant peur de leur ombre, les Québécois deviendront lentement des fantômes d’eux-mêmes. Car à force de vouloir disparaître, à force de vouloir ressembler à leurs héros disparus dans le vieux Forum, les autres s’y mettront, participeront à nos efforts individuels et nous aideront à réaliser notre souhait le plus cher. Insouciants d’être encore aujourd’hui hantés par notre passé, nous sommes partis pour disparaître dans la joie du hockey révolu et la présence spectrale de la monarchie britannique. Devenus des « revenants » pour eux-mêmes, queon peut douter les Québécois - qui auront eu droit en 2009 à tous les signes que peuvent leur donner les spectres -, réussiront enfin quelque chose.
Dominic Desroches
Département de philosophie
Collège Ahuntsic
(3) : À ne pas lire l’estomac plein…
La proéminence du français est une anomalie disgracieuse [honteuse], soutient le sociologue Christie Davies. Nous devons travailler à supprimer cette langue aristocratique et obsolète, sinon nous ne réussirons au rêve de créer les États Unis d’Europe.
Notre tâche la plus importante est d’éradiquer la langue française. C’est une anomalie disgracieuse qu’au vingt-et-unième siècle, que la langue française soit perçue comme une langue mondiale. En fait, c’était déjà une anomalie à l’époque de la Ligue des Nations. De nos jours, la langue française est peu parlée hors de la France.
Même la faible continuation de l’usage du français en Grande Bretagne est un anachronisme snobinard. Sa seule fonction est de permettre à ses usagers de commander un repas dans un restaurant de luxe ; dans les restaurants italiens et chinois, fréquentés par la plèbe, le menu est traduit en anglais. Il est possible de voyager partout sur la planète hors la France et le Québec et il y aura toujours quelqu’un qui parle non seulement anglais, mais un excellent anglais, avec lequel on puisse parler. Il n’y a qu’en France où on se voit faire des efforts avec les sons grossiers d’une langue qui est un croisement entre Donald Duck et un ordinateur Apple obsolète qui vous a piégé dans une manœuvre illégale. Quand les français vous répondent, vous ne pouvez rien comprendre de ce qu’ils disent parce qu’ils baragouinent.
On devrait immédiatement cesser d’enseigner le français dans les écoles en vue d’élargir la zone sans langue française en Europe. Les Suédois ne parlent pas français, les Tchèques ne parlent pas français et les espagnols délaissent le français. Pourquoi se déranger pour le français. On devrait plutôt encourager les autres langues de France, le breton, le corse, l’alsacien, le basque et le flamand aux dépens du français. Nous aurions alors un corpus de personnes qui pourraient ostensiblement utiliser ces langues pour humilier les monolingues français.
De tels sentiments et actions pourraient paraître chauvins mais ils pourraient être appliqués dialectiquement au service de l’unité européenne à laquelle la France est le plus grand obstacle. Si nous attisons les passions nationalistes pour éradiquer le Français, nous sommes certains que l’anglais s’imposera comme la langue des Etats-Unis d’Europe. Nous savons que l’allemand ou l’espagnol pourraient être la langue qui survit. Demain, nous parlerons peut-être le castellan ou l’allemand. Mais aujourd’hui nous devons nous occuper du français.
Christie Davies est diplômé de Cambridge et professeur émérite, University of Reading.
***
Christie Davies. Towards a Common Language, Varsity, No 701, p. 9 ; October 9, 2009
(varsity.co.uk).
Traduction par François Gauthier
EN SOMME, qu’ont en commun ces trois auteurs ?
Un Québec foutu !

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Ouhgo (Hugues) St-Pierre196 articles

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Fier fils de bûcheron exploité. Professeur retraité d'université. Compétences en enseignement par groupes restreints, groupes de réflexion, solution de problèmes. Formation en Anglais (Ouest canadien), Espagnol (Qc, Mexique, Espagne, Cuba), Bénévolat latinos nouveaux arrivés. Exploration physique de la francophonie en Amérique : Fransaskois, Acadiens, Franco-Américains de N.-Angl., Cajuns Louisiane à BatonRouge. Échanges professoraux avec la France. Plusieurs décennies de vie de réflexion sur la lutte des peuples opprimés.





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    9 novembre 2009

    Bonjour,
    dans La politique spectrale, je n'ai pas écrit littéralement que le Québec était foutu. Je ne le crois pas encore et j'espère un sursaut même si le climat est au repliement identitaire. J'ai simplement montré que le Québec est hanté, en partie par l'étranger en lui, et que la peur doit être combattue politiquement si les Québecois veulent configurer à leur avantage l'avenir.
    Dans mon prochain texte, La maison hantée, je montrerai encore simplement que le Québec doit comprendre le rôle des esprits et que le temps actuel devrait être aux chasseurs de fantômes afin que les citoyens parviennent à se libérer du manoir britannique. J'écris des textes optimistes pour ceux qui aiment rivaliser avec les esprits du temps.
    Merci,
    Dominic Desroches

  • Archives de Vigile Répondre

    8 novembre 2009

    Le bloc anglo-saxon, pour des raisons fort probablement commerciales, mais aussi politiques, oeuvreà l'imposition d'une grande culture commune à l'échelle planétaire: la sienne.
    Voilà ce qui était dans le Foreign Policy des États-Unis en 1999:
    "C'est dans l'intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le monde évolue vers une langue commune, ce soit l'anglais; que si le monde évolue vers des télécommunications, une sécurité et des normes de qualité communes, elles soient américaines; que si le monde est relié par la télévision, la radio, la musique, leur programmation soit américaine. [...] Le facteur le plus important de l'accélération du développement d'un style de vie global reste la langue anglaise, agent d'homogénéisation par excellence, qui s'est imposée comme langue universelle".
    Après ça, on se demande pourquoi le Québec est la cible des assimilationnistes. Dans le contexte actuel, nous sommes une proie facile.
    Lâchons pas!
    P.B.

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    7 novembre 2009

    Bonjour Monsieur Ougho,
    Allons bon, nous voilà donc dans un nouveau complot mondial et cette fois pour favoriser l'émergence totale et définitive de l'anglais sur notre planéte... avec en prime l'éradication totale de notre belle langue française commune qui, à elle toute seule, gênerait considérablement cette belle et franche avancée ?.
    Je vous le dis comme je l'ai ressenti: ma première réaction à cette pénible lecture aurait été de m'asseoir et de sortir mes mouchoirs ( en papier !.. grippe H1N1 exige !) Mais pensant à tous les autres lecteurs, qui vont lire cela en se réveillant tout à l'heure chez vous, j'ai pris ma plume afin de souffler un petit vent de liberté et d'espoir, malgré ces différents sociologues ou journalistes, qui seraient bien en effet capables de nous mettre le moral dans... les chaussettes, en ce beau dimanche matin !
    Alors voici quelques bonnes nouvelles.:
    - Le Français est actuellement appris dans de très nombreuses écoles aux états-unis d'Amérique.
    - En Chine il a été déclaré récemment la langue internationale, les Chinois ont carrément rejeté la langue anglaise et déclaré chez eux le mandarin langue nationale.
    - Les pays francophones africains, qui travaillent aujourd'hui avec les Chinois, ne sont pas vraiment prêts à parler anglais et cela se confirme, puisque les échanges vont continuer à se faire en Français ..
    - Les Anglais auront autant de mal en Afrique, avec ces pays francophones, qu'avec nous en France qui refusons d'employer, pour la très grande majorité, la langue de Skakespeare, en ne faisant que la" baragouiner" ce qui les agace un tant soit peu ! Pourtant lorsqu'on a la chance de parler une aussi belle et aussi riche langue que la nôtre, c'est quand même la moindre des choses !
    Quant à nos langues régionales, aussi belles soient-elles dans leurs diversités, elles n'ont jamais réussi à aller au-delà d'un tout petit groupe d'enthousiastes..
    Au Québec où tous vos pères, vos grand-pères et tous vos autres ancêtres si courageux, ont toujours lutté pour leur langue, cela serait inimaginable qu'aprés tant de luttes et d'efforts, ce soit votre génération, ou la suivante, qui baisse les bras devant cette adversité-là ! ..
    Ceci dit nous devons vous remercier de nous apporter cette information n'est-il pas plus facile de fourbir ses propres armes lorsqu'on sait où votre adversaire veut vous entraîner ?

  • Tremblay Sylvain Répondre

    7 novembre 2009

    J'ai bien lu le résumé de Christie Davies, traduit pour l'occassion, et ça m'a bien fait rire. Je n'ai pas lu les deux premières références, et je ne peux donc commenter sur votre conclusion générale.
    Je vais parler de l'idée de Davies. Il ne faut pas s'alarmer avec celà. Ces idées sont bien connues depuis des siècles, que de transmettre l'anglais sur tous les continents, comme d'une mission, On sait ce que c'est, nous, en Amérique, nous avons eu notre part de malheurs à cause de celà. Maintenant, c'est au tour de l'Europe comme champ de pratique ou d'exercice. La différence est peut-être dans la manière; la méthode guerrière n'est plus guère de mise, il faut miser sur autre chose, comme la dérision, l'abaissement des autres langues et cultures, la fumisterie de faire croire que tout ce qui n'est pas anglais n'est pas bon, etc..
    Mais, celà les gens le savent, ils ne sont pas nonos et ne se laisseront jamais avoir avec le chant de l'anglais. Ce qui est drôle c'est leur emphase mise sur le français, autant en Amérique qu'en Europe, et même ailleurs, comme en Afrique et en Asie. C'est l'ennemi à abattre, le français, pour les anglais, dans leur mission pour imposer leur langue partout où ils le peuvent.
    Si elle est si moche et inintéressante, notre langue, pourquoi se préoccupent-ils tant de la considérer comme l'adversaire no 1? Bien devant l'espagnol et l'allemand, notamment, autant menaçantes, comme l'indique particulièrerment cet auteur. C'est là que leur idéologie découvre le flanc de sa faiblesse.
    La langue anglaise n'est pas de taille avec la langue française. Ils ont beau dire ce qu'ils voudront, la langue des sciences, de l'économie, etc., beaucoup de théoriciens ont découvert leur manigance, et ils n'iront guère plus loin dans leurs prétentions à une hégémonie mondiale linguistique. Les gouvernements et organismes de plusieurs pays se sont immunisés contre leurs pratiques, ils les voient venir et parent autant que possible à leurs stratagèmes.
    Par contre, le français est aimé à peu près partout; ses protagonistes ne s'imposent pas, ils le répandent là où il y a ouverture ... "Je sème à tout vent" comme indiqué sur le Larousse. Ceux qui en reconnaissent la chaleur et la valeur vont la conserver comme une de leurs plus grandes richesses. C'est une langue de paix, de poésie. de philosophie, de politique, d'amour (de relations humaines), etc.. Je ne vous apprend rien. C'est pour dire qu'il n'y a aucune commune mesure entre le français et l'anglais. Il est sûr que les anglais voient le français comme une langue bien supérieure à la leur, il n'y a pas d'autre raison pour eux de la considérer comme menaçante, la plus menaçante, même, spécifiquement, parmi toutes celles qui leur font concurrence.
    Alors, monsieur Ouhgo, votre troisième point n'indique pas que le Québec soit foutu, selon moi. Nous avons la plus belle et la plus forte, solide, langue au monde; le Canada anglais et les États-Unis le savent, et nous avons beaucoup plus d'appuis parmi eux que nous pensons. Si l'idéologue Christie Davies pense que l'espagnol pourrait un jour envahir l'Amérique et qu'il s'attaque plutôt au français, c'est que nous sommes bien plus menaçants! Il faut savoir lire entre les lignes. Les anglais ne disent jamais de bien de nous; ils ne nous diront jamais directement que nous gagnerons sur eux un jour. Ils préfèrent le dire de façon détournée, comme si ils avaient avaient dit le contraire, mais nous comprenons bien qu'ils inversent les mots dans les expressions et nous savons ce qu'ils veulent dire. Et on n'a pas besoin de lire leurs livres en anglais pour le savoir; nous avons déjà tout ce qu'il nous faut en français.