Le programme mis en place à l’arraché ce week-end à Bruxelles pour éviter à la Grèce une sortie de l’euro, un « Grexit », pourrait bien avoir l’effet inverse et rapprocher l’échéance, estiment différents économistes.
Pour obtenir 82 à 86 milliards d’euros de nouvelles aides sur trois ans des créanciers du pays (FMI, BCE et UE), la Grèce, dirigée pourtant par un gouvernement de gauche radicale, va devoir commencer par prouver sa bonne volonté en resserrant encore d’un cran supplémentaire sa ceinture, et adopter d’ici à mercredi soir un train de mesures sur la TVA ou les retraites considérées comme « récessives » par les économistes.
« Clairement, les mesures [à voter avant le 15 juillet] sont les plus lourdes en termes d’austérité » observaient les analystes de Crédit Suisse.
De surcroît, ces mesures et d’autres contenues dans l’accord arrivent au moment où, après avoir perdu un quart de son PIB en six ans, la Grèce était enfin sortie de la récession en 2014, pour mieux y retomber depuis le quatrième trimestre 2014, en raison en particulier du non-versement de la dernière tranche des prêts internationaux prévus par le deuxième plan d’aide UE-FMI (2012-2014) et de toutes les incertitudes politiques récentes.
De nombreux économistes ont souligné cette situation depuis lundi. « Le prix de l’accord est très élevé […]. Le résultat, c’est que la Grèce se maintiendra dans la récession pour un certain nombre d’années », estime Paul de Grauwe, de la London School of Economics. « L’accord pose quelques questions. La première est celle de la croissance : à quel moment dans le futur peut-on imaginer un retour de la croissance en Grèce ? », s’interroge Philippe Waechter, de Natixis Asset Management.
« Ce n’est pas ce que nous attendions, c’est un programme qui n’évitera pas la récession », déplore Michalis Spourdalakis, professeur de Sciences politiques et directeur de ce département à l’université d’Athènes.
Christian Odendahl et John Springford, du Centre for European Reform (CER), ont fait les comptes. Aux termes de l’accord, la Grèce doit dégager un excédent primaire, c’est-à-dire un solde budgétaire positif, hors paiement de dette, pour pouvoir commencer à discuter avec ses créanciers d’un aménagement d’une dette publique de près de 180 % du PIB, qui l’étouffe. Les créanciers chiffrent les excédents primaires annuels requis, de 2015 à 2018, à respectivement 1 %, 2 %, 3 % et 3,5 %. Mais déjà, pour le CER, il n’y aura pas d’excédent en 2015, année politiquement agitée. Et pour trouver les 3,5 % d’économies dans les trois années qui restent, la Grèce devra encore perdre « entre 3,2 % et 4,25 % de PIB ».
« Un gouvernement qui avait étourdiment proclamé qu’il mettrait fin à l’austérité va désormais être contraint à l’inverse, baissant le PIB, augmentant le chômage [déjà autour de 25 %], enhardissant les radicaux et favorisant une instabilité politique accrue », écrivent les économistes du CER.
Accord récessif
Avant le vote de mercredi qui s’annonçait politiquement périlleux, le premier ministre, Alexis Tsipras, a dû convenir depuis lundi de l’aspect récessif des premières mesures imposées. Mais il a souligné que c’est pour mieux obtenir « un plan européen d’investissement de 35 milliards d’euros, une restructuration de la dette, un financement assuré pour trois ans qui va faire comprendre aux marchés et aux investisseurs que le Grexit appartient au passé ».
Pas si sûr, justement, estiment les économistes.
Pour le CER, justement, « le Grexit est toujours bien sûr la table ». Jonathan Loynes, de Capital Economics, estime aussi qu’à moins « d’une restructuration substantielle de la dette grecque — improbable — l’avenir de la Grèce dans la zone euro reste extrêmement douteux ».
Et les économistes de la Deutsche Bank, remarquent surtout que, depuis ce week-end, « un Grexit n’est plus tabou. Si une nouvelle impasse se produit avec le gouvernement grec, le Grexit fera cette fois partie des options beaucoup plus tôt dans les négociations […] et les hommes politiques grecs devraient en avoir bien conscience ».
DES ÉCONOMISTES SE PRONONCENT
Un «Grexit» est possible plus que jamais
Les mesures récessives de l’accord risquent d’asphyxier davantage la Grèce
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