Un cadeau de 140 M$ par année à Alcan

17. Actualité archives 2007


par Couture, Pierre
Le prêt sans intérêt de 400 millions $ de Québec et les 225 mégawatts d'Hydro-Québec consentis à rabais au géant de l'aluminium Alcan au Saguenay ne font pas l'unanimité. Un "cadeau" annuel de 140 millions $, estiment des économistes.
Hier, le professeur d'économie de l'Université Laval Jean-Thomas Bernard n'en revenait toujours pas de l'aide financière consentie par le gouvernement Charest à la multinationale Alcan. "Il y a des gens au Québec qui aiment la pauvreté", a-t-il lancé au Soleil.
Le professeur d'économie spécialisé en énergie, qui remet en question depuis plusieurs années les géréneuses aides gouvernementales aux alumineries, en a remis. "Vous savez, pour donner 140 millions $ par année à une entreprise, le Québec est riche ! C'est une année d'élections. On ne crée pas de la richesse de cette façon."
Dans ses calculs, le professeur, appuyé également par son collègue Gérard Bélanger, avance que le prêt de 400 millions $ consenti sans intérêt par Investissement Québec à Alcan sur 30 ans coûtera aux contribuables québécois près de 65 millions $ en intérêts non perçus.
À cela, il faut évidemment ajouter la valeur de dépréciation du prêt de 400 millions $ qui en dollar constant ne vaudra plus que 100 millions $ dans 30 ans.
Et puis la facture du bloc de 225 mégawatts offert à rabais de 2010 à 2045 au géant de l'aluminium - on parle du tarif "L" d'Hydro-Québec à environ 5 ¢ (transport inclus) - se traduira par un manque à gagner d'environ 70 millions $ par année dans les coffres d'Hydro-Québec.
Résultat : les aides financières offertes à Alcan jeudi pourraient s'élever à plus de 2,5 milliards $ d'ici la fin de l'entente, en 2045.
D'après M. Bernard, le même kilowattheure vendu ici à la grande industrie à cinq cents vaudrait jusqu'à neuf cents sur le marché de l'électricité au sud de la frontière. "À ce compte-là, on est mieux de vendre notre courant aux Américains, l'aventure risque d'être plus beaucoup rentable", a fait valoir M. Bernard.
Ce dernier en arrive ainsi à la conclusion que l'aide consentie par Québec équivaut à une subvention directe annuelle d'environ 160 000 $ par emploi. Le projet d'Alcan devrait entraîner la création de 740 emplois.
Changement de cap
Le professeur Bernard n'est pas le seul à dénoncer l'aide financière de Québec accordée à Alcan. Le spécialiste en énergie Jean-Marc Carpentier, que l'on peut lire également aujourd'hui dans notre page Opinions, ne comprend pas le geste du gouvernement Charest.
Il rappelle que chaque nouveau kilowattheure émanant des futures centrales d'Hydro-Québec coûtera 10 ¢ à produire. La vente à quatre cents à Alcan représente donc des pertes gigantesques pour les contribuables. "C'est tout de même paradoxal pour une société dont le gouvernement mène depuis plusieurs mois une dure guerre de tranchées pour limiter les hausses de salaire de ses médecins spécialistes", dit-il.
Même chez Hydro-Québec,où l'on jugeait encore tout récemment que les projets d'implantation de grandes entreprises énergivores pourraient être néfastes dans le futur pour l'économie québécoise, le changement de cap est radical.
Le mois dernier, le pdg d'Hydro, Thierry Vandal, laissait toutefois entendre que la question d'accorder ou non des blocs d'énergie ne relevait pas de sa compétence, mais de celle de l'actionnaire, le gouvernement québécois. "Il ne nous appartient pas de décider de ces choses. On a à produire et distribuer de l'électricité lorsque les décisions sont prises", avait-il formulé.
Pourtant, lors d'une commission parlementaire en 2005, les hauts dirigeants de la société avaient clamé haut et fort que le Québec créerait beaucoup plus d'emplois avec moins de mégawatts en développant des secteurs industriels moins énergivores.


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