Un autobus perdu dans le bois

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Cette campagne prouve la provincialisation de notre débat public

Nos campagnes électorales tournent habituellement autour d’une seule question : changer ou pas de gouvernement ?


Celle-ci ne fait pas exception, et le débat de jeudi l’a bien montré.


Un téléspectateur moyen aurait du mal, au terme de ces deux heures, à dire précisément ce que chaque parti propose pour l’avenir, sauf QS qui propose tout à tous, et « gratuitement ».


Par contre, ce spectateur aura entendu parler, en long et en large, des 15 longues années au pouvoir du PLQ.


D’où justement la question cruciale : on continue, ou pas ?


Bilan


Avant-hier, le seul élément positif de son bilan que Philippe Couillard a réussi à faire ressortir avec clarté fut l’élimination du déficit.


Le problème est que, pour l’électeur de base, les finances du gouvernement sont une abstraction, alors que les coupes pour parvenir à équilibrer les deux colonnes furent concrètes et douloureuses.


Il était savoureux d’entendre M. Couillard dire que ses adversaires avaient des plans en santé ou en éducation qui prendraient des années à donner des résultats, et que, lui, proposait d’agir tout de suite, alors que le PLQ est aux commandes depuis 2003.


Quand il a voulu vanter son bilan économique, les ventes de la Série C, de RONA, et la fabrication des trains du REM en Inde lui sont revenues comme un boomerang.


Encore heureux qu’il n’y ait pas eu un segment du débat sur l’éthique, car, là aussi, le passé du PLQ pèse lourd : Hamad, Sklavounos, Paradis, Normandeau, Fava, Rondeau, Bartlett, Marc-Yvan Côté, Arthur Porter, etc.


Il était ironique que M. Couillard accuse François Legault de « faire peur » aux immigrants, alors que la peur est le fonds de commerce du PLQ depuis un demi-siècle.


Cela dit, ce débat changera-t-il la dynamique de la campagne ? Peu probable.


Les roues du PLQ tournent dans le beurre. Ont-elles plus de traction depuis avant-hier ? Non.


M. Legault va-t-il être déboulonné de sa position de tête ? Non.


M. Lisée, le meilleur, jeudi, sauvera-t-il le PQ de la noyade ? Probablement, mais le patient restera très affaibli.


Mme Massé a-t-elle laissé s’échapper des votes qui se destinaient à QS ? Non. Cet électorat vit déjà dans un monde parallèle.


Impuissance


Le vrai drame est ailleurs.


Nous nous demandons s’il faut ou non changer de chauffeur, mais la direction prise par l’autobus, elle, ne changera pas.


Cette direction, c’est celle de la provincialisation croissante du Québec.


M. Legault, s’il devient premier ministre, n’aura aucun rapport de force quand il demandera de nouveaux pouvoirs en immigration à Ottawa.


Justin Trudeau l’enverra promener, comme il a envoyé promener Philippe Couillard.


Nous continuerons à naviguer entre la mélancolie, quand nous penserons à ce que nous aurions pu être, et le divertissement... pour essayer de ne pas trop y penser.