Le documentariste Michael Moore a dressé un parralèle samedi entre la contestation du Wisconsin et la révolte en Égypte.
Photo: AP
Richard Hétu, Collaboration spéciale La Presse (New York) - Se peut-il que l'assaut dont font l'objet les employés du secteur public dans certains États américains, dont le Wisconsin et l'Ohio, finisse par profiter au mouvement syndical des États-Unis?
La réponse ne fait pas de doute, à entendre certains chefs syndicaux, dont Richard Trumka, président de l'AFL-CIO, plus grande fédération syndicale américaine.
«Nous n'avons jamais vu l'incroyable solidarité dont nous sommes aujourd'hui témoins, a-t-il déclaré la semaine dernière devant des journalistes. Nous sommes en train de gagner ce débat.»
Andy Stern, ex-président du SEIU (Service Employees International Union), a ajouté: «Il n'y a pas seulement un degré incroyable de solidarité, mais également une appréciation du fait que les gens sont attaqués, et que la façon dont les gens qui ont moins de pouvoir en obtiennent davantage passe par l'union de leur force.»
Lorsque Trumka et Stern parlent de solidarité, ils ne font pas seulement référence aux manifestations des employés publics du Wisconsin contre un projet de loi qui les priverait d'une grande partie de leurs droits à la négociation collective.
Ils font également allusion à l'opinion publique américaine. Dans plusieurs sondages publiés au cours des derniers jours, environ six Américains sur dix ont exprimé leur opposition à l'affaiblissement des droits des employés du secteur public à une convention collective.
D'autres États du Midwest, dont l'Ohio et l'Indiana, se préparent également à adopter des projets de loi qui réduiraient les acquis et droits syndicaux des employés du secteur public. Comme au Wisconsin, ces mesures suscitent la contestation.
«Nous étions à la recherche d'une étincelle et l'étincelle nous a trouvés, a déclaré Thea Lee, directrice politique à l'AFL-CIO. Ce n'est pas le combat que nous cherchions, mais c'en est un que nous pouvons tourner à notre avantage.»
L'occasion de raviver la flamme du mouvement syndical n'arrive pas trop tôt aux États-Unis, où le nombre de syndiqués est en baisse depuis des décennies. Dans son rapport annuel, le Bureau des statistiques du travail a estimé ce nombre à 14,7 millions en 2010, soit 11,9% des travailleurs américains. En 1983, le nombre d'employés syndiqués aux États-Unis s'élevait à 17,7 millions, ou 20,1% de l'ensemble de travailleurs américains, selon le Bureau des statistiques du travail.
Les employés du secteur public représentent aujourd'hui un peu plus de 50% des syndiqués américains.
Capacité de mobilisation
Les gouverneurs républicains de plusieurs États disent devoir s'attaquer aux acquis et droits syndicaux des employés du secteur public pour réaliser des économies et combler leurs trous budgétaires. Les sondages indiquent qu'une bonne partie des Américains sont d'accord avec eux pour réclamer une réduction de la rémunération des employés publics.
Mais plusieurs Américains voient dans l'assaut contre le droit de négocier des conventions collectives bien plus qu'une volonté de réduire les dépenses publiques. Ils reconnaissent là une stratégie pour affaiblir le mouvement syndical et diminuer son influence sur la politique. Car même si le nombre d'employés syndiqués ne cesse de chuter aux États-Unis, les syndicats demeurent un des alliés les plus fidèles et précieux du Parti démocrate, qui profite de leur argent et de leur capacité à mobiliser leurs membres à l'occasion des élections.
Le mouvement syndical a démontré sa capacité de mobilisation au Wisconsin, où se déroule une bataille dont l'importance dépasse largement les frontières de cet État. De nombreux commentateurs ont déjà établi un parallèle entre les manifestations qui ont lieu depuis trois semaines à Madison, capitale du Wisconsin, et l'émergence du Tea Party au début de la présidence de Barack Obama.
Quatre mois après les élections de mi-mandat, l'idée que les nouveaux gouverneurs républicains du Wisconsin, Scott Walker, et son collègue de l'Ohio, John Kasich, ont outrepassé leur mandat fait donc son chemin. En Ohio, un représentant républicain a même reconnu que son parti pourrait être puni en 2012 pour sa décision de dépouiller les policiers et les pompiers de leur droit à une convention collective.
En attendant, la bataille du Wisconsin se poursuit. La semaine dernière, le gouverneur Walker a menacé de licencier 1 500 employés de l'État si les 14 sénateurs démocrates exilés en Illinois ne reviennent pas à Madison pour participer au vote sur le projet de loi controversé.
De leur côté, des dizaines de milliers de manifestants se sont de nouveau rassemblés devant le Capitole de Madison samedi pour encourager les employés publics et sénateurs démocrates du Wisconsin à continuer à tenir tête au gouverneur Walker.
Un assaut qui mobilise les syndicats américains
«Madison n'est que le début», a déclaré à la foule le documentariste Michael Moore, qui a comparé la contestation du Wisconsin à la révolte d'Égypte.
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