Trop et pas assez

Pas assez en Afghanistan, donc. Ni en Somalie, ou au Soudan, ou au Yémen, ou dans quelque autre État failli où il faudra peut-être un jour débarquer.

11 septembre 2001


Neuf ans, aujourd'hui, que le «monde a changé». Neuf ans que des avions pleins de gens innocents ont été lancés sur des tours pleines de gens qui l'étaient aussi. L'ex-leader britannique Tony Blair écrit dans ses mémoires toutes fraîches, Un voyage/Ma vie politique (notre traduction): «Le terrorisme représente l'ultime injustice. Il cible des innocents précisément parce qu'ils sont innocents». (Voir le blogue de l'édito dans Cyberpresse.)

Aujourd'hui, tout ça semble presque banal. Des Boeing encastrés dans des tours, c'est une chose qui arrive, que voulez-vous. «Stuff happens», comme disait l'ex-secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld...

Pas de quoi en faire tout un plat.

Pourtant, nous en avons fait trop. Et, en même temps, pas assez.

Trop, d'abord.

«Nous avons réagi de façon excessive», dit Fareed Zakaria dans Newsweek. La nouvelle sécurité américaine, par exemple, occupe 263 agences d'État engloutissant plus de 75 milliards US par année et produisant 136 rapports par jour! Malgré cela, trois illuminés sont parvenus à placer des explosifs au Times Square et dans deux avions sans être importunés par d'autres que de simples citoyens...

Sous la rubrique «trop», il faut classer aussi l'aventure irakienne, qui aura monopolisé un potentiel d'action dont on aurait eu besoin ailleurs. En Afghanistan, par exemple, où auront lieu dans huit jours des élections législatives: 2457 candidats, dont 400 femmes, et 6835 bureaux de scrutin. Impressionnant. Mais la vraie vie est moins reluisante. À cause de la terreur, 950 de ces bureaux ne seront pas ouverts et des centaines de candidats se sont déjà réfugiés à Kaboul, loin de leur circonscription. Sur la corruption et la fraude, comme à la récente élection présidentielle, on ne sait encore rien. Mais on craint...

Ce qui mène au «pas assez».

Pas assez en Afghanistan, donc. Ni en Somalie, ou au Soudan, ou au Yémen, ou dans quelque autre État failli où il faudra peut-être un jour débarquer.

Or, cette voie-là est intenable et illusoire. La terreur islamiste ne sera pas vaincue surtout par la force brute, mais par la vigueur intellectuelle et morale des sociétés auxquelles elle s'attaque. La question est: avons-nous encore cette force-là? Depuis neuf ans, mille indices nous ont conduits à en douter. Dont la plus récente pièce à conviction: l'hypermédiatisation autoflagellatoire (Oyez! Oyez! Voyez comme l'Occident est islamophobe!) de l'abject chantage à l'autodafé de la part d'un vieux clown pasteurisé de la Floride élevé en trois jours par le tapage all news au rang de médiateur national des affaires bondieusiennes!

C'est un méchant «pas assez», ça aussi. Pas assez du plus élémentaire bon sens.


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