Trop souvent ces vingt-cinq dernières années, nombre de parlementaires ont joué les godillots un peu complaisants dès lors qu’il s’agissait de faire le sale boulot européen du gouvernement : en ratifiant des traités contestés, voire carrément rejetés par les urnes, en votant les yeux fermés des trains d’ordonnance transposant en droit français par pans entiers un droit européen proliférant et tatillon, en fermant les yeux sur les drôles de rapports entre Paris et Bruxelles (sacrifice du français dans les enceintes communautaires, de notre industrie, etc.),… ils ont trop souvent laissé bafouer leur mandant, le peuple français, dont ils ne sont pourtant que les représentants révocables.
Mais aujourd’hui, à travers les modalités de consultation des documents secrets de la négociation sur le traité de commerce transatlantique (actuellement en cours entre l’UE et les États-Unis), ils vont découvrir qu’ils n’étaient que les prochains sur la liste, qu’ils se sont eux-mêmes passé la corde autour du cou en favorisant la prise de pouvoir de Bruxelles sur la démocratie française.
En effet, suite à des fuites par le passé dans certains pays européens sur ces négociations, la Commission de Bruxelles (judicieusement surnommée naguère « Commission américaine de Bruxelles » par un ministre français de l’Agriculture) a décidé, avec l’accord des gouvernements, d’imposer des règles draconiennes de consultation des documents « classés restreints » relatifs au TTIP. Ces règles, restrictions, interdits et sanctions, s’appliquent aux parlementaires eux-mêmes, comme s’ils étaient de simples lanceurs d’alertes en puissance et non les représentants de la Nation, à ce titre dépositaires de droits démocratiques inaliénables.
C’est à une véritable emprise de Big Brother qu’on a affaire. Tout d’abord, en cas de fuite, ce seront tous les parlementaires qui seront collectivement punis par une interdiction d’accès que la Commission se réservera, seule, discrétionnairement, le droit de prononcer. Chacun sait pourtant ce qu’il faut penser de cette notion de « punition collective », à juste titre réprouvée dans nos salles de classes et expressément interdite dans les pays démocratiques – et au contraire très en vogue dans les dictatures, à commencer par les pires d’entre elles…
Mais gageons qu’on n’en arrivera pas là puisque, tout étant fait pour dissuader les parlementaires de procéder à aucune consultation, on peut raisonnablement douter que l’occasion leur en sera offerte.
Seuls deux créneaux hebdomadaires de quatre heures chacun sont ainsi proposés aux 925 parlementaires, sénateurs et députés confondus, pour une capacité totale d’accueil de… deux places maximum ! Cela revient à dire que si chaque parlementaire souhaitait avoir accès à ces documents dans le cadre d’un créneau complet, il faudrait au bas mot 4 ans et demi pour que tous le puissent effectivement ! Faudra-t-il donc rappeler au Gouvernement que la législature s’achève en juin 2017, soit dans un peu moins de 18 mois ? !
Les conditions d’inscription sont à l’avenant : le visiteur doit à l’avance se faire inscrire, préciser le nom du document qu’il souhaite consulter (mais où en est donc la liste ? !), le temps estimatif de consultation ( ? !) et, bien entendu, signer un acte de confidentialité.
Du début à la fin de la consultation elle-même, le parlementaire, tel un détenu en garde à vue, est surveillé par un fonctionnaire du ministère qui est son interlocuteur unique et peut à tout moment interrompre la visite.
Il est strictement interdit de prendre toute photographie des documents consultés et, en conséquence, le parlementaire ne peut accéder muni de son téléphone portable. De même, toute prise de notes par ordinateur est rigoureusement interdite, seule l’est une prise de notes manuscrite au moyen d’un crayon « mis à la disposition du SGAE » – on ne sait jamais, des fois que les élus se mettent à jouer les James Bond avec des stylos caméras ou autre gadgets dernier cri fournis par les agents Q des rues de Vaugirard et de l’Université… Enfin, qu’il ne vienne pas à l’esprit de notre visiteur de « copier » ainsi ce qu’il lui sera donné de voir (d’entrevoir ?), toute copie étant « strictement interdite » et son gardien devant manifestement contrôler les « précieuses » notes à la sortie, avant de signer en bonne et due forme un registre de sortie.
On le voit, ce cahier des charges de la Commission de Bruxelles, appliqué avec un zèle de garde-chiourme par le Secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, n’est pas seulement scandaleusement contraire au respect des droits élémentaires des représentants de la Nation, de leur droit à l’information et de leur immunité (comment, dans ces conditions, recueillir une information réelle et substantielle ? !). Non, il est aussi outrageant pour la dignité de la fonction parlementaire et, par ricochet, pour la dignité de la démocratie et de la République.
Élisabeth GUIGOU, présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale s’en est d’ailleurs un peu émue dans une lettre datée du 28 décembre, sans que l’on sache qu’elle en a été la suite – s’il y en a eu une…
En tout cas, le ton est donné : le TTIP, qui engage pourtant l’avenir de notre modèle économique, social et même démocratique, est et restera l’affaire des eurocrates de la Commission et de quelques hauts fonctionnaires dans les pays-membres. De toute évidence, un nouveau coup d’État européiste, après la ratification du traité de Lisbonne en février 2008, est en marche.
Face au péril, chacun doit agir pour empêcher qu’un nouveau coup, qui pourrait bien être lui aussi irréparable, soit porté à notre cher vieux pays !
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