Commission Bastarache

Toujours du gris

Commission Bastarache



Les dénégations entendues hier de la bouche de l'ancien attaché de presse et de l'ex-chef de cabinet de Marc Bellemare étaient sans équivoque: jamais, de quelque manière, ils n'ont eu connaissance de pressions exercées sur le ministre de la Justice pour faire nommer des juges. Le témoignage de Me Bellemare devant la commission Bastarache s'en trouve vertement contredit.
Ainsi dessinés en noir et blanc, les propos des uns et des autres semblent nous ramener à une seule question: qui dit vrai? Pour le savoir, les avocats s'en prennent donc à la crédibilité des témoins, ce qui donne un spectacle parfois affligeant.
Certes, Marc Bellemare fut loin d'être un ministre modèle, mais les témoignages d'hier évoquant son côté secret, désorganisé, impulsif finissaient par être gênants. À l'inverse, insister lourdement sur les liens entre le Parti libéral du Québec et l'ancien entourage du ministre au point d'accuser un témoin de parjure tout en rabrouant le commissaire Michel Bastarache, comme l'a fait l'avocat de Me Bellemare, est déplacé. La théorie du grand complot n'est ici d'aucune utilité.
Car, au final, il reste beaucoup de gris dans cette confrontation Marc Bellemare-Jean Charest. Nous l'avons déjà écrit, nous le répétons: nul n'a encore pu expliquer pourquoi un avocat de Hull a été nommé juge dans le district judiciaire de Longueuil — ce qui allait à l'encontre des pratiques reconnues —, ni pourquoi on a promu un juge trop âgé au poste de juge en chef adjoint à la Cour du Québec. D'autant que, dans ce cas, le ministre Bellemare avait un autre candidat en tête, un homme respecté de ses pairs à qui il avait fait des propositions sérieuses.
En cette quatrième semaine d'audiences, la commission fait toujours l'impasse sur le mystère de ces nominations. Ou elles ont une explication logique, et on attend toujours qui la livrera, ou c'est la thèse des pressions politiques évoquées par Marc Bellemare qui l'emporte.
On s'étonnait hier que Me Bellemare n'ait pas parlé de ces pressions à son chef de cabinet avec qui, normalement, il aurait dû être comme les deux doigts de la main... Mais Marc Bellemare n'était pas un ministre normal! Il était un néophyte en politique, n'était pas issu du Parti libéral ni du gouvernement, n'y avait pas d'amis et, si l'on considère tous ceux qu'il a froissés lors de son court passage en politique, n'était pas un homme qui cherchait à plaire. Mieux encore: il n'en faisait qu'à sa tête et ne rendait même pas compte de ses déplacements à son équipe.
Possible dès lors qu'un tel homme, venu en politique parce qu'il avait des réformes à faire passer, ait voulu négocier tout seul ses appuis au bureau du premier ministre en échange de nominations. Ce scénario-là n'est toujours pas exclu. Mais, pour le défaire, il faudra que la commission cesse de s'éparpiller et se concentre davantage sur les nominations qui ne concordent pas avec les usages du milieu juridique même si, techniquement, elles semblent respecter le processus.
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jboileau@ledevoir.ca


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