Mathieu Turbide - La famille montréalaise Desmarais, propriétaire de Power Corporation, aurait une influence beaucoup plus importante qu'il n'y paraît sur la pétrolière française Total, soutient l'auteur d'un livre controversé qui doit paraître la semaine prochaine au Canada.
Selon l'auteur et journaliste français Jean-Philippe Demont- Pierot, dont le livre «Total(e) impunité» a été publié le mois dernier en France, le grand patron de Power Corporation, Paul Desmarais, et son associé belge, Albert Frère, ont leur mot à dire sur toutes les décisions stratégiques du géant français du pétrole.
«[Ils] ont en leurs mains près de 6% des droits de vote. Cela paraît peu, mais cela suffit à tenir le conseil, donc la société. Pourquoi? Parce que le dépassement du seuil de 5% leur confère des pouvoirs exclusifs que n'ont pas les autres administrateurs et actionnaires», souligne-t-il.
Via le Groupe Bruxelles-Lambert et CNP, les familles Desmarais et Frère possèdent 5,4% des actions de Total. Ils peuvent ainsi, selon l'auteur, «convoquer des assemblées générales extraordinaires des actionnaires» et même «engager une procédure de révocation des cadres de l'entreprise».
Desmarais et Sarkozy
Le livre de 264 pages s'ouvre sur une description de la réception qui a été organisée au restaurant parisien Fouquet's le soir de l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la France, soirée à laquelle participaient Paul Desmarais Sr et son associé Albert Frère.
Jean-Philippe Demont-Pierot, qui a été journaliste au Cambodge pendant 10 ans, a commencé à s'intéresser à Total après avoir rencontré des réfugiés birmans vivant en Thaïlande qui lui ont parlé de la présence -toujours très controversée -de Total dans leur pays.
Le problème birman, éternelle patate chaude pour la pétrolière, est d'ailleurs largement expliqué dans ce livre coup-de-poing. L'auteur relate comment les milliards de dollars investis par Total en Birmanie ont aidé la junte militaire (qui n'est toujours pas reconnue par l'ONU) à asseoir son autorité dictatoriale sur le pays.
«De la fiction», rétorque Power
L'auteur s'intéresse aussi aux nombreuses autres activités controversées de la plus grande entreprise française (une capitalisation de 137 milliards $).
Il souligne l'intérêt grandissant de Total pour les sables bitumineux canadiens, relevant à plusieurs reprises l'influence de la famille Desmarais sur les politiciens canadiens.
«C'est de la fiction», a rétorqué le vice-président de Power Corporation, Edward Johnson, en entre-vue au Journal. «Ça sort de l'imagination de certaines personnes, des gens avec une imagination très vive. Ça fait de bonnes lectures, mais ça n'a rien à voir avec la vérité», a-t-il indiqué, en ajoutant ne pas vouloir commenter directement le livre, puisqu'il n'en avait jamais entendu parler.
Selon M. Johnson, Power ne détient que 1/3 de 1% des actions de Total. «Chez Total, nous ne contrôlons que notre part des dividendes. Ce qui veut dire que si Total remettait des dividendes de 1 $, nous ne toucherions que 1/3 de 0,01 $», dit-il, en rappelant que la présence au C.A. de Total de Paul Desmarais Jr et du représentant du Groupe Frère, Thierry de Ruder, est «historique», puisqu'elle date de la fusion de la pétrolière belge PetroFina avec Elf, puis Total.
Il réfute toutefois le calcul effectué par l'auteur de Total(e) impunité qui additionne la part de GBL dans Total (3,9% des actions) et celle du groupe CNP (1,4%). CNP est un holding contrôlé par Albert Frère.
«Je ne sais rien des actions de CNP dans Total», a indiqué M. Johnson.
* Paul Desmarais Junior est le seul Canadien à siéger au conseil de Total. Il représente le Groupe Bruxelles-Lambert, une entreprise possédée à 50% par le holding Pargesa, un partenariat entre Power Corp et Albert Frère.
Livre - «Total(e) impunité»
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