Français et recensement

Tant à faire!

Langue française

Maintenant que le plus récent décompte est connu, c’est moins de s’étonner des chiffres du recensement qui importe que de passer à l’action pour faire face au défi du français dans la région de Montréal. Le gouvernement Marois a raison de ne pas vouloir perdre de temps.
Le recensement de 2011 est on ne peut plus clair : les préoccupations quant à la fragilité du français à Montréal débordent maintenant l’île, atteignent ainsi Laval dont le visage démographique se transforme à toute vitesse. Les immigrants découvrent à leur tour la banlieue, y remplaçant les Québécois de langue maternelle française. C’est mathématique, mais on a trop tardé à s’ajuster à cette nouvelle réalité, qui reste floue.
On apprend entre autres qu’il y a une progression légère de nouveaux arrivants qui ajoutent le français à leur langue maternelle dans leurs échanges à la maison. A priori, c’est une bonne nouvelle, mais en regard de quels objectifs à long terme? Travaille-t-on vraiment pour que le groupe francophone, majorité et assise historique du Québec, fasse le plein des transferts linguistiques? Ou y va-t-on au petit bonheur la chance? En fait, nous sommes loin de maîtriser les clés de l’intégration.
Pour que, outre le temps de l’école en français pour les enfants, les Québécois francophones arrivent à attirer les immigrants dans leur univers, il faut dépasser la stricte question linguistique. Ce qui est en cause, ce sont les liens d’appartenance qui passent par le travail, l’amitié, le voisinage, comme l’avait fait valoir le Conseil supérieur de la langue française dans un rapport de 2008. Même dans un Québec toujours pas souverain, il y a de quoi faire.
« Le français ne sert pas qu’à commander au dépanneur », comme l’écrit Robert Laplante dans le très stimulant dernier numéro de la revue Relations qui, sur le thème « Que vive la langue! », prend le sujet à bras-le-corps pour justement lui donner corps. Apprendre une langue, ce n’est pas qu’utilitaire ou pour gagner sa vie : à cette aune, même la riche culture anglophone s’en trouve desservie tant on limite l’anglais à sa fonction économique.
Tout l’enjeu est là. Pour que l’immigrant choisisse le Québec avec son histoire, sa culture, sa manière de vivre, donc son récit, tout ce qui permet, comme le dit Gilles Gagné dans Relations, de comprendre Fred Pellerin et « l’étoffe d’un pays », il faut arriver à se côtoyer. Le danger d’une île qui se vide de ses francophones tient dans cette répartition en vases clos.
Jean-François Lisée, nouveau ministre, responsable de Montréal, a bien saisi le problème quand, dans sa première réaction aux données de Statistique Canada, il a parlé… logements. Comment garder les familles, les francophones en particulier, à Montréal? En s’assurant d’une offre où l’habitation est accessible, et pourvue de plus d’une chambre à coucher…
Le milieu de travail reste par ailleurs fondamental, ce qui appelle des efforts sur plusieurs fronts. Celui de la discrimination, qu’on refuse trop souvent de nommer. Celui de la francisation elle-même : les entreprises de moins de 100 employés passent sous l’écran radar, les moins de 50 employés échappent à la Charte de la langue française. C’est une aberration : l’immigrant se retrouve dans ces PME. À Montréal, cela signifie très souvent travailler en anglais.
Cet automne, l’Office de la langue française présentera des données sur la langue de travail, indiquait hier la nouvelle ministre responsable de la Charte, Diane De Courcy. Il en découlera une « réforme costaude » en matière linguistique, a-t-elle dit. Elle sera législative (comment ne pas l’être si l’on veut faire bouger les choses), mais aussi « d’ordres incitatif, administratif, éducatif ». Il faut voir large, quoi. Et sortir de la justification des choix individuels pour enfin tenir compte d’un effritement collectif.


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